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Assises des petites villes - Au-delà d'une méthode "intéressante", les petites villes redoutent un "impact" fort des décisions de l'exécutif

Les XXes Assises organisées par l'Association des petites villes de France (APVF) s'ouvrent ce jeudi 21 septembre à Hendaye. Quelle voix spécifique l'association entend-elle faire entendre dans le concert actuel des associations d'élus locaux ? Pour son président Olivier Dussopt, interrogé par Localtis, nombre de sujets de préoccupation sont bien communs à l'ensemble du bloc local, à commencer par les enjeux financiers qui se profilent avec le premier projet de loi de finances du quinquennat. Mais sur ces sujets comme sur d'autres, les petites villes ont bien selon lui des causes particulières à défendre. Et entendent continuer de porter leur proposition de "1% métropoles".

La saison des congrès d'élus locaux s'ouvre ce 20 septembre à Paris avec la Conférence des villes, le rendez-vous des métropoles et grandes villes ou agglos. Dès le lendemain, jeudi et vendredi, la deuxième étape conduira à Hendaye. Changement d'échelle, puisque la manifestation concernera cette fois les édiles de villes comptant entre 2.500 et 25.000 habitants - ce qu’on appelle les "petites villes", telles que représentées par l’Association des petites villes de France (APVF). Une association qui entend entre autres faire valoir la place particulière de ces collectivités dans le paysage territorial français, à l'heure où la métropolisation pourrait avoir la tentation de n’y voir que des périphéries de seconde zone, une "réserve foncière" ou un espace récréatif pour la grande ville-centre voisine…
Dans le concert des associations d'élus du bloc local qui s'est fait entendre début septembre en réaction aux décisions ou annonces gouvernementales de l'été et de la rentrée, les petites villes ont-elles une voix ou une tonalité propre ? "Sur les grands sujets du moment, nous partageons tous les mêmes préoccupations", estime Olivier Dussopt, le président de l’APVF, témoignant d'une "grogne" forte parmi les maires.

La contractualisation, une logique "intéressante"

Interrogé par Localtis, le député de l'Ardèche - et maire d'Annonay jusqu'à ce que le non-cumul des mandats ne vienne s'imposer - met d'emblée en avant deux enjeux financiers. Il souligne d'abord que l’effort de 13 milliards demandé aux collectivités est "intenable et injuste car les collectivités représentent 20% des dépenses publiques totales et ont déjà contribué, sur trois ans, à 50% de la réduction du déficit public". Trop sont déjà "à l’os". Il évoque ensuite la "méthode" proposée par le gouvernement pour conduire les collectivités à réduire leurs dépenses. Selon lui, le scénario qui semble se profiler, celui d'une baisse "tendancielle" (autrement dit le choix de mesurer la maîtrise des dépenses par rapport à leur évolution tendancielle d’ici 2022 et non par rapport à leur niveau de 2017 - lire notre article du 31 août), est plutôt positif. Il correspondrait en tout cas clairement à un moindre mal. "C'est une chose que j'ai espérée et demandée pendant cinq ans, lors du précédent mandat présidentiel, rappelle-t-il. Je ne vais donc pas me dédire aujourd'hui." L'intervention d'Edouard Philippe ce 20 septembre en ouverture de la Conférence des villes vient d'ailleurs de confirmer que ce sera le scénario retenu (lire notre article de ce jour).
Quant à la volonté de l'exécutif de privilégier la voie de la contractualisation, il juge là encore la logique tout à fait "intéressante". Y compris l'idée de l’exécutif de contractualiser avec les quelque 300 plus grandes collectivités. Les élus sont toutefois "en attente de confirmations" et de précisions, prévient-il. Celles-ci pourraient être au moins en partie apportées dès ce vendredi 22 septembre au ministère de l’Intérieur, où Gérard Collomb et Gérald Darmanin recevront les associations d’élus pour leur présenter les dispositions finances locales du projet de loi de finances et faire un point d’étape sur le volet financier des travaux engagés suite à la Conférence nationale des territoires du 17 juillet.
Autre enjeu sur lequel il y aurait une vision "consensuelle, partagée" par toutes les associations du bloc local : le vœu que l’exécutif écarte toute "précipitation" dans une réforme mettant en jeu la fameuse autonomie fiscale des collectivités… à savoir, bien sûr, la réforme annoncée de la taxe d’habitation.

"Sur la DETR, nous sommes les plus impactés"

Sur le terrain financier toujours, l’APVF porte aussi des préoccupations plus spécifiques aux collectivités qu’elle représente, principalement en matière de soutien à l’investissement. Le gel non annoncé, quelques jours à peine après la Conférence nationale des territoires, de près de 300 millions d’euros de crédits de paiement dédiés pour 2017 à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et à la dotation politique de la ville, a pour le moins été une initiative "malheureuse" dans "un calendrier fou", regrette, comme d’autres Olivier Dussopt.
De quoi rendre l’APVF plus que vigilante à l’approche du projet de loi de finances pour 2018. "Sur la DETR, nous sommes les plus impactés", souligne-t-il, dans l’attente d’avoir l’assurance que le montant de cette dotation, qui avait été porté à 1 milliard d’euros pour 2017, sera bien préservé. Là encore, à en croire son allocution devant France urbaine, le Premier ministre semble avoir retenu cette hypothèse.
Il s’interroge, aussi, sur le devenir du fonds de soutien à l’investissement local (Fsil) ou de ce qui devrait lui succéder, à savoir les 10 milliards sur cinq ans fléchés vers les projets des collectivités dans le cadre du "grand plan d’investissement". Olivier Dussopt se demande notamment si cette manne constituera la contrepartie de la contractualisation avec les plus grandes collectivités… auquel cas les petites villes et "bourgs-centres" en seraient de facto exclus.

"Pas de low cost"

La récente crise des contrats aidés fait évidemment partie des autres préoccupations actuelles de l’APVF. "Certes, les difficultés posées pour nous ne sont pas les mêmes que pour les communes très rurales, où c’est parfois la totalité des personnels des écoles qui est en emploi aidé", reconnaît Olivier Dussopt. Il n’empêche que les petites villes et leurs intercommunalités sont elles aussi frappées de plein fouet par le brutal coup de frein, "que ce soit dans les secteurs gérés directement, on pense par exemple aux maisons de retraite, ou au sein du secteur associatif, notamment dans certains quartiers où leur rôle est essentiel". Et le président de l’APVF de rappeler au passage une composante de la réalité des petites villes : "Si nous ne représentons que 10% des communes de France, nous réunissons en revanche pas moins de 30% des territoires politique de la ville, avec plus de 700 quartiers prioritaires." Il insiste aussi, naturellement, sur "le rôle social de ces contrats" pour leurs bénéficiaires.
Autre actualité vive aujourd’hui : Olivier Dussopt entend porter la voix des petites villes dans le dossier du très haut débit, afin d’attirer l’attention sur le sort des entreprises et des habitants de ces territoires "pas assez gros pour intéresser les opérateurs". S’il se dit "ouvert au débat" sur le recours à des technologies autres que la fibre - on sait qu’Emmanuel Macron prône un "mix technologique" pour obtenir le fameux "bon haut débit" -, l’élu prévient : pas question d’accepter du "low cost".

Centres-ville : pour une approche intégrée

Enfin, l’association continue de porter haut et fort le sujet des "déserts médicaux", sur lequel elle s’est investie depuis de longues années, avec la publication de plusieurs livres blancs et, l’an dernier, la présentation d’une série de propositions de sa commission Santé et offre de soins présidée par Nathalie Nieson. Des propositions que l’APVF compte bien remettre sur la table aujourd’hui.
Comme il y a un an à La Grande-Motte lors des précédentes Assises des petites villes, le rendez-vous d’Hendaye consacrera l’un de ses ateliers à la question de la revitalisation des centres-ville. Là-dessus, "on continue", dit Olivier Dussopt. Et plus que jamais même, sachant que nombre de facteurs d’incertitude subsistent en ce début de quinquennat. Le fait qu’il n’y ait plus de portefeuille ministériel dédié au commerce et à l’artisanat n’aide pas - quid du devenir des dispositions portées par l’ex-secrétaire d’Etat Martine Pinville ? Mais il n’y a pas que cela. L’attente des décisions de l’exécutif en matière d’urbanisme et de logement (dans quelle mesure la loi SRU sera-t-elle retouchée ?) entre également en jeu. Car le problème des centres-ville, "ce n’est pas que l’aide aux commerces, pas que la gestion de l’espace public, pas que le logement… c’est tout cela à la fois", rappelle Olivier Dussopt, qui plaide toujours pour une approche intégrée et pour la nécessité d’avoir "un opérateur ensemblier". Et fait toujours valoir les atouts du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRAQD) lancé en 2009 avec, à la clef, une intervention couplée de l'Etat, de l'Anru et de l'Anah... mais dont seules 25 communes ont jusqu’ici bénéficié. Les initiatives portées dans ce domaine par la Caisse des Dépôts font également partie des démarches actuelles qu’Olivier Dussopt juge "très intéressantes".

Le "1% métropoles"
En mars dernier, durant la campagne présidentielle, l’APVF présentait un manifeste dans lequel elle plaidait pour un rééquilibrage de l'action publique entre les métropoles et "les collectivités à taille humaine", avec pour proposition phare l’idée d’une ponction de 1% des recettes fiscales des métropoles au profit des "projets structurants des petites villes" de leur région d'appartenance. Une commission, qui pourrait être par exemple la Conférence territoriale de l'action publique (CTAP), sélectionnerait les projets financés par ce mécanisme. Olivier Dussopt savait d’emblée qu’il s’agissait de la proposition qui susciterait "le plus de débats". L’APVF qui a, depuis, affiné la façon dont ce "1% métropoles" pourrait être mis en oeuvre, compte bien relancer la chose durant ses XXes Assises. Ce point devrait figurer en bonne place dans la résolution finale qui sera adoptée en clôture. Son président précise toutefois : "On ne veut pas figer les choses, la question des modalités restent ouvertes."
Assez logiquement, du côté de l’association France urbaine, à la veille de la Conférence des villes, on veillait à prendre ses distances. Jean-Luc Moudenc, le président de France urbaine, juge que s’il est naturellement essentiel que "la dynamique des centres urbains se diffuse" dans l’ensemble des territoires environnants, "la méthode n’est pas très bonne". Il sera d’ailleurs lui-même présent à Hendaye jeudi et s’exprimera sur le sujet. De même, pour Nathalie Appéré, maire de Rennes, sachant qu’il faut "sortir des préjugés" selon lesquels une métropole serait nécessairement riche et un territoire plus rural forcément pauvre, "décréter un tel impôt de solidarité ne paraît pas d’une grande justice".
 

 

 

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