La proposition de loi sénatoriale "Statut de l’élu" enfin à l’Assemblée le 30 juin
Intervenant au congrès des maires de Loir-et-Cher, la ministre Françoise Gatel a annoncé que la proposition de loi sénatoriale sur le statut de l’élu serait examinée à l’Assemblée "entre le 30 juin et le 3 juillet". Autre texte attendu, le "décret FRR+", dont la publication n'a "jamais été aussi proche", assure la ministre. Laquelle, après avoir passé en revue différents dossiers, a par ailleurs insisté sur le nécessaire "renforcement de l'État déconcentré".

© Préfet de Loir-et-Cher/ Déplacement de Françoise Gatel dans le Loir-et-Cher
"Il est temps de conclure." Parodiant une fois encore le Jean-Claude Dusse des Bronzés, Françoise Gatel, en déplacement au congrès des maires de Loir-et-Cher ce 27 mai, a de nouveau insisté sur l’urgence de renforcer le statut de l’élu local. Avec, cette fois, une bonne nouvelle dans sa besace : "La proposition de loi ["portant création" de ce statut] doit être examinée entre le 30 juin et le 3 juillet à l’Assemblée nationale", a-t-elle annoncé en terre blaisoise.
"Ça fait deux heures que ça fait un quart d'heure"
Il était temps. Déposée par la ministre (alors sénatrice, aux côtés, notamment, de ses collègues François-Noël Buffet et Bruno Retailleau) en janvier 2024, adoptée d'un même pas par le Sénat il y a désormais plus d’un an (lire notre article du 8 mars 2024), cette proposition peine depuis à faire son chemin à l'Assemblée. D'abord parce que cette dernière a un temps préféré promouvoir son propre texte (lire notre article du 9 septembre 2024), porté par la députée Violette Spillebout dans la continuité d'une mission d'information conduite sur le sujet (lire notre article du 11 janvier 2024). Ensuite parce que si un "quasi-consensus" a depuis été trouvé au Palais Bourbon (lire notre article du 28 février), le gouvernement peine toujours à faire de la place à un texte pourtant élevé au rang de "priorité de l'exécutif" Barnier (lire notre article du 7 novembre) dans un calendrier parlementaire passablement encombré. Au dernier congrès de l'Association des maires de France (AMF), on avait bien annoncé l'examen du texte "début 2025" (lire notre article du 20 novembre), sans résultat. L'examen avait été ensuite promis "au mois de mai", toujours en vain. Devant l'inertie, huit associations d'élus et les délégations aux collectivités des deux chambres exhortaient en conséquence, le 12 mai dernier, dans un courrier commun, le Premier ministre à prendre enfin date. Avec succès, cette fois.
"L'année prochaine, je skie au mois de juillet"
Il y a toutefois encore loin de la coupe… aux lèvres. Si Françoise Gatel a indiqué ne pas douter qu'il y aura, comme au Sénat, "unanimité sur ce texte" à l'Assemblée, elle ne pense pas qu'il sera voté conforme par les députés : "Il va y avoir naturellement des propositions. Le texte sera enrichi ; il est perfectible", déclare-t-elle. Or, la procédure accélérée n’ayant, pour une fois – c'est devenu l'exception –, pas été engagée par le gouvernement sur ce texte, il faudra remettre l'ouvrage sur le métier dans les deux chambres. La ministre a d'ores et déjà indiqué que la deuxième lecture au Sénat devrait se tenir "en septembre 2025. Je dis bien 2025", avant un nouvel examen à l'Assemblée. Si le texte devait être définitivement adopté – rappelons qu'il aura fallu pas moins de trois opus pour que Jean-Claude Dusse parvienne à ses fins –, ce ne serait donc au mieux qu'à quelques encablures des prochaines élections municipales. "On est un peu inquiet", confesse Joël Balandraud, vice-président de l'AMF, venu à Blois représenter David Lisnard. "Mais comme le législateur est capable de voter contre ses propres lois pour accélérer le calendrier…", grince-t-il, en référence à la proposition de loi Duplomb (lire notre article du 27 mai). "Il y a bien trop longtemps que nous attendons", se lamente pour sa part la présidente de l'association des maires de Loir-et-Cher, Catherine Lhéritier, confessant par ailleurs avoir "clairement l'impression de [s]e répéter" d'un congrès à l'autre. Non sans raison, puisque ledit texte avait déjà été longuement abordé lors de la précédente édition de l'événement, lequel avait alors accueilli une autre ministre, Dominique Faure.
"On est un peu surchargé en ce moment"
Globalement, les préoccupation exprimées l'an passé (lire notre article du 22 avril 2024) restent d'ailleurs, peu ou prou, toujours de mise aux termes d'un mandat jugé "calamiteux" par Catherine Lhéritier. Ainsi :
- des craintes d'une crise des vocations, que le chercheur Martial Foucault, invité pour l'occasion, s'est néanmoins employé à dégonfler (lire notre article du 9 avril) ;
- des perspectives de fermetures de classes. "Avec une école avec moins d'enfants, et donc avec moins d'écoles, nous allons vivre des moments compliqués ", prévient Joël Balandraud, invitant tous ses collègues, y compris ceux ne disposant pas d'établissement sur leur commune, à "se saisir du sujet" (comme vient de s'en emparer le Sénat – lire notre article du 9 avril). Un "sujet extrêmement important", confirme la ministre, appelant elle aussi les élus à "s'organiser face à la baisse démographique" à l'œuvre – "120.000 élèves perdus l'an passé, un phénomène structurel" (lire notre article du 25 mars).
- du ZAN, "qui doit se décliner différemment en zone urbaine et en zone rurale", plaide notamment Catherine Lhéritier. "Une loi mal née", déplore pour sa part Joël Balandraud, qui "pressent une actualisation [de cette dernière] tous les six mois". On en prend le chemin (lire notre article du 22 mai) ;
- ou encore de l'accès aux soins. "On progresse", veut croire ici la ministre, en invoquant notamment la réforme du métier d'infirmier (lire notre article du 6 mai) ou le plan du Premier ministre (lire notre article du 25 avril), lequel est loin de faire l'unanimité (lire notre article du 29 avril). Des progrès qui restent pour l'heure difficilement perceptibles sur le terrain.
À ces préoccupations est venue s'ajouter celle relative à l'extension du scrutin de liste paritaire aux municipales dans les communes de moins de 1.000 habitants (lire notre article du 26 mai). Un texte réclamé par l'AMRF, que l'AMF "n'a pas vu venir", confesse Joël Balandraud, mais dont la ministre a minimisé les effets, y voyant même "une protection pour les élus à l'avenir".
In fine, si Catherine Lhéritier salue quelques "petites mesures ponctuelles", comme le statut rénové des secrétaires de mairie – "Il nous en manque 2.300", concède toutefois Françoise Gatel, plaidant pour leur mutualisation –, elle souligne qu'elles "ne sont pas à la hauteur de nos attentes".
Décret FRR+ : "Je sens que je vais conclure, je le sens"
Évoqué l'an passé, le dispositif France ruralités revitalisation n'a en revanche pas été abordé, même si le dossier n'est toujours pas complètement refermé. Interrogé par Localtis sur l'état d'avancement du décret devant arrêter les modalités de détermination des zones de soutien renforcé (les "FRR+" – lire notre article du 16 avril), "où la couveuse sera plus forte", Françoise Gatel a indiqué que sa parution n'avait "jamais été aussi proche", assurant que "ce n'est pas parce qu'on le cache qu'on ne va pas le faire". Pour preuve, le projet de texte a été présenté le 7 mai dernier au Conseil national d'évaluation des normes, lequel a émis un avis favorable à l'unanimité. Et ce, quand bien même le collège des élus "regrette que le texte reste complexe et le dispositif peu lisible" et introduise toujours un critère "de bassin de vie", alors que les élus auraient souhaité "maintenir la définition du zonage à la maille communale ou intercommunale".
La ruralité, "pays merveilleux"
De manière générale, la ministre a sans surprise dressé une ode à la ruralité – "On a cru que la modernité, c'était le XXL et la ville. Ce n'est pas le cas" –, appelant à "ramener le territoire rural sur le devant de la scène". Si l'acte III de la décentralisation semble avoir été définitivement passé par pertes et profits, Françoise Gatel a en revanche insisté sur le nécessaire "renforcement de l'État déconcentré". En l'espèce, elle a indiqué que le gouvernement travaillait dans deux directions :
- faire du préfet "le chef d'orchestre de tous les services et agences de l'État", évoquant en particulier les agences régionales de santé et l'éducation nationale ;
- donner à ces mêmes préfets "un pouvoir d'adaptation de la norme", piste déjà tracée mais qui reste à explorer, comme l'a récemment mis en lumière un rapport sénatorial (lire notre article du 14 février). Pour ce faire, la ministre a souligné la nécessité, au préalable, "de sécuriser les préfets contre les recours et la recherche de responsabilité", affres que connaissent bien les maires.
"Il faut que l'État et le Parlement conçoivent des lois concises et fixant un cadre général, pour laisser un large pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales", a de son côté plaidé Catherine Lhéritier. "Oublie qu't'as aucune chance. Vas-y, fonce ! On ne sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher", serait-on tenté, ici, de lui lancer.