À Liffré, du gaz produit avec des biodéchets (35)
Pour fournir à la commune de Liffré du gaz issu de ressources locales, la société civile d'exploitation agricole du Champ Fleury a développé, en dix ans, deux unités de méthanisation valorisant des biodéchets et des effluents d’élevage bovin. Ces installations assurent aujourd’hui près de 80 % des besoins en gaz de la commune.
© SCEA Champ Fleury
Le projet de méthanisation de Champ Fleury s’inscrit dans le cadre du schéma directeur des énergies renouvelables de Liffré-Cormier. La communauté de communes soutient la production de biogaz sur son territoire et vise comme objectif 32 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. « En 2015, nous avons été les premiers en Bretagne à installer une unité de méthanisation qui injecte du biométhane directement dans le réseau public de GRDF », raconte Jean-Christophe Gilbert, exploitant agricole, membre de la société civile d'exploitation agricole du Champ Fleury à Liffré, près de Rennes. La ferme compte 180 vaches laitières et s’étend sur près de 300 hectares, avec différentes cultures : céréales, colza, fourrage… Face à l’augmentation du trafic routier autour de ses parcelles, l’exploitant doit revoir son fonctionnement : le déplacement des vaches laitières deux fois par jour pour la traite devient compliqué et dangereux, il faut nourrir les bêtes directement dans des bâtiments. Cette modification requiert une hausse de la capacité de stockage des déjections, un investissement coûteux et peu porteur d’utilité sociale. C’est de cette contrainte que naît l’idée de la méthanisation, qui permet de transformer ces déjections en biogaz et en digestat, un engrais naturel. Le biogaz est réinjecté dans le réseau, option préférée à la cogénération, les besoins en chauffage étant inexistants pour les bovins.
Visites pour les riverains
La commune de Liffré soutient activement le projet. Déjà sensibilisée à la production d’énergie renouvelable (elle avait installé une petite unité de cogénération sur sa station d’épuration), la commune s’engage à faciliter la modification du Plan local d’urbanisme (PLU) et à exposer aux habitants les atouts d’un gaz vert produit localement. Parallèlement, Planète Biogaz, une entreprise récemment implantée à Liffré et spécialisée dans la construction de méthaniseurs, propose aux agriculteurs de visiter une installation en Bretagne. Les frères Gilbert, Jean-Christophe et Arnaud, et Franck Perrodin, leur associé, participent à cette visite et concluent rapidement un accord avec l’entreprise, puis avec le Crédit Mutuel de Bretagne pour financer leur projet. L’Ademe et la région Bretagne apportent leur soutien en subventionnant 15 % de l’investissement. Soucieux d’impliquer la communauté locale, Jean-Christophe Gilbert invite les riverains à venir découvrir le chantier. « Je ne pensais pas avoir autant de voisins : nous avons accueilli 120 visiteurs, curieux de savoir comment tout cela allait fonctionner ! », se souvient-il. Aujourd’hui, le méthaniseur tourne en continu, 24 heures sur 24, et la vente de biogaz bénéficie d’un tarif d’achat garanti pendant quinze ans.
Récupération des déchets des cantines
Les besoins en matière sont importants. En plus des déjections animales et des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIV) produites sur l’exploitation, les associés doivent rapidement aller chercher à l’extérieur des déchets industriels pour alimenter le digesteur. Unifruit, une cidrerie, confie le marc de pomme et résidus de production, la brasserie CORREF en fait autant, puis des meuniers, et des paysagistes locaux pour les tontes de pelouse… L’information circule et le méthaniseur fait le plein, en collectant les déchets des acteurs économiques locaux. En 2020, devant le succès de leur première opération, les exploitants décident de créer une nouvelle installation de méthanisation et un atelier de déconditionnement et d’hygiénisation, alimentés exclusivement de biodéchets, en particulier issus des cantines ou de la restauration collective. Grâce aux bonnes relations avec le syndicat de collecte des traitements des ordures ménagères des pays de Vilaine, le nouveau méthaniseur, qui fonctionne depuis 2023, récupère également les biodéchets du syndicat intercommunal ainsi que ceux de prestataires privés tel que Véolia, qui soutient ce projet de valorisation des biodéchets depuis le début.
Une boucle locale en circuit court
Bien ancrée sur le territoire, cette seconde structure, constituée en SARL indépendante, prévoit de collecter également les déchets issus des événements sportifs et des festivals voisins. Elle investit dans une machine capable de déconditionner et de désemballer ces déchets. Les emballages ainsi séparés sont acheminés vers l’incinérateur de Rennes où ils sont valorisés pour produire de la chaleur, tandis que la matière organique issue des biodéchets est intégrée au méthaniseur agricole. Par fermentation, cette matière se transforme en biogaz, qui, après épuration, devient du biométhane injecté dans le réseau public. Le digestat, résidu liquide de ce procédé, remplace les engrais chimiques.
« Nous produisons à la fois de la nourriture et de l’énergie, tout en valorisant nos propres déchets ainsi que ceux du territoire », explique Jean-Christophe Gilbert. Cette évolution a renforcé la résilience de l’exploitation face aux fluctuations du marché agricole et représente désormais 50 % de son chiffre d’affaires.
À l’avenir, la communauté de communes envisage de racheter le biométhane produit par l’exploitation. Et projette de lancer une nouvelle installation de méthanisation dans le nord du territoire, sur du foncier détenu par les communes. « C’est une manière pour notre communauté de communes de créer les conditions d’une autonomie énergétique », dit en substance Nathan Gasin, chargé de mission énergies renouvelables.
15 % maximum de cultures principales pour la méthanisation
La réglementation française limite l’usage des cultures principales à 15 % des intrants pour éviter de concurrencer production agricole et production de gaz. La SCEA Champ Fleury se limite à 10 ou 12 % et le syndicat départemental d’énergie 35 préconise une limite à 10 %. D’où la collecte de déchets provenant de l’extérieur de l’exploitation.
Les chiffres clé de la méthanisation à Liffré
- 200 m3/ heure : production de gaz des deux méthaniseurs (2015 et 2023) injectée dans le réseau de gaz naturel et consommé localement
- 4 000 : c’est le nombre de foyers que la production de gaz permet d’alimenter et de chauffer
- 17 000 m3 : c’est la production annuelle de digestat, engrais naturel pour 900 hectares (dont environ 300 pour les terres de Champ Fleury)
- 2,5 millions d’euros : investissement pour chaque méthaniseur
- 450 000 euros : subventions de l’Ademe (15 %) et de la région Bretagne pour la première unité de méthanisation
- 2,2 millions d’euros pour l’atelier traitement des biodéchets
- Subventions Ademe : 40 % sur les équipements de déconditionnement et d’hygiénisation
- 4,5 postes de salarié à temps plein créés grâce au développement de la méthanisation
Liffré Cormier Communauté
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