À Dax, les habitants du quartier Cuyès participent à la conception et à la construction des espaces publics (40)

Situé à 1 kilomètre du centre-ville de Dax (20.683 habitants), le quartier Cuyès compte 1.190 habitants et 335 logements sociaux. « C’est un quartier central, proche du lycée et des collèges, mais il était mal aimé, se souvient Svetla Schaff, directrice de l’urbanisme de Dax. Espaces extérieurs dégradés et délaissés, conflits d’usages, un peu de petite délinquance mais pas trop… »

En 2012, la ville de Dax, propriétaire des espaces publics, et l'office public de l'habitat de Dax, devenu « XL Habitat », propriétaire du bâti, décident de mener une étude pour la reconfiguration des espaces extérieurs. Un marché de maîtrise d’œuvre urbaine et paysagère du quartier de Cuyès est lancé. Le candidat retenu est Bruit du Frigo, un collectif de création urbaine qui regroupe architectes, artistes, urbanistes, médiateurs et constructeurs. Sa spécialité : réaliser des projets participatifs sur l’espace public, mêlant installations et scénographies urbaines, micro-architectures, actions collectives et événements culturels.

Des ateliers façon auberge espagnole

« Nous étions mandatés pour une mission courte : réaliser un diagnostic urbain et élaborer le plan guide des espaces publics du quartier, en collaboration avec les habitants, raconte Yvan Detraz, directeur de Bruit du Frigo. À l’époque, le quartier ne disposait pas d’espace approprié pour réunir les habitants en hiver. Nous avons donc construit une micro-architecture, le Cabanon Cuyès, l’avons équipé d’un poêle à bois, et en une semaine, nous avons rencontré presque tous les riverains. Le cabanon a été inauguré par la ville, puis nous avons mené des ateliers façon auberge espagnole, avec l’urbaniste, et les associations locales qui venaient sur place proposer des activités. » Les matches du Tournoi des 6 nations sont retransmis en public. Avec un franc succès en ces terres de rugby… « Nous avons aussi organisé un concours de soupes. Beaucoup de gens sont venus dans la cabane de 25 m² ! » se souvient l’architecte.

Prélude à 4 jours de workshop intensif, ces actions visent à impulser un élan collectif afin de faire converger les souhaits des habitants avec ceux de la ville de Dax. Une déambulation est organisée dans le quartier, pour identifier ses atouts et ses faiblesses. « Cela a relancé la dynamique entre habitants, les anciens ont rencontré les nouveaux, c’était comme une étincelle qui redonnait envie de faire des choses ensemble », poursuit l’architecte.

Après trois ans de recherche de financement, la ville de Dax relance en 2016 un marché pour la maîtrise d’œuvre des espaces publics, à nouveau confié à Bruit du Frigo pour poursuivre le travail participatif et la coconstruction du projet. Parallèlement, l’office public d’habitat rénove les logements. Durant 3 ans, ateliers de conception et chantiers participatifs vont impliquer les habitants aux côtés des constructeurs pour programmer ensemble et coconstruire des aménagements de proximité : micro-salons barbecue, halle, jeux de plein air. Nom de l’opération : « J’peux pas j’ai chantier ! »

Le quartier s’est ouvert sur l’extérieur

« Le travail de concertation mené avec les jeunes et les enfants autour du sport a conduit au réaménagement du terrain de foot et à la création d’un city stade au cœur même du quartier », précise la directrice de l’urbanisme, Svetla Schaff.

Aujourd’hui, la directrice de l’urbanisme se réjouit du travail accompli : « Il y a beaucoup moins d’incivilités qu’avant, et surtout le quartier s’est ouvert sur l’extérieur. Le city stade attire des jeunes d’autres quartiers et favorise les pratiques hors les murs du centre social, tout proche. Le sentiment d’enclavement éprouvé autrefois par les habitants s’est dissipé, aujourd’hui ils sont fiers de dire : “j’habite à Cuyès”. »

Ne pas négliger l’intelligence d’usage des habitants

Du côté des services municipaux, l’expérience est également concluante, même si « ce type d’opération sort clairement du cadre habituel, précise la directrice. C’est vrai qu’il y a eu des difficultés pour amener les services à changer leurs méthodes. Il faut accepter de renverser les rôles, permettre aux habitants d’être acteurs de leur environnement. Les agents doivent comprendre que les habitants ont une connaissance et une intelligence des usages qu’il ne faut pas négliger. Ils vivent ici, ils savent ce qui convient le mieux ! Aujourd’hui, les aménagements fonctionnent, ils sont appropriés et respectés par les habitants. Et les échanges ont aussi permis de désamorcer l’inquiétude de la police sur la présence de certains aménagements susceptibles d’entraîner des nuisances, comme les barbecues, ou les micro-salons. »

Pour la directrice de l’urbanisme, « le bilan de l’opération est très positif. C’est une expérience à reproduire sur d’autres opérations, d’autres espaces et à d’autres échelles, car c’est la garantie d’un aménagement réussi ».

Prochaine étape pour le quartier Cuyès : la réhabilitation de la barre commerciale, qui sera partiellement démolie puis recomposée et reconstruite. « Ce nouvel espace multifonction sera le point névralgique du quartier ». L’immeuble abrite actuellement deux commerces, un coiffeur et un tabac-presse-dépôt colis, ainsi que le tribunal de commerce et un centre social. La Banque des Territoires participe à ce projet.