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Economie sociale - Entreprises solidaires et collectivités font clauses communes

Les clauses environnementales et sociales intéressent aussi bien les collectivités territoriales que l'économie sociale. Pourtant, leur utilisation demeure marginale... Associations et entreprises d'insertion en portent, elles aussi, la responsabilité, comme il vient d'être souligné à Montpellier.

Mine de rien, l’économie sociale et solidaire (ESS) peut chérir ce type de mention, trouvée sur un récent avis d’appel public à la concurrence : "Chaque entreprise qui se verra attributaire du marché ou lot concerné devra réaliser une action d’insertion qui permette l’accès ou le retour à l’emploi de personnes rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières." Voilà typiquement l’une de ces "clauses sociales et environnementales" qui peuvent ouvrir un boulevard aux chantiers d’insertion, entreprises adaptées et autres associations en quête de soutiens publics ! Pour autant, si les collectivités ne manquent pas d’assises juridiques pour exprimer ces préférences (lire l'encadré ci-dessous), elles les formulent encore bien timidement. Une table ronde l’a montré le 27 avril à Montpellier, à l’occasion de la quatrième convention des entreprises de l’économie sociale Coventis.

Des inquiétudes levées

Assistante de vérification à la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon, Agnès Chassagne-Bouyer rapporte ainsi ce calcul de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) : en 2010, les clauses sociales, stricto sensu, n’ont été prévues que dans 2,44% des marchés publics proposés par les communes, intercommunalités et syndicats - en ne retenant certes que les offres supérieures à 90.000 euros. Quant aux départements et aux régions, ils hissaient légèrement ce taux, jusqu’à 3,58%.
Et pourtant, "dix ans après leur introduction dans le Code des marchés publics, les clauses sociales ont fait leurs preuves et les inquiétudes ont été pratiquement toutes levées, rend compte Agnès Chassagne-Bouyer. Juridiquement, la plupart sont sécurisées, elles n’entraînent pas de surcoût significatif pour les entreprises et les donneurs d’ordre, les marchés ne sont pas forcément infructueux, la qualité des travaux est jugée identique, enfin, elles constituent une marche vers l’emploi efficace puisque 73% des bénéficiaires des clauses sont en situation de travail ou de formation six mois après le premier contrat." Mais alors, quel est le problème ?

Torpeurs

Chargé de mission à la communauté d’agglomération de Montpellier, Christian Klein relève bien quelques torpeurs du côté des collectivités : "Par exemple, les contrôleurs de travaux n’ont ni la culture ni la formation pour utiliser ces clauses." Peuvent aussi manquer "la volonté politique de certains élus" et surtout "des moyens humains suffisants pour suivre leur application", car "sans suivi, rien ne se fait"… Le chargé de mission "clauses sociales" Manuel Martinez peut en témoigner pour le conseil général de l’Hérault : "Au départ, faute de suivi, notre recours aux clauses constituait un échec. Mais grâce à une politique volontariste, nous avons aujourd’hui trente-six agents mis à notre disposition par Pôle emploi pour répondre aux entreprises et suivre l’application des clauses d’insertion. C’est unique. Du même coup, celles-ci ont pu être généralisées à tous nos marchés supérieurs à 150.000 euros." Le conseil général pratique en outre les clauses environnementales, mais de manière non systématisée.

Professionnalisme

Cependant, mobiliser une collectivité territoriale ne suffit pas. "Je ne lance pas de marché clausé [sic] si je ne suis pas certain qu’en face, des structures de l’ESS peuvent y répondre. Car alors on perd six mois", explique Christian Klein. Il a ainsi pu faire appel à trois structures d’insertion pour les deux nouvelles lignes de tramway de Montpellier agglomération, et participer de ce fait au retour de quatre-vingts personnes à un emploi durable. Mais à ses yeux, les partenaires potentiels manquent dans son département… "Il incombe à l’ESS de prouver son professionnalisme, reconnaît Christophe Rey, directeur de l’entreprise adaptée APF entreprises 34. Si nous avons obtenu des marchés publics, c’est que nous avons su démontrer une organisation rassurante. Peut-être même plus que ne l’aurait fait une entreprise classique." Son entreprise traite aujourd’hui avec le ministère de l’Education nationale ou l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. A ses côtés, Xavier Chatelier, dirigeant d’une coopérative et de deux associations d’insertion, lance un autre appel à ses homologues : "A nous de nous regrouper et de nous mutualiser pour que nous puissions répondre aux marchés publics à armes égales avec les 'majors'."
Et pour les associations, particulièrement, l’enjeu devient crucial. Ces dernières années, celles-ci sont passées "d’une logique de partenariat avec les collectivités publiques à une logique de prestation dans le cadre d’une mise en concurrence", comme le rappelle Carole Salères, chargée de mission "vie associative" à la Ligue de l’enseignement. Miser sur les clauses sociales et environnementales peut être, pour certaines, une question de survie.

Olivier Bonnin

Six articles pour les clauses sociales et environnementales

Le Code des marchés publics précise dans son article 5 que les collectivités doivent définir leurs besoins en "prenant en compte des objectifs de développement durable". Et pour intégrer des préoccupations sociales et environnementales dans leurs marchés publics, les outils ne manquent pas, comme l’a rappelé à Montpellier Agnès Chassagne-Bouyer, de la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon :
- au stade de la passation des marchés : à travers les articles 6, 15, 30 et 53, mais ce dernier article est "à utiliser avec prudence", selon Agnès Chassagne-Bouyer.
- au stade de l’exécution : à travers l’article 14, qui est, "au niveau juridique, le plus sécurisé pour les donneurs d’ordre".

O.B.
 

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