Demandeurs d'asile : la CNCDH dénonce les dysfonctionnements de la nouvelle carte d'allocation

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a adopté le 28 janvier, à l'unanimité, une déclaration relative à la nouvelle carte de paiement de l'allocation pour demandeur d'asile, dite "carte ADA". Mise en place le 5 novembre dernier, celle-ci a été créée par le décret du 28 décembre 2018 relatif aux conditions matérielles d'accueil (voir notre article ci-dessous du 8 janvier 2019). Jusqu'alors, la carte ADA permettait à ses titulaires d’effectuer à la fois des retraits et des achats (y compris sur internet). Désormais, elle est uniquement une carte de paiement direct, abondée par le versement de l'ADA.

Mais, deux mois après la mise en place de cette réforme, la CNCDH dit avoir été "alertée par ses associations membres sur les nombreux dysfonctionnements de la carte et l'impact de la réforme sur la couverture des besoins de base de ses bénéficiaires". La déclaration adoptée estime notamment que "cette réforme [...] ne fait qu'altérer les conditions de vie des demandeurs d'asile et porte atteinte à leur dignité", celle-ci supposant que les demandeurs d'asile "puissent disposer librement des ressources qui leur sont allouées". Or, la nouvelle carte ADA, qui ne permet pas les retraits en espèces, porte atteinte au besoin de liquidités de la vie quotidienne car, malgré le mécanisme du cashback (permettant en théorie de retirer des espèces chez un commerçant dans le cadre d'une opération de paiement), de nombreux achats dans des commerces de proximité deviennent impossibles (boulangeries, laveries automatiques, la Poste, certains transports...), de même que le règlement dans certaines cantines scolaires ou celui du logement pour les demandeurs qui ne sont pas hébergés dans le dispositif national d'accueil, faute de places disponibles. Pour la CNCDH, "cette incapacité favorisera l'émergence d'un marché parallèle, générateur de vulnérabilité et risque d'exploitation supplémentaire".

En outre, la déclaration estime que "la nouvelle carte porte atteinte à l'accès aux réseaux solidaires et d'entraide, dès lors que les marchés et boutiques solidaires ne sont généralement pas équipés de terminaux de paiement électronique (TPE) et que certains hébergements citoyens demandent une participation des intéressés, même symbolique". La carte porterait aussi atteinte "à l'ensemble de la chaîne de solidarité, puisque les gestionnaires des centres d'hébergement risquent d'en subir les conséquences en étant sollicités pour échanger des liquidités et contraints de supporter l'effort budgétaire d'équipement en TPE". Enfin, la CNCDH estime que la nouvelle carte ADA soulève un problème de protection des données personnelles, "alors que l'Ofii [Office français de l'immigration et de l'intégration, ndlr] effectue un traçage des achats (types de dépenses, lieux, montants...) et des déplacements réalisés". La commission compte d'ailleurs saisir la Cnil sur ce sujet.

Conclusion de ce réquisitoire : la CNCDH "appelle à la mise en place d'une politique qui veille à garantir le plein respect de la dignité et du droit d'asile des personnes en quête de protection internationale", ce qui suppose "le remplacement de la nouvelle carte ADA par une carte de retrait et de paiement, y compris en ligne".

Références : Commission nationale consultative des droits de l'homme, déclaration relative à la nouvelle carte de paiement de l'allocation pour demandeur d'asile (carte ADA) (Journal officiel du 2 février 2020).
 

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