Électricité : les députés votent pour des tarifs réglementés étendus à toutes les collectivités de moins de 50.000 habitants

Contre l'avis du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté ce 4 mai en deuxième lecture la proposition de loi pour "protéger EDF d'un démembrement", qui prévoit aussi d'élargir le nombre de collectivités et d'entreprises bénéficiaires de tarifs réglementés de vente de l'électricité. Tous les EPCI et communes de moins de 50.000 habitants deviennent éligibles à ces tarifs.

Dans une ambiance électrique, l'Assemblée nationale a adopté ce 4 mai en deuxième lecture la proposition de loi "visant à protéger le groupe EDF d'un démembrement", examinée lors d'une "niche" du groupe communiste. Porté par la gauche et soutenu par la droite et le RN, le texte a été validé par 127 voix contre 89, et une abstention. Le scrutin s'est tenu au bout de longues heures de débats et d'une série de suspensions de séance, perçues par la gauche comme autant de "manoeuvres" et tentatives d'"obstruction" du camp présidentiel.

Hercule "mort et enterré"

Le texte avait déjà été adopté une première fois par l'Assemblée puis le Sénat. La chambre haute avait cependant supprimé son article 1er, qui devait permettre d'inscrire dans la loi la "nationalisation d'EDF". "Le mot n'y figure plus mais cela ne change absolument rien", a affirmé l'auteur du texte, le député PS Philippe Brun. Le Sénat a en revanche proposé de fixer dans la loi le fait qu'EDF est une société anonyme "d'intérêt national", dont le capital est "détenu à 100% par l'État", ce que l'Assemblée a conservé. Par un amendement de Philippe Brun, il est toutefois prévu l'ouverture d'au moins "1,50%" du capital aux salariés et à certains anciens salariés. Le gouvernement argue qu'il mène déjà une nationalisation d'EDF, l'État détenant à ce stade "96% du capital", selon le ministre de l'Industrie, Roland Lescure. L'OPA doit être finalisée, après une décision favorable de la cour d'appel de Paris ce mardi. Philippe Brun, comme son co-rapporteur communiste Sébastien Jumel, ont en outre insisté pour inscrire dans la loi une liste de "missions" assurées par EDF : production, transport, distribution... Leur but : empêcher l'exécutif de ressusciter "Hercule", un projet controversé de restructuration, qui avait suscité l'ire des collectivités (lire nos articles des 21 et 29 janvier 2021 avant d'être mis en veilleuse (voir notre article du 29 juillet 2021).

"Hercule est mort et enterré", a répété Roland Lescure. "Pourquoi avez-vous peur de l'inscrire dans la loi ?", a rétorqué Patrick Hetzel (LR). Majorité et ministre avancent que cette liste de missions risque de créer des lourdeurs dans la gestion d'EDF, voire d'empêcher une restructuration future. "C'est un article qui bride EDF dans son activité", a tancé Jean-René Cazeneuve (Renaissance), ce qu'a réfuté Philippe Brun.

Extension du domaine des tarifs réglementés

Concernant les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE), les députés en ont étendu le bénéfice aux PME, alors que le Sénat l'avait restreint aux TPE, visant notamment les artisans-boulangers (voir notre article du 7 avril 2023). Roland Lescure s'est élevé contre le coût de la mesure, de 11 milliards d'euros, soulignant les aides en place.

Contrairement aux sénateurs, les députés ont de surcroît adopté un amendement du député LR Nicolas Ray ajoutant parmi les bénéficiaires des TRVE l'ensemble des collectivités et EPCI de moins de 50.000 habitants, sans condition d'effectifs salariés ou de recettes de fonctionnement. "Les tarifs réglementés ont permis de limiter la hausse des dépenses énergétiques des collectivités de moins de 10 salariés et dont les recettes de fonctionnement sont inférieures à 2 millions d'euros, souligne l'exposé des motifs de l'amendement. Avec l'augmentation des coûts de l'énergie, et indépendamment des économies réalisées par ailleurs, les autres collectivités ont pour leur part vu leurs budgets fortement grevés par ces augmentations de charge." L'objectif de la mesure est de "permettre aux collectivités de moins de 50.000 habitants de continuer à faire fonctionner leurs services publics essentiels, sans répercuter la hausse des coûts de l'énergie auprès des usagers et des contribuables locaux", justifie l'auteur de l'amendement. "Peut-être aurait-il fallu en étendre le champ à l’ensemble des collectivités territoriales, mais nous proposons d’adresser un premier signal aux villes moyennes concernées par cette explosion des coûts", a souligné Sébastien Jumel, co-rapporteur, en apportant son soutien à cette disposition, à laquelle le gouvernement s'est opposé.

Ian Boucard (LR) a pour sa part indiqué que dans le cadre de l’examen des textes transpartisans inscrits à l’ordre du jour de l'Assemblée la semaine prochaine, notamment la proposition de loi visant à soutenir les petites entreprises et les collectivités territoriales en cas de crise énergétique, il défendra  un amendement "tendant à étendre le bouclier tarifaire à l’ensemble des collectivités territoriales – conseils départementaux, conseils régionaux, mais aussi communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) –, quelle que soit leur taille".

La navette parlementaire sur le texte visant à protéger le groupe EDF d'un démembrement doit se poursuivre avec le Sénat, et la gauche espère un vote conforme rapidement.

 

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