Coûts des matières premières, de l'énergie, baisse de la demande… L'Insee pointe les difficultés de la filière automobile

A quelques jours des annonces de la Commission sur l'avenir de l'industrie automobile, le gouvernement a réuni la filière le 2 décembre 2025 pour présenter un front commun. L'Insee a de son côté établi une photo complète de la filière et des principaux freins à son activité, dans une étude publiée le même jour.

"L'objectif n'est pas de fermer le marché mais de rétablir des règles du jeu équitable vis-à-vis d'une concurrence extra-européenne déloyale." C'est la timide réaction du gouvernement à l'issue d'une réunion, le 2 décembre, avec la filière automobile qui traverse une crise profonde. Alors que "l’ensemble de la filière a partagé un diagnostic clair : l’industrie automobile européenne fait face à une demande insuffisante et à un choc concurrentiel durable et profond", le gouvernement plaide pour une "préférence européenne assumée dans le cadre de la révision du règlement européen sur les émissions de COde véhicules". Une préférence qui ne règlera en rien la concurrence intra-européenne, alors que le temps est compté : les sénateurs alertaient il y a peu sur le risque de "crash" (voir notre article du 17 octobre 2025). 

Le secteur représente encore 329.000 salariés en France (soit 1,6% de l'emploi salarié privé en France et 1,2% de l'emploi total) et 1,1% du PIB, pour une valeur ajoutée de 31,2 milliards d'euros, selon une étude de l'Insee publiée le 2 décembre qui analyse en détail son poids dans l'économie française et ses principales difficultés, dont l'augmentation des coûts de l'énergie et des matières premières, les problèmes de recrutement et l'évolution à la baisse de la demande.

Quelque 4.000 sociétés environ y travaillent. 77% des salariés de la filière se situent dans les segments industriels, à voir la construction automobile, la fabrication d'équipements automobiles (pare-chocs, tableaux de bord, pneumatiques), la fabrication de biens intermédiaires (fonderie, revêtements, pièces de fixation) et la fabrication de biens d'équipements (machines-outils, chaînes de montage). La construction automobile regroupe à elle seule 84.600 salariés, soit le quart de l'ensemble des salariés, selon l'Insee, qui n'intègre pas dans son calcul les activités situées en aval de la production comme les concessions automobiles ou les auto-écoles.

Une activité concentrée dans le nord et l'est de la France

L'activité automobile se situe principalement au nord et à l'est de la France. La région qui emploie le plus dans cette filière est l'Ile-de-France (63.700 salariés). Viennent ensuite les régions Auvergne-Rhône-Alpes (51.300), Grand Est (43.500) et Hauts-de-France (41.400). "Ces quatre régions regroupent environ 60% des emplois dédiés à l'automobile, contre 50% de l'emploi salarié total en France", précise l'étude. A l'inverse, l'industrie automobile est peu implantée dans les régions du sud (Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Paca) avec moins d'un dixième des emplois de l'automobile contre un quart de l'ensemble des salariés.

Les sociétés de la filière, et particulièrement les grandes entreprises, bénéficient d'importantes aides de l'Etat (crédit d'impôt recherche, financements issus de l'Agence nationale de la recherche, de l'Ademe ou de Bpifrance). Les plus petites bénéficient quant à elles davantage d'aides provenant des collectivités territoriales.

Autres précisions sur la structure de la filière : une société sur dix déclare être implantée à l'étranger et le secteur repose principalement sur des multinationales. 94% de la valeur ajoutée est ainsi réalisée par ces entreprises. C'est bien plus que pour l'ensemble de l'industrie manufacturière pour laquelle 78% de la valeur ajoutée est réalisée par des multinationales. "La chaîne de valeur de la filière présente donc un très haut degré d'internationalisation", précise le document, signalant qu'à l'inverse, les sociétés implantées exclusivement en France, qui sont majoritaires en nombre, ne représentent que 10% de l'emploi et 7% de la valeur ajoutée de la filière.

Les coûts des matières premières et de l'énergie, des freins à l'activité

Globalement, et mis à part les constructeurs automobiles, les prévisions pour 2025 ne sont pas très positives. Les entreprises prévoient ainsi que leur activité à destination du marché automobile va diminuer, et c'est particulièrement vrai pour le secteur de la fabrication de produits en caoutchouc et plastique et la métallurgie et la fabrication de produits métalliques. Les constructeurs automobiles sont plus optimistes. Ils envisagent d'accroître leur activité vers d'autres marchés que l'automobile.

Parmi les difficultés que la filière identifie : les coûts des matières premières. 68% des sociétés les considèrent comme un frein important ou modéré. Les coûts de l'énergie sont aussi un sujet de préoccupation : 49% des sociétés sont inquiètes sur le fait qu'ils puissent augmenter et 61% considèrent que c'est un frein (important ou modéré) pour leur activité. La facture énergétique des secteurs industriels a presque doublé entre 2019 et 2023 (+94%).

La faible demande de véhicules électriques en France fait aussi partie des inquiétudes. Elle est citée comme un frein par 51% des sociétés interrogées. Entre 2019 et 2023, la baisse des ventes de véhicules neufs atteint 18%. Autre frein à l'activité : les difficultés de recrutement, en particulier dans les secteurs de la métallurgie et de la fabrication de produits métalliques, de l'ingénierie et des études techniques (manque de candidatures et décalage entre les compétences des candidats et les besoins) et enfin, les difficultés de financement (40%) et la réglementation (39%).

Le 10 décembre, la Commission européenne doit annoncer des mesures pour soulager le secteur et l'aider dans sa transition vers la décarbonation. Dans cette optique, le chancelier allemand Friedrich Merz a appelé, vendredi, à lâcher du lest sur l'échéance de 2035, en continuant d'autoriser "les véhicules à propulsion hybride" rechargeables et "moteurs thermiques à très haute efficacité". "2035, il faudra sans doute l'assouplir", a estimé le ministre délégué chargé de l'industrie Sébastien Martin, mardi, au micro de RMC.

 

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