Face au risque de submersion marine, le Pays bigouden sud déconstruit des maisons (22)

Au hameau de Lehan, dans la commune de Treffiagat, le Pays bigouden sud a choisi d'accorder un espace d'expansion à l'océan plutôt que de conforter une digue enrochée, objet d'érosion et ouvrant la voie au risque de submersion marine. Pour cela, il rachète et déconstruit certaines maisons. La démarche, validée scientifiquement, n'a pas été simple à faire comprendre aux habitants.

Au début du mois de juin, les premières maisons acquises par la communauté de communes du Pays bigouden sud (CCPBS) ont été rasées en bordure du hameau de Lehan à Treffiagat. Ce choix acte un changement de paradigme : on ne peut plus protéger coûte que coûte les biens immobiliers face à la dynamique de l'océan. « Dans les années 1980, la commune a érigé une digue enrochée qui a accéléré l'érosion et impacté le cordon dunaire », explique Guillaume Esteva-Kermel, chargé de mission risques littoraux à la CCPBS. L'ajout de lignes de pieux hydrauliques puis de boudins de sable n'a pas pu remédier à la situation. Là où la dune perdait 30 centimètres par an, c'est désormais deux mètres, et une menace concrète à terme pour 360 habitations en cas de forte tempête.

Protéger les populations : un engagement de la collectivité

En charge de la Gemapi depuis 2018, la CCPBS gère les six systèmes d'endiguement classés sur son territoire. Du fait de marais et polders urbanisés, la CCPBS compte parmi les territoires à risque important d'inondation (TRI) déterminés par l’État. « Ce classement nous engage à surveiller et maintenir en bon état les digues, cordons dunaires et enrochements afin d'assurer un niveau de protection des populations jusqu'à 3,40 mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui représente une tempête de niveau décennale », poursuit le chargé de mission. Mais pour protéger les populations, la protection des biens atteint ses limites. « Certains territoires font d'ailleurs le choix de tout miser sur la stratégie d'alerte et de mise à l'abri de la population, comme on l'a vu dans le nord de la France par exemple. » Dans le Pays Bigouden Sud, la collectivité a ciblé une stratégie de défense pour les deux secteurs les plus vulnérables, dont celui de Treffiagat.

Deux options : renaturer ou construire une nouvelle digue

Dans le cadre de son premier programme d'action de prévention des inondations (Papi), les études menées par la collectivité en 2020 ont permis de faire émerger deux hypothèses de défense. La première piste consistait à fixer le trait de côte en prolongeant la digue existante. La deuxième option implique la création d’une digue naturelle rétro-littorale et la renaturation des espaces les plus proches du rivage. « L'analyse coûts bénéfices à cinquante ans a rapidement montré que la première hypothèse n'était pas viable : l’investissement coûtait un peu moins cher mais l'entretien s’annonçait deux fois plus coûteux que pour la deuxième solution. » Sans compter le risque de déplacer l'érosion et donc de menacer de nouveaux secteurs. La collectivité a fait le choix de la renaturation. Elle consiste à ériger une digue enherbée en remblais argileux étanche, qui suit la topographie des terrains naturels, plutôt perpendiculaire au rivage. Un espace naturel de type dunaire sera créé sur le rivage, là où sont actuellement érigées sept maisons. « Une fois ce choix arrêté, la collectivité a informé la population et expliqué qu'elle allait acquérir ces maisons pour les déconstruire et renaturer l'espace. »

Un collectif de défense d'habitants à convaincre

Dès l'annonce de ce choix, un collectif d’habitants déjà constitué n’a pas été favorable à cette solution. « Nous avons rencontré le collectif à quatre ou cinq reprises pour communiquer sur la logique scientifique de ce choix, avec le bureau d’études en charge du projet, les services de l’État et nos partenaires du collectif Litto'risques », souligne le chargé de mission (1). Les échanges ont duré plusieurs mois. « Les tensions se sont peu à peu dissipées et des propositions de rachat des habitations au prix du marché ont permis d’acquérir progressivement les maisons identifiées », indique le chargé de mission. Le phénomène d’érosion continue et s’accélère même sur la partie est de la dune et des opérations récurrentes de confortement dunaires sont nécessaires pour mettre la zone à l’abri du risque de submersion, le temps de mettre en place les futurs aménagements.

Supprimer l'enrochement à terme ?

Aujourd'hui, presque tous les propriétaires ont accepté les offres de rachat. Les maisons achetées sont ensuite déconstruites et les terrains nus ne font l’objet d’aucun aménagement particulier. « Les échanges continuent avec le collectif et les habitants du quartier sur les futurs aménagements prévus dans le cadre du PAPI. Ce projet complexe impacte des biens particuliers et a forcément généré des tensions, des incompréhensions et questionnements auxquels il a été nécessaire d’apporter des réponses, données scientifiques à l’appui. » Une fois la digue rétro-littorale érigée (d'ici trois ans) et le système dunaire renaturé, la collectivité espère réussir à désenrocher le littoral pour que le trait de côte puisse retrouver à nouveau un équilibre sédimentaire. Au préalable, une étude spécifique permettra de vérifier la pertinence d’une telle solution. 

  1. Le dispositif Litto’Risques présenté sur le site du département du Finistère

Le projet en quelques chiffres

  • 5,8 millions d’euros : le coût du projet de construction de digues rétro littorales enherbées (3 millions d’euros) et d’acquisition/démolition des sept maisons (2,8 millions d’euros)
  • L'ensemble du projet est financé à hauteur de 80 % par l’État via le fonds Barnier (50 %) et le Fonds vert (30 %)
  • 100 000 euros par an, le coût d'entretien du système d'endiguement à venir pour Treffiagat, contre 200 000 euros par an pour une digue enrochée.

Communauté de communes du Pays bigouden sud

Nombre d'habitants :

37866

Nombre de communes :

12
17 rue Raymonde Folgoas Guillou
29 120 Pont-l'Abbé

Guillaume Esteva-Kermel

Chargé de mission risques littoraux

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