Montigny-sur-Crécy : des logements inclusifs pour bien vieillir à la campagne (02)

Depuis fin 2024, le village de Montigny-sur-Crécy accueille 14 logements sociaux de plain-pied, loués à des seniors. Une solution qui permet à des personnes de continuer à vivre à la campagne, tout en profitant de services et de temps partagés. 

À Montigny-sur-Crécy, il n'y a plus que des commerces itinérants depuis le début des années 2000 et il faut se déplacer dans les communes voisines pour que les enfants se rendent à l'école. Pour maintenir sa population, la mairie lance dès 2014 une réflexion avec les bailleurs sociaux du secteur, pour créer du logement social à la place d'anciens bâtis agricoles abandonnés en cœur de village. La commune se questionne aussi sur le devenir des personnes âgées qui ont toujours vécu à la campagne et ne souhaitent pas aller en Ehpad en ville. Le bailleur Clésence (groupe Action logement) propose alors à la municipalité de créer du « logement adapté seniors ».

Du logement adapté au logement inclusif

La mairie repère un terrain, assure la mise en relation avec le bailleur. Après une pause liée au Covid, l'appel à projet « habitat inclusif » de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), branche de la sécurité sociale, relance la dynamique en 2021. « Notre projet de résidence senior, retenu par cet appel à projet, s'est alors transformé en projet d'habitat inclusif, explique Jean-Michel Wattier, le maire. Nous avons réfléchi à un format de béguinage contemporain, qui permette aux seniors de bien vieillir à la campagne, avec services et temps partagés ». Le bailleur prévoit ainsi de financer une salle commune, au titre des locaux communs résidentiels (1), et de l'équiper grâce aux aides financières supplémentaires obtenues.

Un projet social qui associe tous les acteurs locaux

Le projet social a été élaboré avec l’accompagnement d’un bureau d’études et grâce à des financements obtenus auprès de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Il associe le bailleur et la mairie, les maires de quatre communes voisines, des habitants du village et les services locaux de portage de repas, d'aide à domicile ou de soins infirmiers à domicile. Ensemble, ils dressent les grandes lignes du projet : la résidence senior doit permettre de « bien vieillir à la campagne », en misant sur un accueil de qualité, avec un espace partagé qui deviendra un lieu ressource d'animation pour le village et, plus largement, pour le territoire. Le projet prévoit que la parcelle de 4 800 m2 devienne traversante, avec une salle commune implantée au plus près du cœur de bourg. Les 14 logements adaptés et accessibles aux personnes à mobilité réduite sont aménagés de plain-pied, et jumelés par deux, trois ou quatre. Après seize mois de travaux, la résidence ouvre ses portes en mai 2024. Destinée aux personnes de plus de 65 ans, ou bien à celles de plus de 60 ans en situation de handicap, elle fait le plein en moins de trois mois.

Une animatrice à temps plein

Pour accompagner les résidents, la mairie embauche une animatrice à temps plein, dotée d’une formation d'assistante sociale. Le département de l'Aisne compense l'intégralité de son salaire, via le versement de l'Aide à la vie partagée. L'animatrice est chargée d'accueillir les locataires, de les aider dans les démarches administratives (ouvrir un compteur électrique, mettre en place le portage de repas…) et de proposer des temps partagés chaque après-midi dans la salle commune, souvent des jeux de société. Un bureau dans la salle commune permet aussi d'accueillir des permanences et consultations médicales ou paramédicales. Des animations intergénérationnelles sont ouvertes aux habitants et le club d'anciens de la commune commence également à y proposer une partie de ses activités. Enfin, la résidence participe à la Semaine bleue.

Rompre la solitude

Ici, les locataires viennent d'abord trouver un logement adapté, au calme. Moins coûteux qu'un Ehpad, le modèle répond à une demande en secteur rural pour rompre la solitude. Parmi les 15 premiers résidents (dont un couple) âgés de 62 à 92 ans, cinq ont un lien direct avec le village, trois sont originaires de villages voisins, tous sont issus du milieu rural. « Ils se rapprochent de leurs enfants, quittent une maison inadaptée ou un logement social situé à l'étage, note le maire. Et c'est par la pratique qu'ils adhèrent ensuite à la dimension partagée du projet. » Le processus de sélection des locataires sociaux ne permet pas en effet de fixer un critère d’adhésion préalable au projet social. Au cœur du village, le site est traversé par les familles, qui vont récupérer les enfants à la sortie du car scolaire. La mairie en a profité pour aménager les deux rues d'entrée, avec du stationnement pour accueillir les personnes en visite.

Et à long terme ?

Après un an de fonctionnement, le bilan est positif. Si le financement du poste d'animatrice est assuré jusqu'en 2031, le projet reste en expérimentation. « Il va falloir évaluer ensemble le fonctionnement, s'assurer de la capacité de notre petite commune à porter un emploi dans le temps, souligne le maire. C'est une préoccupation nouvelle alors que nous n'avons qu'un mi-temps de secrétaire et un employé technique ». La petite commune de Montigny-sur-Crécy pense ainsi relancer son comité de pilotage pour évaluer la réalisation, en y associant des résidents. Côté bailleur, ce type de béguinage essaime, comme à Bézu-Saint-Germain, dans l’Aisne également, ou encore à Naves et Quarouble, dans le Nord, avec des projets en lien direct avec des mairies ou via des associations, parfois intégrés dans des programmes plus larges.

  1. Les espaces partagés dans le logement social, avec un encadré sur les Locaux collectifs résidentiels, dispositif propre au logement social français, une analyse de l’école urbaine de Science po et l’atelier parisien d’urbanisme (Apur).

 

Le béguinage de Montigny-sur-Crécy, en quelques chiffres

  • 14 logements T2 de 58 m2
  • Loyers : de 315 € à 355 € (logements locatifs prêt locatif aidé d’intégration et Plus)
  • 2,138 millions d'euros : coût global de l'opération
    • Subventions : 55 000 euros de la mairie de Montigny, 24 280 euros de l’État.
    • Emprunts : 1 175 538 € de la Banque des Territoires et 641 566 € de prêt à taux zéro de la Carsat.
    • Fonds propres Clésence : 241 616 €.
  • 18 403 € d'aménagement et ameublement de la salle commune (extérieur et intérieur). Subvention : 9 201 € de la Carsat via l'appel à projets Lieux de vie collectifs.
  • 70 000 € : coût de fonctionnement annuel, principalement lié au salaire de l'animatrice. Il est intégralement compensé à la mairie par le département de l'Aisne, via l'Aide à la vie partagée. Le département bénéficie d'un financement partiel de cette aide, via la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
  • 130 000 € : le coût des aménagements des voiries connexes, subventionné à hauteur de 40 000 € par la DETR (État) et 30 000 € par le Conseil départemental de l'Aisne (aide à la voirie communale). Un solde de 60 000 € reste à charge de la commune.

 

Qu'est-ce qu'un béguinage ?

Au Moyen Âge, le béguinage regroupait des maisons reliées par des coursives, réunies autour d'une cour, d'un jardin et d'une chapelle. Nombreux en Belgique et aux Pays Bas, ils abritaient des communautés de « béguines », femmes pieuses qui s'organisaient de manière autonome. Le béguinage contemporain est réapparu au tournant des années 2000, avec un format féministe et un format seniors. Ce dernier reprend les principes de solidarité et d'autonomie pour les plus âgés. Il se développe comme un modèle d'habitat inclusif en France, notamment dans le Nord.

Commune de Montigny-sur-Crécy

Nombre d'habitants :

299
16 rue de la Couture
02 270 Montigny-sur-Crécy
mairie.montignysurcrecy@orange.fr

Voir aussi

Découvrez nos newsletters

  • Localtis :
    Propose un décryptage des actualités des collectivités territoriales selon deux formules : édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques.

  • Territoires Conseils :
    Recevez tous les quinze jours la liste de nos dernières publications et l'agenda de nos prochains rendez-vous.

S'abonner aux newsletters