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Congrès des maires - Education à la citoyenneté ou répression : comment cultiver l'esprit de civisme ?

Les citoyens ont des droits, mais aussi des devoirs. Lors de leur Congrès, les maires ont massivement démontré leur intérêt pour le thème de l'éducation à la citoyenneté. Pour développer le sentiment d'appartenance au territoire et l'esprit de civisme chez les habitants se développent les conseils municipaux des enfants et des jeunes, le passeport du civisme, la journée citoyenne ou encore, comme à Cannes, la "tolérance zéro" vis-à-vis des incivilités... Une diversité d'approches, à l'image des communes de France.    

Au troisième jour de leur congrès, à l'occasion d'un atelier consacré à ce sujet, les maires ont été nombreux à s'interroger sur la façon de "favoriser le civisme et la citoyenneté" et, notamment, de "rendre les citoyens pleinement responsables de leur cadre de vie". Ces échanges faisaient suite à une présentation, par le ministère de l'Intérieur, du futur répertoire électoral unique qui devrait faciliter l'inscription des citoyens sur les listes électorales (voir notre article du 24 novembre 2017).

Les enfants, "meilleurs ambassadeurs auprès des adultes"

La citoyenneté, c'est "un état d'esprit qui se construit par le faire, l'expérience", pour Guillaume Baldy, adjoint au maire de Figeac (Lot), ancien conseiller municipal jeunes et vice-président de l'Anacej. Les conseils d'enfants et de jeunes étaient à l'honneur lors de cet atelier, avec trois enfants membres de conseils municipaux présents à la tribune.
"On peut faire part de ses idées, les réaliser", a ainsi témoigné Adélie, membre du conseil municipal de jeunes de Voisins-le-Bretonneux (Yvelines). Avec un budget de 4.000 euros, les jeunes élus de cette commune ont par exemple organisé une course avec des personnes trisomiques et une opération de "nettoyage de la nature", ou encore confectionné un autocollant pour que les habitants puissent "remercier tous les éboueurs". "Les enfants ont des projets toujours pleins de bon sens", a commenté Fabian Jordan, maire de Berrwiller et président de l'agglomération de Mulhouse, qui co-présidait l'atelier.
Dans la salle, de nombreux élus ont fait part de leur enthousiasme vis-à-vis de la participation des enfants et des jeunes. A l'instar de cette élue des Abymes (Guadeloupe) : "Nous tenons compte de toutes leurs idées, nous les accompagnons mais les jeunes nous accompagnent aussi." Ou de ce maire d'une autre commune : "Les enfants sont les meilleurs ambassadeurs auprès des adultes, j'espère qu'ils n'oublieront pas pendant l'adolescence, avant l'âge adulte..."

"Faire ensemble" pour apprendre à être citoyen

Autre outil d'éducation à la citoyenneté : le "passeport du civisme". Ce parcours conduit des élèves de CM2 à réaliser huit actions dans son territoire de vie et dans des thématiques différentes – devoir de mémoire, solidarité envers les aînés, environnement, secours… Lancée en 2015 à Talmont-Saint-Hilaire (Vendée), la démarche concernerait aujourd'hui une vingtaine de communes réunies dans une "association des maires pour le civisme". "Ce projet doit être porté par le maire car c'est un vrai projet de civilisation", a plaidé Maxence de Rugy, maire de Talmont et initiateur de la démarche.
Amener les habitants à "faire ensemble" pour vivre concrètement leur citoyenneté, c'est aussi le but de la journée citoyenne qui vise à "fédérer toutes les énergies positives qui sont sur notre territoire", a témoigné Fabian Jordan (voir notre article du 14 janvier 2016). "Aujourd'hui 1.200 communes de toutes tailles" ont adopté cette initiative née il y a dix ans dans sa commune de Berrwiller (Haut-Rhin).

Lutte contre les incivilités : la communication serait de "l'argent jeté par les fenêtres"

Si la journée citoyenne vise avant tout à faire en sorte que les habitants se parlent à nouveau et développent un sentiment d'appartenance à leur commune, elle produit également des effets sur le nombre d'incivilités. En effet, les habitants ayant contribué à rénover tel ou tel équipement exerceront par la suite un "contrôle social" plus important parce qu'ils se seront appropriés cet équipement. Généralement, "on a peur de s'exposer soi-même quand on fait du contrôle social, sauf quand on est impliqué", a expliqué Pascal Moliner, professeur de psychologie sociale à l’Université Paul Valéry – Montpellier 3.
Pour "décourager les comportements d'incivilité dans l'espace public", il s'agit de "rendre ces comportements de plus en plus difficiles à assumer", a-t-il poursuivi. Il conseille pour cela aux élus d'établir un diagnostic sur la manière dont "les gens vivent et utilisent les lieux qu'ils traversent". Sur le type d'actions menées, la communication serait souvent de "l'argent jeté par les fenêtres". Des supports de communication in-situ ou des aménagements symboliques augmenteraient en revanche utilement "la norme et la visibilité des transgressions".

A Cannes, le maire lutte "tous azimuts" contre l'incivisme

Le maire de Cannes, David Lisnard, a justement fait de la lutte contre l'incivisme son thème de campagne et "la cause principale du mandat". "C'était très peu commun", a-t-il raconté. Si le thème de l'insécurité est davantage plébiscité, David Lisnard considère qu'un maire n'est "ni ministre de la Justice, ni ministre de l'Intérieur", et qu'il doit d'abord agir sur l'incivisme. D'une part parce que "cela coûte cher", d'autre part parce que "c'est un bras d'honneur à la collectivité". Son programme anti-incivilités est donc "tous azimuts" et s'appuie sur la "théorie de la tolérance zéro" (pour le détail, voir notre article du 9 mars 2016).
Si l'approche choisie est bien différente de celle mise en avant par le maire de Berrwiller avec la journée citoyenne - en 2016, l'AMF avait simultanément mis en avant les deux démarches chacune fortement portée par le maire -, il s'agirait bien aussi à Cannes de "créer du sentiment d'appartenance" dans une "ville à la sociologie et à la réalité économique extrêmement contrastées".