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Ressources humaines - Droit de grève et transports de voyageurs : après la loi de 2007 sur le service minimum, les chefs de service conservent une marge de manoeuvre

Après avoir respecté le Code du travail (articles L.2512-1 à 2512-5), et la loi du 21 août 2007 sur la continuité du service public dans les transports, les chefs de service peuvent prendre des mesures complémentaires pour encadrer le droit de grève afin d'assurer la continuité du service public. Ainsi en a décidé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 11 juin 2010 en rejetant le recours formé par le Syndicat Sud contre une instruction du directeur de la RATP qui interdit aux agents de se mettre en grève en cours de journée de travail. Explications.

"Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent". Cette formule inscrite dans le préambule de la constitution de 1946, permet aux parlementaires de limiter le droit de grève afin "d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public". Ainsi, en 1963, a été prévu un droit de grève propre "aux personnels de l’Etat, des régions, des départements, communes comptant plus de 10.000 habitants, des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés dès lors qu’ils participent à la gestion d’un service public". Cette loi de 1963 (devenue articles L.2512-1 à 2512-5 du Code du travail) a rendu obligatoire le dépôt d'un préavis et interdit la grève tournante. Toujours dans ce même cadre constitutionnel, la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs a imposé une procédure de prévention des conflits.
Cependant, vient d'estimer le Conseil d'Etat, ces différentes lois ne traitent que de points particuliers, elles ne constituent pas une législation complète du droit de grève comme l'annonçait le préambule de la Constitution de 1946. Il est donc toujours possible "aux organes chargés de la direction d'un établissement public, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité de déterminer des limitations qui doivent être apportées à l'exercice du droit de grève dans l'établissement en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public." Ainsi, le directeur de la RATP qui avait imposé aux agents qui souhaitent faire grève de se déclarer grévistes lors de leur prise de service (et donc d'interdire un "départ en grève" en cours de journée) était fondé à le faire.
Par cet arrêt du 11 juin 2010 le Conseil d'Etat réaffirme donc sa jurisprudence Dehaene du 7 juillet 1950 : la loi du 21 août 2007 n'écarte pas le pouvoir de réglementation supplétif des chefs de service par rapport au législateur. Sous certaines limites tout de même : ces limitations au droit de grève, principe à valeur constitutionnelle, pour assurer la continuité du service public sont soumises au contrôle du juge administratif qui vérifie autant leur nécessité que leur proportionnalité.


Elodie Poput, Avocat / Cabinet de Castelnau et Hélène Lemesle

 

RéférencesConseil d’Etat, 11 juin 2010, Syndicat Sud RATP, req. n°333262, Conseil d’Etat Ass., 7 juillet 1950, Dehaene, req. n°01645; loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. 

 

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