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Social - Dernière ligne droite pour le plan Pauvreté : la prime d'activité et un nouveau revenu minimum en 2016

Présentant le 3 mars la feuille de route 2015-2017 du plan interministériel de lutte contre la pauvreté, le Premier ministre s'est surtout attaché à décrire les contours de la future prime d'activité, qui remplacera au 1er janvier 2016 le RSA activité et la prime pour l'emploi. Mais la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif sera suivie de près par un autre changement de taille : la refonte du RSA socle, qui sera fusionné avec l'allocation de solidarité spécifique. Parmi les autres sujets, le "silence" du gouvernement sur le logement des plus démunis inquiète les associations.

Entouré de onze ministres et secrétaires d'Etat (*), le Premier ministre a présenté le 3 mars la feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Pour cet exercice qui sera probablement le dernier du quinquennat en la matière, c'est la future prime d'activité, destinée à fusionner le revenu de solidarité active (RSA) activité et la prime pour l'emploi (PPE), qui était au centre de l'attention. D'ici son entrée en vigueur, prévue pour le 1er janvier 2016, cette nouvelle prestation fera l'objet d'un débat au Parlement dans le cadre du projet de loi de modernisation du dialogue social. "Ce texte de loi", pour Manuel Valls, devra être "adopté avant l'été". En attendant le projet de loi lui-même, l'intervention du Premier ministre a permis de préciser les contours du futur dispositif.
Concernant, d'abord, les moyens qui lui seront alloués. A quatre milliards d'euros, le budget est "en augmentation par rapport à ce que le RSA activité et la prime pour l'emploi auraient représenté en 2016", selon le Premier ministre. Le gouvernement mise en fait sur la pleine utilisation d'une enveloppe en réalité constante. "La prime pour l'emploi était en décroissance depuis 2009 – son barème avait alors été gelé", a ajouté le Premier ministre. Selon son entourage, la dépense de PPE, touchée en fin d'année sous la forme d'un crédit d'impôt, diminuait depuis plusieurs années de 200 à 300 millions d'euros par an du fait de la baisse du nombre de bénéficiaires et de la dégressivité des montants alloués. Quant au RSA activité, perçu mensuellement, "beaucoup de bénéficiaires potentiels ne le demandaient pas car ils préféraient avoir une PPE pleine en fin d'année", précise l'entourage. D'où un taux de non-recours atteignant 70% sur cette prestation finalement jugée "stigmatisante", en dépit des intentions de départ.

La prime d'activité ouverte aux jeunes

A la future prime d'activité, "entre 4 et 5 millions d'actifs seront éligibles (…) dont 700.000 à un million de jeunes", a présenté le Premier ministre, précisant que "seuls 8.600 jeunes bénéficient aujourd'hui du RSA activité". "Ouverte aux jeunes travailleurs de 18 à 25 ans", la prime bénéficiera aussi - dans le cadre d'un "droit autonome" - aux "jeunes résidant chez leurs parents" et dont la "famille a des revenus modestes". Répondant à l'AFP, François Soulage, président du collectif d'associations Alerte, s'est dit "positivement surpris" de cette annonce concernant les jeunes vivant chez leurs parents.
Le montant de la prime sera calculé en fonction des ressources d'activité - dans le scénario envisagé, "jusqu'à 1,2 Smic, soit 1.400 euros" - et de la situation du ménage. "La prime des familles, y compris monoparentales, sera ainsi majorée", selon Manuel Valls. Dans le scénario actuel, elle pourrait par exemple atteindre "220 euros pour une mère isolée avec un enfant qui travaille à tiers temps". Versée "dès le premier euro de revenu d'activité", la prime devrait être la plus avantageuse à un niveau d'activité de 0,5 smic et diminuer ensuite ; mais l'opportunité de moduler le montant de la prime en fonction du nombre d'heures travaillées fait débat parmi les parlementaires, selon l'entourage du Premier ministre. Sur ces aspects, comme sur la "définition des jeunes actifs éligibles" et, notamment, sur les apprentis et les étudiants, la "discussion" devra être "menée assez rapidement", a consenti Manuel Valls.

Un nouveau revenu minimum remplaçant RSA socle et ASS mis en oeuvre "dès les premiers mois" de 2016

Quant au dispositif lui-même, qui vise à simplifier l'accès au droit mais aussi le traitement de la prestation par les CAF – par rapport au RSA activité -, il sera fondé sur une déclaration tous les trois mois, par voie dématérialisée (internet ou voie postale), des revenus perçus le trimestre précédent. Après une première inscription à la CAF, les bénéficiaires n'auront en principe pas à redéclarer leur situation de famille. Avec cette solution et l'ouverture assez large de la prime, un compromis semble avoir été trouvé entre le gouvernement et le collectif Alerte. Toujours auprès de l'AFP, son président a salué une "vraie évolution" qui entraînera "une amélioration du pouvoir d'achat des catégories les plus pauvres".
L'année 2016 devrait bien être celle de la disparition du RSA. Confirmant sa volonté de voir fusionner RSA socle – dont les conseils généraux ont la charge - et allocation de solidarité spécifique (ASS) – actuellement délivrée par Pôle emploi aux chômeurs en fin de droits -, Manuel Valls compte, là aussi, aller vite. Alors que le Premier ministre a "préfiguré" le lundi 2 mars (voir notre article du 4 mars) le groupe de travail Etat-départements visant à assurer un financement pérenne au RSA socle, le "chantier" dans son ensemble "devra conduire à des propositions d'ici l'été". Pour mettre en place un nouveau dispositif, là encore "simple et efficace", des dispositions seront adoptés dans le cadre de la loi de finances pour 2016, pour une mise en œuvre "dès les premiers mois" de l'année prochaine.

Une mission parlementaire pour poursuivre la refondation du travail social

Sur le reste de la dernière feuille de route du gouvernement concernant ce plan pluriannuel, Manuel Valls n'aura fait qu'évoquer quelques-unes des "49 autres actions concrètes" prévues : la mise en place d'un "plan d'aide renforcé" pour les familles pauvres, les actions portées par François Rebsamen pour les chômeurs de longue durée (voir notre article du 10 février 2015) ou encore la généralisation de la garantie jeunes d'ici 2017.
Autre chantier à poursuivre : celui des Etats généraux du travail social. "Je confierai une mission sur ce sujet à la députée du Pas-de-Calais Brigitte Bourguignon", a annoncé le Premier ministre. Avec l'objectif de "refonder les méthodes d'intervention, de formation, de travail en commun des travailleurs sociaux ; de les aider aussi à affirmer les valeurs républicaines", notamment, "la laïcité". "Une attention particulière sera également portée à la situation des jeunes qui sortent des dispositifs de placement de l'aide sociale à l'enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse", a ajouté Manuel Valls. Un sujet sur lequel il pourrait revenir ce vendredi 6 mars à l'occasion du comité interministériel à la citoyenneté et à l'égalité. Ce dernier sera suivi, "quelques jours après" – selon nos informations, il pourrait s'agir du 13 mars -, d'un deuxième comité interministériel consacré aux territoires ruraux. 

Fermeté sur la construction de logement social, silence sur les sans-abri 

Dans son bilan de la deuxième année du Plan pauvreté remis le 26 janvier dernier (voir notre article du 27 janvier), la mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait notamment pointé deux faiblesses : la territorialisation du plan et l'accès au logement des plus démunis. Sur ces deux sujets, le Premier ministre a rappelé la mobilisation du gouvernement et demandé à "ses partenaires", et notamment aux collectivités locales, de prendre leur part de responsabilité. Ainsi, sur la construction de logements sociaux, Manuel Valls a fustigé les résistances de certains maires, "au nom d'un égoïsme insupportable". Pour que "la loi soit respectée", il s'agit de donner la main, dans certains cas, aux préfets et de soutenir les maires bâtisseurs, a indiqué le Premier ministre sans plus de précision. Des éléments qui n'auront sans doute pas convaincu le Collectif des associations unies qui, dans un communiqué du 2 mars, dénonçait "un silence très inquiétant" sur la politique du logement et de l'hébergement. Ces associations demandaient notamment au gouvernement de s'engager à faire en sorte que personne ne soit "contraint de vivre à la rue".

Caroline Megglé

(*) Sylvia Pinel, François Rebsamen, Ségolène Neuville, Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Stéphane Le Foll, Laurence Rossignol, Thierry Mandon, Patrick Kanner, George Pau-Langevin et Christian Eckert. 

 

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