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Eaux résiduaires urbaines : un retard à résorber d’urgence

Pour prévenir la menace d’un contentieux européen, une instruction du gouvernement indique la marche à suivre pour mettre en conformité le plus rapidement possible les systèmes d’assainissement qui ne le sont pas encore au titre de la directive Eaux urbaines résiduaires.

Le respect de la directive n° 91/271/CEE Eaux urbaines résiduaires, dite ERU, n'est pas encore finalisé même si, depuis quelques années, les efforts des acteurs concernés ont permis de sensiblement baisser le nombre de stations d’épuration non conformes. Combler ce retard nécessite "une forte implication des préfets", insiste une instruction interministérielle, rendue publique ce 28 décembre, eu égard aux niveaux d’investissements financiers demandés aux communes et leurs groupements et aux risques financiers associés aux procédures contentieuses en cours ou à venir avec la Commission européenne. D’ores et déjà plusieurs procédures contentieuses ont été engagées par la Commission entre 1998 et 2009, sans toutefois qu’aucune sanction financière, sous forme d’amende ou d’astreinte, ne touche la France jusqu’à présent. "Au regard de son ancienneté, toute nouvelle infraction importante à cette directive expose la France à d’importantes sanctions financières", alerte l’instruction. Et la pression monte…Fin 2017, la Commission a adressé à la France une mise en demeure du fait de ses manquements concernant 364 agglomérations d’assainissement. Suivie en mai dernier, d’un avis motivé portant sur 169 d’entre elles toujours en infraction (sur la base des données de 2014), et dont la liste figure en annexe. Une nouvelle étape qui pourrait bien préfigurer une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour manquement. Les préfets, aidés des services de l’eau, des Dreal, des offices et agences de l’eau et de l'Office français de la biodiversité, doivent donc impérativement oeuvrer "à un retour à la conformité le plus rapide possible" vis-à-vis des collectivités concernées par l’avis motivé, tout en restant mobilisés auprès des maîtres d’ouvrages susceptibles d’être prochainement épinglés (sur la base du rapportage effectué en 2018 et celui en cours en 2020).

Palette d’outils

Plusieurs leviers sont à leur disposition en matière de police administrative et de contrôle des maîtres d’ouvrage concernés : mise en demeure de respecter les prescriptions, consignation de fonds, contrôle de légalité relatif aux documents et autorisations d’urbanisme, police judiciaire. Les annexes les balaient en détail. Et pour inciter les collectivités à rentrer dans le rang, l’État dispose depuis la loi Notr d’un argument massue. Le texte rend en effet possible, à travers un article L.1611-10 du code général des collectivités territoriales, une action récursoire de l’État. En clair, l’État pourrait se retourner contre les collectivités en cas de condamnation financière pour manquement par la CJUE. 

Rigueur des contrôles

Le bloc communal est dans une phase de transition pour l’exercice de la compétence assainissement. Pour autant le gouvernement n’appelle pas les services en charge de la police de l’eau à faire preuve de clémence. "Il est indispensable que, durant cette période, ces missions soient conduites avec la même rigueur, car les exigences requises vis-à-vis des ouvrages de collecte et de traitement des eaux usées restent inchangées quel que soit le maître d’ouvrage compétent pour en assurer la gestion", insiste instruction. Elle invite aussi à davantage de rigueur d’une part, sur la qualité des données descriptives et de fonctionnement des agglomérations et systèmes d’assainissement, préalable à l’exercice du rapportage, et d’autre part, pour en évaluer la conformité réglementaire, notamment en termes de surveillance, de performances et de niveau d’équipement. Ce suivi devra cibler les agglomérations dont la mise aux normes est prioritaire, afin que les travaux à engager par les maîtres d’ouvrages se déroulent suivant le calendrier prévisionnel notifié à la Commission européenne. L’approche préventive n’est néanmoins pas à négliger, et pourrait permettre dans bien des cas de rectifier le tir. "Les manquements constatés aux obligations réglementaires auxquels sont soumises les collectivités en matière d’assainissement résultent très souvent de phénomènes qui peuvent et doivent être anticipés et prévenus par les maîtres d’ouvrage de ces équipements et, le cas échéant, leurs exploitants : vieillissement des installations, diminution progressive de leurs performances, lacunes dans l’exploitation, changement climatique, développement de l’urbanisation, etc.", souligne l’instruction. 

Sur le terrain de l’urbanisme

Les procédures d’autorisations d’urbanisme peuvent être efficacement employées pour traiter les enjeux de collecte et de traitement des eaux usées. En les assortissant de prescriptions particulières en la matière, ou si les prescriptions devaient conduire à modifier le projet, en opposant un refus de la demande en relation avec les conditions d’assainissement. 
La procédure d’élaboration ou de révision d’un plan local d’urbanisme (PLU) fournit là encore une occasion de mettre en perspective extensions d’urbanisation et capacité des stations d’épuration.  S’agissant plus particulièrement de la diminution des rejets directs d’eaux usées urbaines par temps de pluie, la gestion des eaux pluviales "à la parcelle" et leur infiltration est à privilégier. Dans cette optique, l’instruction demande aux préfets d’inciter les maîtres d’ouvrage "à généraliser le recours à ce type de solutions en s’appuyant sur tous les outils à leur disposition pour porter une politique ambitieuse sur le sujet : zonages 'eaux pluviales', documents d’urbanisme (Scot, PLU(i)...), schémas directeurs d’assainissement… ". 

 
Référence : instruction du gouvernement du 18 décembre 2020 relative à la collecte et au traitement des eaux urbaines résiduaires. 


 

 

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