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Développement des territoires - Economie régénérative : quand le tourisme sert à amorcer la pompe de l'industrie

Alors que, jusqu'ici, la crise a surtout affecté l'industrie, elle pourrait désormais toucher l'économie résidentielle, faite de redistributions de revenus. Une étude de Mairie-conseils invite à dépasser l'opposition entre tourisme et industrie. Avec l'économie régénérative, le premier peut même servir à relancer l'activité productive...

"Il ne suffit plus de se raccorder à l'autoroute, aux infrastructures ou aux réseaux pour créer du développement. Nous avons pu établir ce constat sur tous les territoires sur lesquels nous sommes intervenus, comme sur ceux que nous avons observés à différentes occasions." Ce constat est celui de Franck Chaigneau, chargé de mission Développement économique chez Mairie-conseils, dans une étude intitulée "Economie régénérative : faut-il choisir entre tourisme et industrie ?", réalisée à partir d'une vingtaine de territoires suivis sur des périodes allant de quelques mois à quelques années. Pour "régénérer" leur économie, les territoires doivent s'appuyer sur leurs caractéristiques locales et surtout sortir du piège d'une opposition entre industrie et tourisme, insistent les auteurs de cette étude qui repose sur les témoignages d'économistes et d'élus présentés lors d'une journée d'échange, le 18 décembre dernier.
De nombreux travaux, notamment ceux de l'économiste Laurent Davezies, ont montré que les territoires industriels étaient les plus touchés par la crise, alors que l'économie résidentielle (reposant notamment sur les retraites, les revenus du tourisme et sociaux, les dotations…) semblait mieux résister. L'étude revient à cet égard sur les profonds changements démographiques opérés ces dernières années : 12% de la population rurale est faite de "néoruraux" qui ont quitté la ville pour se mettre au vert. D'où l'essor massif d'activités nouvelles (services à la population…), au moins jusqu'en 2007, alors que la désindustrialisation bâtait son plein. "Jusqu'ici, on partait du principe que l'emploi fixe la population, alors qu'on se rend compte aujourd'hui que les mouvements de population ont fixé l'emploi, nous avons notamment pu l'observer dans la façade Sud-Ouest", analyse Franck Chaigneau.

"Aucun choix ne doit être fait pour l'une ou l'autre"

Les auteurs de l'étude anticipent une seconde étape de la crise, un retour de manivelle, car l'économie résidentielle dépend en partie des redistributions publiques et privées qui risquent de se tarir. D'ailleurs, tout miser sur le tourisme, qui ne représente que 5% de l'emploi en France contre 50 à 65% pour l'économie présentielle dans son ensemble, c'est-à-dire l'économie basée sur la population réellement présente sur le territoire (usines, services…) est sans doute une illusion. Pour Magali Talandier, maître de conférences à l'université de Grenoble, les territoires les plus performants sont ceux qui parviennent à maintenir un équilibre entre économie productive et résidentielle. "L'économie régénérative se conçoit finalement comme le passage par l'économie résidentielle ou présentielle pour faire revivre de l'économie productive", indique-t-elle. Selon elle, il s'agit des deux temps d'un même cycle : consommation, production, revenu… "Aucun choix ne doit être fait pour l'une ou l'autre", souligne-t-elle. En résumé, la première peut être utilisée pour amorcer la pompe de la seconde.
Exemple d'un passage réussi du résidentiel au productif : Les Voivres, une commune rurale des Vosges qui, pour pouvoir maintenir son école, acheta de vieilles fermes pour y accueillir des familles en grande difficulté sociale. Une fois l'école sauvée grâce à l'arrivée de cette nouvelle population, le village s'est tourné vers le tourisme, avec création d'une ferme pédagogique... Aujourd'hui, il possède un pôle d'excellence rurale spécialisé dans la valorisation du bois de hêtre dans le bâtiment. Ce chemin, un brin raccourci, illustre en tout cas l'imbrication des différents modes d'économie entre eux.

Sécuriser l'existant

Bien inspirés sont ceux qui sauraient dire ce que sera l'économie de demain. Les auteurs conseille donc le "bon sens" et de "sécuriser l'existant".  "Nous avons balisé la piste de décollage et la piste d'atterrissage, il nous manque encore le plan de vol", reconnaît Franck Chaigneau.
De nombreux territoires tentent aujourd'hui cette nouvelle approche d'économie régénérative. C'est le cas de la communauté de communes du Mirebalais, dans la Vienne, qui regroupe 8.100 habitants dans 12 communes rurales. Elle aussi vit un regain démographique et tend de plus en plus à devenir périrurbaine du fait de la proximité de deux grosses agglomérations, Poitiers et Châtellerault. Mais le territoire situé à côté de sites touristiques majeurs comme le Futuroscope n'en percevait aucune retombées, faute d'infrastructures d'accueil suffisantes et de vision touristique. La démarche entreprise par les élus sur le thème du vent a permis de déboucher sur la création des premiers championnats d'Europe espoirs de montgolfières… Plus de 11.000 spectateurs ont participé à la première édition. L'événement sera renouvelé en 2014. Aujourd'hui, la communauté vient de se doter d'une maison du tourisme, elle est sorti de l'anonymat. Reste à transformer ce capital en activités productives… "Une dynamique se met en mouvement", assure dans l'étude Michel Gingreau, le vice-président de la communauté de communes.