À Pontarlier, un cabinet médical éphémère, une idée qui dure ! (25)
Frappés par les départs de plusieurs médecins dans les années 2015 et 2016, les élus de Pontarlier ont mis en place un cabinet éphémère, en attendant l’ouverture de leur maison de santé. La formule fonctionne encore aujourd’hui, en complément de la maison de santé et permet d’envisager sereinement l’avenir de la démographie médicale sur la commune.

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« J'ai compris que certains préféraient arrêter d'exercer plutôt que de continuer à travailler seul », explique Bénédicte Hérard, adjointe au maire de Pontarlier, en charge de la santé . « Les nouvelles générations de praticiens n'ont plus envie de travailler seuls, isolés, certains sont prêts à dévisser leur plaque plutôt qu'à continuer », confirme Laure Jagiello, présidente de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) couvrant la commune de Pontarlier.
En 2016, la municipalité travaille donc à un projet de maison de santé avec un groupe de médecins et de professionnels paramédicaux (pédicure, psychologue, etc.) qui mettra 18 mois pour aboutir. Le bâtiment est inauguré en septembre 2019, dans le centre ville. Une maison de santé sur trois étages, celui des médecins au rez-de-chaussée, les paramédicaux au premier et la médecine du travail au second. Avec un appartement pour des stagiaires ou internes.
« Mais ce projet, à l'époque, ne réglait pas notre problème immédiat », explique Bénédicte Hérard. En parallèle, l’élue imagine donc la création d'un cabinet éphémère avec les acteurs locaux de la santé : des médecins (depuis fédérés au sein de la CPTS), l’Agence régionale de santé (ARS), La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et l’Union régionale des professionnels de santé. Conçu comme un cabinet classique, le cabinet éphémère fonctionne avec des médecins déjà installés ou jeunes retraités, qui assurent des consultations, du lundi au vendredi, le temps d'une après-midi ou plusieurs demi-journées par semaine. « Pour le praticien, cela revient à exercer comme dans un cabinet secondaire en étant assuré par la CPAM d'un minimum de revenus », précise Laure Jagiello.
Un cabinet pour deux ans, en attendant la maison de santé
Pour installer cette structure éphémère, la commune rachète un ancien cabinet médical, en centre-ville, « qui avait l'avantage de se situer à une centaine de mètres de la future maison de santé, et était déjà aménagé avec deux salles d'attente et quatre bureaux de consultation », précise Bénédicte Hérard
Le projet bénéficie du soutien de l'agence régionale de santé. Elle accorde les autorisations nécessaires pour que le cabinet soit habilité à la classification « médecin traitant » et que les patients puissent être remboursés quel que soit le médecin consulté. Entre l'idée de ce cabinet éphémère et son ouverture, moins de neuf mois s'écoulent. Dès 2017, les personnes sans médecin référent ou dont les médecins référents ne sont pas disponibles pour une urgence viennent y consulter, en priorité. La mairie assume la mise à disposition des locaux (plus le coût des fluides), les médecins eux, se rémunèrent à l'acte, comme dans un cabinet classique et organisent leurs plannings. Cette initiative dure deux années, le temps de laisser le projet de maison de santé aboutir.
Accompagner les nouvelles pratiques
En 2019, lorsque la durée de vie de ce cabinet « éphémère » arrive à son terme, les deux médecins piliers du cabinet éphémère décident de poursuivre l’aventure. Elle durera encore deux ans. Le « cabinet éphémère » devient alors « cabinet relais » jusqu’au départ en retraite d’un des deux médecins. L’autre s’installera en cabinet secondaire dans un autre cabinet de la ville. Puis,la mairie est informée par le maire d'une commune voisine du Grand Pontarlier, que quatre médecins souhaitent se regrouper. Mais leur projet a besoin de temps. « Nous leur avons donc proposé de leur louer l'ancien cabinet éphémère, dans l'attente de leur installation dans leur maison de santé. Cela permettait de donner vie immédiatement à leur projet », explique l'élue. Aujourd'hui, la collectivité n’a pas beaucoup plus de médecins qu'en 2016. Mais elle n'en a pas perdu davantage. « On a surtout évité que ceux qui souhaitaient se regrouper et ne le pouvaient pas rapidement, s'arrêtent, or c'était bien l'enjeu, éviter que des médecins, fatigués de travailler seuls, dévissent leur plaque », assure Bénédicte Hérard.
La municipalité envisage que ce cabinet relais puisse servir à d'autres praticiens lorsque les occupants actuels auront emménagé dans leurs nouveaux locaux.
« Dans le temps, ce sont de nouvelles pratiques qu'il faut installer et si nous pouvons donner un coup de pouce pour cela, nous le ferons... », indique l'élue. Une détermination partagée avec la CPTS, qui, de son côté, a travaillé à l'ouverture d'une maison médicale de garde, en face de l'hôpital, pour alléger la charge des gardes pour chaque médecin. « Certains médecins nous avaient prévenu qu'ils risquaient de partir s'ils devaient effectuer une garde tous les quinze jours », explique la présidente de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) couvrant la commune de Pontarlier.
« Tous ces projets nous ont rapprochés, il a fallu d'abord nous apprivoiser et maintenant nous savons nous dire les choses. Nous n'avons pas gagné la bataille de la démographie médicale mais nous avons un peu moins peur de l'avenir », apprécie l'élue.
Une idée à dupliquer, sans copier-coller
L'initiative du « cabinet éphémère » avait bénéficié d'une forte couverture médiatique à l'époque. Plusieurs municipalités du Doubs ont depuis repris l'idée, comme Morteau. Bénédicte Hérard continue de répondre aux sollicitations de collègues de toute la France ou presque. Elle a d'ailleurs rédigé un vadémécum en 30 points qu'elle partage volontiers. Pour alerter sur des points de vigilance, le plus important étant le nombre de médecins, pour éviter des plannings avec trop de trous dans les vacations. « Les gens risquent alors de ne plus s'adresser au cabinet, et les médecins n'auront aucun intérêt financier à y exercer », explique l'élue. Autre question fréquente, les locaux. « Il n'y a pas de solution clé en main, nous avons fait le choix d'acheter et louer car nous avions l'opportunité foncière, mais c'est à chacun de construire son projet », conclut Bénédicte Hérard.
Un investissement initial de 350 000 euros
Investissement : le prix d'achat des locaux (300 000 euros) et le coût des travaux (50 000 euros). La municipalité a ensuite assumé pendant deux ans les charges de fonctionnement (électricité et chauffage) du cabinet éphémère ainsi que le ménage des locaux et l'abonnement téléphone (box). L'enlèvement des déchets d'activités de soins à risque infectieux (Dasri) a lui été pris en charge par l'hôpital de Pontarlier qui a pour cela élargi son contrat au cabinet éphémère. Pour le cabinet relais, la ville perçoit les loyers versés par les médecins (qui assument les charges de fonctionnement).
Commune de Pontarlier
Nombre d'habitants :
Bénédicte Hérard
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