Entreprise : seul un dirigeant sur dix perçoit son implantation rurale comme une faiblesse
10% seulement des dirigeants d'entreprises rurales considèrent leur territoire comme une faiblesse pour entreprendre. Ils ne se sentent pas isolés et ont intériorisé les contraintes spécifiques liées à leur territoire. C'est ce qu'indique une étude de Bpifrance Le Lab sur la ruralité productive présentée ce 16 décembre.
© Bpifrance Le Lab et AR
"16% seulement de nos clients sont dans les communes rurales, alors que 30% des industries françaises se situent en milieu rural." C'est l'aveu de Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, mardi 16 décembre, lors de la présentation d'une étude Bpifrance Le Lab sur "la ruralité productive". "Notre objectif est de passer de 50 à 70% de taux de couverture des PMI françaises, nous progressons tous les ans, et la différence est à faire avec la ruralité", se donne pour objectif le dirigeant de la banque publique d'investissement. L'étude a été menée auprès de 2.532 dirigeants d'entreprises, dont 26% sont issus d'une aire de moins de 50.000 habitants et 24% d'une aire comprise entre 50.000 et 200.000 habitants.
Le territoire rural, une faiblesse pour entreprendre selon 10% seulement des dirigeants
Premier constat : seuls 10% de ces dirigeants ruraux considèrent leur territoire rural comme une faiblesse pour entreprendre. 45% considèrent même à l'inverse que cela représente une force. "Ils ont intériorisé les contraintes", a signalé Bao-Tran Nguyen, responsable du pôle études stratégiques à Bpifrance Le Lab, reléguant les freins structurels associés habituellement à la ruralité au second plan. L'accès limité aux infrastructures de transport n'est ainsi vu comme un frein que par 21% des dirigeants. Même chose pour l'accès au financement (16%) ou à l'innovation (8%). En revanche, on retrouve dans les freins majeurs les difficultés de recrutement (65%). Des difficultés qui sont "toujours présentes pour l'industrie", quel que soit le territoire, a nuancé la responsable du pôle études stratégiques.
Aucun atout ne ressort vraiment
Autre surprise : aucun dirigeant ne s'accorde réellement sur les atouts que représente le rural. Parmi les items cités : la fiabilité de la main-d'œuvre (37%), les coûts d'exploitation réduits (29%), la disponibilité du foncier (26%), l'interconnaissance directe entre entreprises locales (24%) ou encore la moindre concurrence locale (20%). "Ces chiffres ne sont pas très élevés et aucun ne va au-delà de 37%, s'est ainsi étonnée Bao-Tran Nguyen, il n'y a pas un atout qui ressort."
Dernière surprise : les dirigeants interrogés ne se sentent pas particulièrement seuls. 28% seulement reconnaissent un sentiment d'isolement. A l'échelle nationale, d'après une autre étude Bpifrance Le Lab (Vaincre les solitudes du dirigeant) réalisée en 2016, 45% des sondés se sentaient isolés.
Une équation plus affective que stratégique
En revanche, les dirigeants sont assez pessimistes sur l'avenir économique de leur territoire : trois sur quatre le jugent en stagnation (52%) ou en déclin (21%), contre 19% à le considérer en renouveau et 8% seulement en plein essor. Avec des différences notables en fonction des territoires : en Savoie, 33% des sondés estiment que leur territoire est en plein essor, le chiffre tombe à 0 dans 28 départements dont les Ardennes, l'Indre, la Vienne, la Somme ou le Gers.
"L'équation n'est pas forcément stratégique mais plus affective et personnelle", a expliqué Thomas Bastin, responsable d'études stratégiques à Bpifrance Le Lab, qui observe un attachement fort au territoire. 63% des dirigeants en sont originaires (43% y ont grandi et ne l'ont jamais quitté, 20% l'ont quitté puis sont revenus) et 75% y ont des attaches (conjoints, membres de leur famille, études réalisées dans le territoire…).
Les enracinés, les réinstallés et les tacticiens
A l'inverse, peu se sont installés dans ces territoires ruraux pour une opportunité d'affaires locales. Ce n'est pas ce que l'on observe dans les autres types de territoires, où les opportunités sont plus souvent la raison de l'implantation d'une entreprise.
L'étude identifie enfin trois profils d'entrepreneurs ruraux : les enracinés (43%), peu diplômés, ayant un ancrage familial fort (ce sont souvent les successeurs familiaux dans l'entreprise), à la tête d'entreprises de plus petite taille ayant des clients dans un rayon de 50 km ; les réinstallés (20%), qui ont une volonté claire de revenir s'installer là où ils ont grandi avec l'envie de redonner une vitalité économique à leur territoire ; et les tacticiens (20%), équivalents des "néoruraux", davantage diplômés, plus optimistes, le plus souvent industriels et repreneurs d'entreprises plus grandes que la moyenne.
› Un appel à projets pour dynamiser l'entrepreneuriatA l'occasion de la présentation de son étude sur les entrepreneurs ruraux, Bpifrance a annoncé le 16 décembre 2025 le lancement pour la période 2026-2028 de son nouvel appel à projets Entreprendre au cœur des territoires, financé à hauteur de 20 millions d'euros par la Banque des Territoires. Objectif : soutenir la création et la reprise d'entreprises dans les territoires des programmes Action Cœur de ville (ACV) et Petites Villes de demain (PVD), et dans les zones rurales et les massifs de montagne. L'appel à projets s'adresse aux acteurs clés de l'entrepreneuriat (réseaux d'accompagnement, associations et intercommunalités). Le dispositif avait été initialement lancé en 2022 pour la période 2022-2024, pour les territoires bénéficiant d'ACV et de PVD, avec un financement de la Banque des Territoires de 10 millions d'euros. Elle a permis de déployer 42 projets, d'accompagner 15.000 personnes et de créer ou reprendre 3.400 entreprises. Cette seconde vague, dont le budget est doublé, s'étend ainsi aux territoires ruraux et de montagne. "Il y a une évolution de notre entité sur la ruralité dont on se préoccupait assez peu car nous étions davantage centrés sur la dynamique des métropoles", a reconnu Michel-François Delannoy, directeur du département appui aux territoires de la Banque des Territoires. Le recentrage de cette dernière "s'est fait avec les programmes ACV et PVD, qui ont donné des résultats assez bluffants. Nous avons décidé de mettre les moyens pour ce programme, en doublant le montant et en étendant son périmètre géographique", a-t-il insisté. Les candidatures peuvent être déposées en ligne via la plateforme Démarches simplifiées jusqu'en mars 2026. |