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Demandeurs d'asile : le schéma d'accueil 2021-2023 instaure une répartition entre régions

Le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés 2021-2023 insiste sur la nécessité de "rééquilibrer la prise en charge des demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire métropolitain", sachant que l'Île-de-France concentre à elle seule près de la moitié de la demande d'asile sans offrir de capacités d'hébergement suffisantes. Une orientation vers les autres régions est donc prévue dès maintenant, avec des objectifs mensuels et une clé de répartition par région. Un arrêté est venu fixer le nombre de places d'hébergement concernées et leur répartition entre régions.

Le ministère de l'Intérieur publie le "schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés 2021-2023". Ce document d'une vingtaine de pages se double d'un arrêté, en date du 7 janvier 2021, fixant l'objectif du nombre de places d'hébergement au 31 décembre 2021 et la répartition des demandeurs d'asile entre les régions métropolitaines. Selon l'éditorial du schéma, signé de Marlène Schiappa, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, l'ambition est notamment de "renforcer l'efficacité" du dispositif d'accueil : "Il nous faut rendre plus fluide l'hébergement au sein des structures d'accueil qui n'ont pas vocation à constituer une solution d'accueil de long terme", écrit-elle.

"Répondre à la polarisation francilienne"

Le contexte dans lequel se situe le schéma d'accueil 2021-2023 est déjà bien connu. Depuis 2015, la France et l'Europe sont confrontées à "une augmentation continue et rapide de la demande d'asile", obligeant les dispositifs à s'adapter dans l'urgence. En 2019, près de 178.000 personnes ont demandé l'asile en France (réexamens compris), un chiffre encore jamais atteint, qui en fait la deuxième destination d'accueil en Europe. Si les chiffres, non encore publiés, vont reculer fortement en 2020 du fait de la crise sanitaire et de la fermeture des frontières, Marlène Schiappa rappelle que ce recul temporaire "ne peut masquer la permanence de ce dynamisme". Face à ces demandes d'asile, la capacité d'accueil a doublé en moins de cinq ans, pour atteindre 107.000 places en 2020. Mais elle se révèle toujours insuffisante et n'accueille qu'un demandeur d'asile en cours de procédure sur deux, conduisant à mobiliser des places dans des structures qui ne sont pas destinées à l'accueil des réfugiés et demandeurs d'asile.

L'axe principal du schéma d'accueil 2021-2023 concerne la meilleure prise en compte des réalités territoriales. Il s'agit, à travers une orientation régionale, de "rééquilibrer la prise en charge des demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire métropolitain" (l'outre-mer fera l'objet d'un document distinct). Plus précisément, il s'agit de "répondre à la polarisation francilienne des flux migratoires dans l'Hexagone". L'Île-de-France concentre en effet 46% de la demande d'asile pour 19% des capacités d'hébergement dans le dispositif national d'accueil. Conséquence de cette situation : si 93% des demandeurs d'asile bénéficient d'un hébergement en Bourgogne-Franche-Comté, ils ne sont que 30% dans ce cas en Île-de-France. Et au sein même des régions, il existe également une polarisation sur les métropoles.

Mise en place d'une orientation régionale dès janvier 2021

L'objectif est donc de mettre progressivement en œuvre, dès janvier 2021, une orientation régionale afin d'"assurer un rééquilibrage territorial important de la prise en charge de la demande d'asile en orientant mensuellement environ 2.500 demandeurs d'asile depuis l'Ile-de-France vers les autres régions du territoire". Sur une année, ce sont ainsi environ 30.000 demandeurs d'asile qui devraient être réorientés (à comparer aux 120.000 primo-demandeurs d'asile enregistrés en 2019).

La base juridique de cette orientation – qui n'est pas sans rappeler celle appliquée pour les MNA (mineurs non accompagnés) – existe déjà, avec l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), introduit par la loi Asile et immigration du 10 septembre 2018. Cet article prévoit en effet que "lorsque la part des demandeurs d'asile résidant dans une région excède la part fixée pour cette région par le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et les capacités d'accueil de cette région, le demandeur d'asile peut être orienté vers une autre région, où il est tenu de résider le temps de l'examen de sa demande d'asile. L'Office français de l'immigration et de l'intégration détermine la région de résidence en fonction de la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région en application du schéma national et en tenant compte des besoins et de la situation personnelle et familiale du demandeur".

En pratique, le schéma précise que "chaque mois, un nombre donné de demandeurs d'asile sera ainsi orienté de façon directive depuis [les] guichets uniques ; le nombre de demandeurs concernés a vocation à croître par paliers, dans le cadre des différentes phases de déploiement de l'orientation régionale". Il est également indiqué que l'identification des demandeurs d'asile orientés, effectuée par l'Ofii, "résultera d'une détermination aléatoire". Par ailleurs, "sauf cas spécifique, la vulnérabilité ne sera pas considérée comme faisant obstacle à l'orientation régionale".

Un dispositif et une clé de répartition inspirés de l'exemple des MNA

Comme dans le cas des MNA, l'orientation se fera sur la base d'une clé de répartition par région, basée sur le nombre d'habitants, le PIB par habitant, le taux de chômage et les capacités d'accueil régionales au sein du dispositif national d'accueil (hors centres provisoires d'hébergement). L'orientation régionale s'effectuera directement vers une solution d'hébergement en région. Les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) ont dès lors vocation à constituer un "sas d'accueil" dans le parc d'hébergement, afin de permettre une première évaluation administrative et sociale, avec une durée maximale de prise en charge d'un mois.

À cette fin, le schéma prévoit la création, dès 2021 de 1.500 nouvelles places de CAES et de 3.000 places de Cada (centres d'accueil pour demandeurs d'asile). Toutes ces créations se feront hors Île-de-France, "afin d'accueillir les demandeurs qui seront orientés depuis cette région". L'arrêté du 7 janvier 2021 fixe ainsi le nombre de places d'hébergement dédiées à̀ l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés est fixé à 111.978 places au 31 décembre 2021. Cette capacité se répartira alors en 4.636 places en CAES, 51.796 places en Huda (hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile, dont environ 6.000 Huda en hôtel, 46.632 places en Cada et 8.914 places en CPH (centres provisoires d'hébergement).

Près de 50% des demandeurs d'asile orientés vers Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie 

L'arrêté du 7 janvier fixe également, pour 2021, la répartition régionale des demandeurs d'asile orientés (à ne pas confondre avec la totalité des demandeurs d'asile). Deux régions seront exclues de ce mécanisme de répartition : l'Île-de-France (qualifiée d'"excédentaire") et les Hauts-de-France (indiquée dans l'arrêté comme "à la cible"). Deux régions accueilleront chacune 3% des demandeurs d'asile orientés : Pays de la Loire et Paca. Cinq régions accueilleront autour de 10% de ces demandeurs d'asile orientés : Centre-Val de Loire (8%) Bretagne (9%), Normandie (10%), Bourgogne-Franche-Comté (11%) et Grand Est (11%). Enfin trois régions accueilleront près de la moitiés des demandeurs d'asile orientés, avec chacune 15% du total : Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.

Précision importante : il s'agit là d'un dispositif concernant les réfugiés entrant dans le circuit officiel de la demande d'asile. Sa mise en œuvre devrait contribuer à réduire les tensions en Île-de-France mais elle ne fera pas disparaître la question des réfugiés "hors circuit", ni celle des déboutés du droit d'asile, qui devraient rester très largement concentrés en Île-de-France.

Référence : arrêté du 7 janvier 2021 pris en application de l'article L.744-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Journal officiel du 10 janvier 2021).

 

 

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