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Conférence des villes - Edouard Philippe confirme les tenants et aboutissants du "pacte financier"

 A quelques jours de la présentation du projet de loi de finances pour 2018, le chef du gouvernement a centré sa première intervention devant un congrès d'élus locaux - la Conférence des villes organisée ce 20 septembre par France urbaine - sur les finances locales. Il a notamment assuré que l'effort de maîtrise des dépenses demandé aux collectivités se traduira dans les faits, non par une diminution de ces dépenses, mais par une moindre hausse.

Les 13 milliards d’euros d’économies que l’Etat va demander aux collectivités de réaliser sur cinq ans ne correspondent "en aucun cas" à "une baisse nette de la dépense locale". "Nous vous demandons de maîtriser sa hausse tendancielle. C’est-à-dire que vos dépenses vont bien continuer à progresser en valeur absolue. Mais vous devez infléchir la courbe."
C'est par ces mots que le Premier ministre, Edouard Philippe, a officiellement confirmé ce mercredi 20 septembre, devant les élus réunis à Paris pour la Conférence des villes, le scénario qui se profilait depuis fin août. Une double confirmation, en fait : oui, la maîtrise des dépenses sera calculée par rapport à leur évolution tendancielle d’ici 2022 et non par rapport à leur niveau de 2017 ; mais aussi, oui, ce mode de calcul signifiera, non pas une baisse des dépenses, mais une moindre hausse.
Sur le principe, cette confirmation a de quoi satisfaire Jean-Luc Moudenc, le président de France urbaine, organisateur de la Conférence des villes qui, la veille de l'événement, déclarait que cette approche "tendancielle" serait "plus vertueuse, plus représentative, moins punitive", rappelant au passage que l'Etat se l'était déjà appliquée à lui-même. Ce mercredi sous les ors de la salle des fêtes de l'hôtel de ville de Paris, le maire de Toulouse a toutefois dit attendre de "voir les choses écrites", sachant que "le diable est dans les détails".
Et pour les détails, il faudra patienter encore un peu. Entre autres pour savoir quelle sera la "hausse tendancielle" ou "croissance naturelle" retenue… "Est-ce que ce sera 1% par an, 1,2% ?", s'est par exemple interrogé le sénateur Claude Raynal, co-rapporteur de la mission "relations avec les collectivités". Intégrera-t-on uniquement les données contraintes pesant sur la masse salariale des collectivités (une augmentation du point d'indice par exemple) ou bien aussi l'impact financier de diverses normes ? En outre, qu'en sera-t-il de la prise en compte de la croissance démographique d'un territoire impliquant de facto des dépenses supplémentaires en termes d'équipements et services ?
Dans tous les cas, l'exécutif va devoir faire preuve de pas mal de pédagogie auprès de certains élus car pour l'heure, tout le monde n'a visiblement pas saisi la subtilité du mécanisme proposé. Les participants à la table-ronde consacrée aux finances peu après l'intervention d'Edouard Philippe n'ont pas fait varier le discours qu'ils tiennent depuis cet été. "S'il faut baisser les dépenses de 13 milliards sur le quinquennat, c'est inatteignable, ce n'est pas raisonnable", a ainsi martelé André Laignel, président du comité des finances locales, qui "attend d'avoir la facture finale". "Dire que 13 milliards sur cinq ans, on va pouvoir les faire dans la douceur, ça n'est pas vrai", a de même assuré Carole Delga, la présidente de la région Occitanie.

Pas de baisse des concours en 2018

Le chef du gouvernement a par ailleurs confirmé que le "pacte financier" qu'il entend sceller avec les collectivités se traduira, pour les plus grandes (soit entre 300 et 350 collectivités), par "un mécanisme contractuel qui fixera précisément les objectifs à atteindre" pour chacune d'entre elle. Si le contrat devait ne pas être respecté, alors interviendrait "une correction, une récupération, sur l'année en cours ou l'année suivante". Evoquant un "pari de la confiance", il a toutefois prévenu : faute d'être "à la hauteur de ce pari", "le retour de bâton sera d’autant plus fort" en 2019.
Du côté de France urbaine, qui représente les métropoles et grandes villes ou agglomérations, on se dit "prêts à être challengés là-dessus". Mais "pas n'importe comment". Il faudra, explique Jean-Luc Moudenc, tenir compte de la diversité des contraintes de chaque territoire, des "efforts déjà réalisés" par chaque collectivité concernée... Pas simple. On attend aussi de connaître la nature du bonus et du malus, le seuil démographique qui sera retenu… et l'on milite pour que "les critères d'appréciation soient communs à tous les territoires". Reste aussi à savoir ce qui se passera pour toutes les collectivités de plus petite taille qui ne seront pas concernées par ces contrats personnalisés. Il n'est pas exclu en effet qu'une forme de "contrat type" par niveau de collectivité soit envisagée.
En tout cas, dans l'immédiat - autrement dit dans le PLF pour 2018 -, "les concours financiers aux collectivités ne baisseront pas", a redit Edouard Philippe, ajoutant que pris globalement, ces concours "seront même en hausse de près de 384 millions d’euros". Cet élément a été mentionné à nouveau dans l'après-midi par Gérald Darmanin, le ministre en charge des comptes publics, qui y voit "une main tendue extrêmement forte" en direction des collectivités. "L'intégralité des transferts aux collectivités augmentera même d'un peu moins de 400 millions d'euros", a-t-il lui aussi assuré, ajoutant qu'il s'agirait d'une première depuis 2011.
En outre, le gouvernement "a décidé de pérenniser les dotations d’investissement, qui avaient augmenté de manière tout à fait exceptionnelle ces deux dernières années", lesquelles "seront mobilisées pour poursuivre les contrats de ruralité, pour accompagner notre politique de dédoublement des classes à l’école primaire et pour financer des investissements nécessaires à la transformation de nos territoires", a déclaré le Premier ministre. Sur ce point, c'est Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur venu clore cette Conférence des villes, qui a redit les choses avec un tout petit peu plus de précision : les dotations d'investissement, dont la DETR, "vont rester à leur niveau" avec "au total, 1,8 milliard d'euros inscrits dans le projet de loi de finances".

Taxe d'habitation : une "injustice" réparée... ou "gelée"

S'agissant de la fameuse réforme de la taxe d'habitation, qu'Edouard Philippe a justifiée en des termes désormais habituels - un impôt "doublement injuste", y compris parce qu'il est "souvent plus élevé dans les communes pauvres que dans les communes riches" -, là encore, une double confirmation. D'une part, la réforme s'inscrit bien dans "une réflexion d'ensemble sur la fiscalité locale" à mener dans le cadre des travaux de la Conférence nationale des territoires. D'autre part, elle "n'aura pas d'impact pour les collectivités" dans la mesure où l'Etat "procédera par voie de dégrèvement, c’est-à-dire qu’il paiera à la place du contribuable local".
On sait que les élus considéraient le dégrèvement comme "un moindre mal" par rapport à une simple compensation. Mais tous ne sont pas vraiment rassurés, se souvenant par exemple que la suppression de la taxe d'habitation des régions avait donné lieu à un dégrèvement mais qu'ensuite, au détour d'une loi de finances, le dégrèvement s'était transformé en compensation… laquelle "a pratiquement disparu". Bref, un dégrèvement n'est jamais complètement "gravé dans le marbre".
Mais c'est aussi le principe même de la réforme qui n'est toujours pas accepté. "Il y a une contradiction à dire qu'un impôt est injuste et à le maintenir pour 20% des contribuables", a résumé François Baroin, le président de l'Association des maires de France, qui aujourd'hui encore n'exclut pas un recours devant le Conseil constitutionnel. André Laignel ne dit guère autre chose : "Geler les inégalités par lesquelles on justifie la suppression de la taxe", alors même que "l'on avait les moyens de la rendre plus juste sans la supprimer" (par une révision des bases), ce "n'est pas la bonne méthode". Et le président du CFL de rappeler de surcroît que "les bases injustes continueront de s'appliquer sur la taxe foncière et la Teom". Carole Delga a en outre évoqué l'enjeu du "maintien d'un lien entre citoyen, impôt local et services".

Une "nouvelle méthode" à l'épreuve des faits

Une partie du suspens sur tous ces sujets sera levée dès ce vendredi 22 septembre lors d'une réunion entre les trois principaux interlocuteurs gouvernementaux des collectivités – Gérard Collomb, Gérald Darmanin et Jacques Mézard – et les présidents des associations d'élus. Quelques jours plus tard, mardi 26, le volet finances locales du PLF sera présenté aux membres du comité des finances locales et le lendemain, place à la présentation officielle en conseil des ministres.
En préambule, le chef du gouvernement était longuement revenu sur les deux sujets qui ont le plus fâché les élus depuis la rentrée, à savoir bien sûr les contrats aidés et la "régulation budgétaire" opérée par le décret d'avance de juillet dernier. Avec la volonté de couper court à certaines réactions selon lui injustifiées. Les territoires représentés par France urbaine ne sont probablement pas les plus impactés, mais le "coup de canif" évoqué par de nombreux élus est aussi symbolique : ces deux épisodes ont surgi au moment même où se mettaient en place les groupes de travail liés à la Conférence nationale des territoires, au moment où une "nouvelle méthode" semblait ainsi prendre forme et être presque unanimement jugée "intéressante" et fructueuse… Alors forcément, le message de la "confiance" retrouvée entre Etat et collectivités a sérieusement été égratigné. Ces travaux ne font que commencer. La Conférence se réunira à nouveau en décembre. Edouard Philippe, maire du Havre jusqu'à sa nomination à Matignon, veut croire en la constance d'un dialogue de qualité. "L'esprit avec lequel un maire façonne sa ville (…), cet esprit, insufflons-le dans nos relations." C'était sa première allocution devant un congrès d'élus locaux dans ses habits de Premier ministre. De nombreuses autres doivent suivre dont, dès ce jeudi, devant les maires de petites villes réunies à Hendaye pour leurs Assises (voir ci-dessous notre article de ce jour). Ce sera ensuite Régions de France, puis l'Assemblée des communautés de France, l'Assemblée des départements de France. Là aussi, les choses ne font que commencer.

 

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