Gabriel Attal engage une concertation sur la violence des jeunes

Le Premier ministre a lancé, jeudi 18 avril, à la demande du chef de l'État, depuis Viry-Châtillon, une concertation de huit semaines sur la violence des jeunes, suite à une série d'affaires marquantes. Une rencontre est prévue dès la semaine prochaine avec les maires qui ont connu les émeutes de l'été dernier.

C'est après avoir discuté avec le maire de Viry-Châtillon, Jean-Marie-Vilain, la semaine dernière, que le Premier ministre avait décidé de se rendre dans sa ville, ce jeudi, pour prononcer un discours sur le rétablissement de l'autorité. L'événement était censé marquer les "cent jours" de sa présence à Matignon. Cette ville de l'Essonne avait été marquée, début avril, par le lynchage du jeune Shamseddine, 15 ans, à proximité de son collège… Depuis, Gabriel Attal a été rattrapé par l'actualité, avec le meurtre à Grande-Synthe de Philippe, 23 ans, tué à coups de batte de baseball, mardi 16 avril. Deux mineurs ont été placés en garde à vue. "Ne cédons pas à la peur, ni à l’esprit de vengeance. Continuons à défendre le Vivre Ensemble dans notre ville", a lancé sur X, Martial Beyaert, le maire de Grande-Synthe. D'autres événements de ce type ont ponctué l'actualité de ces derniers jours, dont la violente agression d'une fille de 13 ans, à la sortie de son collège, à Montpellier.

Ces affaires traduisent le climat "d'ultraviolence" auquel veut s'attaquer le Premier ministre, même si, selon son cabinet, il n'est pas question de courir après les faits divers, mais de faire face "à un mouvement qui traverse la société".

Car pour le chef du gouvernement, il y un "glissement" d'une partie de la jeunesse vers la violence. "Comment on en est arrivés à une situation où, alors qu’ils représentent 1 Français sur 20, les adolescents de 13 à 17 représentent 1 mis en cause sur 10 pour coups et blessure, 1 sur 5 dans les trafics de drogue, 1 sur 3 dans les vols avec arme", s'est-il interrogé, jeudi, entouré des ministres Nicole Belloubet (Éducation) et Éric Dupond-Moretti (Justice), de la ministre déléguée Sarah El Haïry (Enfance, Jeunesse, Familles) et de la secrétaire d'État Sabrina Agresti-Roubache (Ville et Citoyenneté). "En synthèse, il y a deux fois plus d’adolescents impliqués dans les coups et blessures, quatre fois plus pour trafic de drogue, et sept fois plus dans les vols avec armes que dans la population générale", a-t-il poursuivi, avant d'énumérer plusieurs causes comme la déliquescence du cadre familial, l'addiction aux écrans, l'individualisme, "l'entrisme d’idéologies ennemies de la République" et le "pas de vague".

Rencontre avec des maires la semaine prochaine

S'il a fait plusieurs propositions, le chef du gouvernement entend avant tout ouvrir une concertation qui va durer huit semaines, notamment pour étudier leur faisabilité. L'organisation de ce "Grenelle" des violences des jeunes avait été demandé par Emmanuel Macron la semaine dernière, sur le modèle du "Grenelle des violences conjugales". "Je fixe d'ores et déjà un point d’étape central dans quatre semaines sur l’avancée des travaux et les premières mesures que nous pourrons annoncer", a précisé Gabriel Attal. D'aucuns y verront un parallèle avec le calendrier des élections européennes. "Nous aurons besoin de toutes les bonnes volontés, de la société civile, des familles, des maires, des élus, des parlementaires, de la majorité comme de l’opposition", a insisté le Premier ministre. Les modalités de cette concertation seront précisées en "début de semaine prochaine", indique son cabinet. Dès la semaine prochaine, il recevra les maires qui ont été touchés par les émeutes du mois de juillet. Le Premier ministre a également rappelé que cette concertation se mènera en parallèle avec le "Beauvau de la prévention de la délinquance" que Sabrina Agresti-Roubache lancera "dans les prochains jours", avec l'objectif de travailler à une nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance  (voir notre article du 15 février), et avec le "Beauvau de la police municipale", qui a démarré le 5 avril (voir notre article du 5 avril).

L'ancien ministre de l'Éducation, qui avait déclaré "emmener la cause de l'école" à Matignon, mise beaucoup sur la scolarisation ("tous les collégiens seront scolarisés tous les jours de la semaine, entre 8h00 et 18h00"), l'éloignement en internat des jeunes à problèmes, la responsabilisation des parents (avec la possibilité de travaux d'intérêt général pour les parents défaillants). Il envisage aussi un durcissement de la réponse pénale, avec une remise en cause de l'excuse de minorité (voir le détail ci-dessous).  

"C'est vrai que la violence a été portée à un niveau quasiment jamais atteint", a commenté Jean-Marie Vilain, jeudi sur RTL, précisant que tout le monde avait "une petite part de responsabilité". "On n'a pas senti les choses. On voit bien dans la rue, des jeunes de 10, 12 ans qui traînent tard le soir. Il y a un problème d'autorité qu'il va falloir rétablir", a-t-il dit. Viry-Châtillon fait partie de ces communes qui ont pris des arrêtés couvre-feu pour les mineurs l'été.

Les principales propositions annoncées par Gabriel Attal

Responsabilisation des parents

- Instaurer des amendes à l'encontre des parents qui ne se rendent pas à la convocation du juge pour enfants.
- Rendre les deux parents responsables, solidairement, de la réparation financière quand un enfant a causé des dégâts.
- Travaux d'intérêt général pour les parents défaillants.
- Proposer aux parents dont l'enfant "commence à avoir de mauvaises fréquentations" qu'il soit envoyé en internat, loin de son quartier, pour "retrouver un cadre".

Contrôle des écrans et des réseaux sociaux

- Une commission sur la régulation des usages des écrans doit rendre ses conclusions d'ici la fin du mois.
- Application d'une nouvelle loi sur le contrôle de l'âge des jeunes inscrits sur les réseaux sociaux, avec une majorité numérique fixée à 15 ans.

Autorité à l'école et laïcité

- Retirer des points sur le brevet ou sur le bac et que cette mention soit indiquée dans Parcoursup en cas de perturbation grave dans l'enceinte de l'établissement scolaire. La condition pour effacer cette mention et retrouver ces points serait la réalisation d'activités d'intérêt général au sein de l'établissement scolaire.
- Contrat d'engagement à respecter l'autorité et les valeurs de la République entre les parents, les établissements et les élèves. Le non-respect de ce contrat pourrait conduire à des sanctions, voire à la saisine de la justice dans les cas les plus graves.
- Généralisation des temps d'apprentissage à l'école primaire du respect de l'autre et de la tolérance.
- Renforcement des équipes "valeurs de la République" qui permettent de conseiller les professeurs ou les chefs d'établissement confrontés à des difficultés sur la laïcité.
- Les collégiens "seront scolarisés tous les jours de la semaine, entre 8h00 et 18h00, à commencer par les quartiers prioritaires et les réseaux d'éducation prioritaire".

Durcissement de la réponse pénale

- Ouverture d'un débat pour voir si des "atténuations" à "l'excuse de minorité", principe qui fait qu'un mineur est sanctionné moins sévèrement qu'un majeur, sont "possibles" et "souhaitables".
- Le garde des Sceaux va également réfléchir à la mise en place "d'une comparution immédiate devant le tribunal pour les jeunes à partir de 16 ans" au lieu de 18 ans.
- Mesure de "composition pénale" qui permettrait la mise en oeuvre d'une sanction sans procès contre un mineur de plus 13 ans si celui-ci reconnaissait les faits et acceptait la sanction.
- Les jeunes identifiés dans les écoles comme "commençant à partir à la dérive" assisteraient à une comparution immédiate au tribunal pour comprendre que "la règle peut donner lieu à des sanctions".
- Annoncées lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre, les "mesures d'intérêt éducatif", qui seront l'équivalent des travaux d'intérêt général pour les mineurs de moins de 16 ans, seront mises en oeuvre "dès la rentrée des vacances de printemps".

AFP

 

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