Un service d'aide à domicile plus efficient et attractif (24)
De la gestion collective des congés à l’accueil des nouveaux agents, en passant par la formation ou la cohésion d’équipe, l’ensemble des pratiques managériales du Centre intercommunal d’action sociale du pays de Fénelon a été repensé. Les résultats sont là : chute du turn-over des agents, baisse des arrêts maladie, esprit d’équipe, et aucune difficulté de recrutement.

© CIAS pays de Fénelon
« Onze volets pour tout changer » : c’est ainsi que Christelle Leymarie, directrice du Centre intercommunal d’action sociale (CIAS) du pays de Fénelon résume la « recette » appliquée pour transformer le service d’aide à domicile intercommunal. « Nous en avions besoin », souffle Odile Couronne, vice-présidente du CIAS depuis 35 ans. « L’aide à domicile est un métier qui a énormément évolué en l’espace de 30 ans, de la femme de ménage à l’auxiliaire de vie en charge de personnes âgées dépendantes. C’est un métier difficile, les agents sont très isolés dans leur activité quotidienne, face à des personnes en souffrance. Cela peut avoir des incidences à la fois sur l’usure professionnelle comme sur la qualité du service. » Le service compte une soixantaine d’agents, dont sept personnes pour les taches administratives et deux affectées au portage des repas à domicile. Le service accompagne en moyenne sur une année entre 300 et 350 personnes âgées. Jusqu’alors, le CIAS connaissait beaucoup de turn-over, des difficultés à recruter du personnel. La réorganisation s’est étalée sur plusieurs années, avec deux périodes clés. La première, entre 2018 et 2020, est dédiée à la restructuration. Christelle Leymarie a commencé par réaliser un état des lieux pour mettre sur la table l’ensemble des dysfonctionnements.
Planning des congés à l'année
Le premier dossier ouvert a été celui des congés. « Des agents posaient une semaine de congé sans vérifier qu’un collègue pouvait les suppléer. Il n’y avait tout simplement pas de dialogue et de prise de conscience de l’impact sur le service », expose Christelle Leymarie. Et d’ajouter : « On a regardé ce qui se fait dans les entreprises pour assurer la continuité du service et on s’en est inspirés ». Un « groupe congés » est mis en place pour que les aides à domicile se parlent et s’entendent. « C’était important que chacune puisse comprendre l’autre. » Depuis, le planning est anticipé sur l’année, les agents s’organisent pour pouvoir se remplacer. « Et chacun y gagne aussi dans la gestion de sa vie personnelle », assure la directrice.
Monté en puissance des demandes de formation
Odile Couronne se souvient qu’il y a 30 ans, elle se heurtait au scepticisme de ses collègues « qui ne comprenaient pas l’utilité de former des personnes pour passer le balai ou la serpillière ! ». Les mentalités ont évolué, et il est moins compliqué aujourd’hui de justifier les formations suivies par les aides à domicile. Les demandes de formation ont progressivement « monté en puissance ». Chacun a droit à une formation par an. Que ce soit pour l’accueil de stagiaires, l’animation d’ateliers loisirs, l’accompagnement en fin de vie, la maladie de Parkinson, etc. « La demande est aujourd’hui ascendante, cela change tout, car chacun peut avoir des affinités pour un domaine ou un autre, c’est ce que nous ne voulions : ne pas brider, mais encourager », se félicite la directrice. Qui a, pour diversifier l’offre des formations, au-delà de celles proposées par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), mis à profit la convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens, signée avec le conseil départemental, pour obtenir des crédits (cf. encadré). Elle s’est également tournée vers la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) pour des formations sur les aidants. Elle ne repousse pas les démonstrations proposées par des vendeurs de matériels médicaux qui peuvent être utiles pour conseiller des familles pour se servir d’équipements au domicile des personnes. Et, le CIAS a encouragé la validation des acquis de l’expérience : une quinzaine d’agents sont ainsi devenus « auxiliaires de vie ». Ils sont encouragés à devenir des aide-soignant(e)s. « Bien sûr, cela nous expose au risque que les salariées rejoignent une autre structure, mais nous ne sommes pas là pour les enfermer, mais les épanouir professionnellement », défend la directrice générale des services de la communauté de communes du Pays de Fénelon, Françoise Senrent.
Conditions de travail et reconnaissance professionnelle
La télégestion a été mise en place, avec un téléphone portable professionnel, qui peut être utilisé par les agents à titre personnel. L’édition d’une carte professionnelle et l’adoption d’un nouveau look (blouse plus moderne, aux couleurs du CIAS) a été décidée par l’équipe. Les aides à domicile disposent toutes d’une voiture professionnelle, grâce au soutien du conseil départemental (cf. encadré). « C’était un vrai frein pour les agents de devoir utiliser leur véhicule personnel, surtout dans des territoires ruraux où l’on fait beaucoup de kilomètres, même s’il y a des frais de déplacement », rajoute la DGS de l’EPCI.
Vis ma vie d’aide à domicile
La crise sanitaire de 2020 a, par la force des choses, participé à « renforcer la cohésion » entre les agents. « Elles étaient face à un virus dont on ne savait pas à quel point il était mortel », rappelle l’élue. Le revers de cette période fut pour le service des difficultés croissantes à recruter. « On s’est mis autour de la table pour mettre noir sur blanc les avantages et les inconvénients du métier, de la structure, de notre organisation », explique Christelle Leymarie. Résultat, aujourd’hui, lors des entretiens d’embauche, « le candidat parle très peu et nous, on parle du métier, de la structure, etc. Et surtout on propose une semaine d’immersion pour découvrir le métier. » Un livre du nouvel arrivant est donné à chaque agent rejoignant la structure. Les nouveaux sont également accompagnés pendant les six premiers mois par un agent déjà en place, leur tuteur, celui avec lequel ils ont partagé la semaine d’immersion. « On prend soin de les rencontrer au bureau, et pas au domicile des personnes accompagnées, pour échanger avec eux. Lorsqu’ils deviennent autonomes, ils savent qui appeler au cas où, et ont des points réguliers avec la responsable de secteur ». Le CIAS a décidé aussi d’ouvrir les portes pour recevoir des stagiaires, notamment de la Maison familiale rurale (MFR).
Nouer la relation administratif - terrain
Autre amélioration : la relation entre les administratifs et le terrain. « Il y avait une vraie rupture, par manque de connaissance réciproque du travail de chacun. » Des temps formels ont été instaurés pour rapprocher les uns et les autres. Notamment au travers de la remise du planning, une fois par mois, devenue un rituel, prétexte à une rencontre de visu, autour d’un café. « Ce n’est pas grand-chose mais cela change beaucoup », assure la directrice. « En prenant un café, on parle d’un dossier, et de fil en aiguille, on partage des pratiques. » Par ailleurs, les responsables administratifs, de l’agent de planification au comptable, sortent désormais de leurs bureaux pour se rendre également au domicile des personnes aidées, à certaines étapes de la prise en charge. « Personne n’est plus déconnecté de ce que fait l’autre, cela crée une forme de reconnaissance, et c’est essentiel » rajoute Christelle Leymarie.
L’équipe a également pris le pli de marquer tout évènement (départ en retraite, fêtes de fin d’année, etc.) par un dîner, une sortie au bowling, etc. À raison de deux à trois fois par an. Le bilan annuel avec les élus est toujours également agrémenté d’un « moment convivial », mais surtout, cet échange a été « recadré » pour n’être « plus qu’une soirée de directives des élus » comme c’était souvent le cas avant, glisse Christelle Leymarie mais « un réel moment d’écoute et d’échange ».
Pas de modèle miracle
Élue comme directrices ne fanfaronnent pas. « Cela a pris du temps », « il a fallu avancer doucement », « on a parfois tâtonné », glissent-elles. Les résultats sont là. Pour les recrutements ? « Nous n’avons plus besoin de passer d’annonces, les candidats viennent à nous ! ». Grâce au réseau tissé avec les MFR ou les lycées professionnels « qui viennent aujourd’hui nous démarcher » pour placer des élèves. Le turn-over ? « Inexistant ». Les arrêts maladie ont, eux, nettement diminué d’après la directrice et l’élue.« Nous avons trouvé une cohésion d’équipe, la qualité du service s’est améliorée et la structure a gagné une image positive et bienveillante ». Élue et directrice citent un indicateur : celui des ré-hospitalisations. Dont le nombre a chuté. « Parce que la prise en charge du bénéficiaire à son retour d’hôpital est mieux appréhendée, préparée et suivie grâce au travail également des deux responsables de secteur. »
Le soutien déterminant des partenaires et financeurs
La démarche engagée par le CIAS du pays de Fénelon a bénéficié de l’appui de ses partenaires et autorités de tutelles. À commencer par le conseil départemental de Dordogne. En 2024, celui-ci a versé 154 212 euros pour la flotte automobile, 93 839 euros pour les revalorisations salariales, et 114 418 euros pour toutes les améliorations de qualité (télégestion, formations, référents, etc.) négociées dans le cadre du Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) signé entre le CIAS et le conseil départemental. Ces subventions sont reconduites chaque année depuis 2023.
Le CIAS a été également soutenu pendant trois ans, de 2019 à 2022 par la Carsat et la Conférence des financeurs, avec une subvention totale de 93 280 euros, pour mettre en place sa nouvelle démarche.
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