Sécurité : les "Beauvau de…" s’enchaînent

Un "Beauvau de la prévention de la délinquance" au printemps, pour définir la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance, avant un possible "Beauvau des polices municipales" : les concertations en matière de sécurité vont s'enchaîner. Côté polices municipales, l’heure est pour l’instant toujours à la négociation de la refonte du régime indemnitaire.

Après la litanie des "Grenelle de…", il faudra désormais compter sur "les Beauvau de…". Après le "Beauvau de la sécurité" de 2021 (voir notre article du 10 septembre 2021), devraient être prochainement lancés deux nouvelles éditions : le "Beauvau de la prévention de la délinquance" au printemps, avant un possible "Beauvau des polices municipales". 

"Beauvau de la prévention de la délinquance"

Ce 14 février, la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville, Sabrina Agresti-Roubache, a annoncé, sur les ondes (Europe 1) et dans un communiqué de presse, le lancement d’un "Beauvau de la prévention de la délinquance" visant à "repenser en profondeur la politique de prévention de la délinquance". Il se tiendra au printemps prochain. L’objectif ? Concevoir la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance 2024-2027, alors que la stratégie 2020-2024 – à l’accouchement difficile (voir notre article du 5 janvier 2021) – arrive bientôt à son terme. La secrétaire d’État prévient déjà : cette stratégie "impliquera une rénovation des dispositifs territoriaux tels que les conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD)", et ce, "afin de les rendre plus opérationnels et adaptés aux réalités et aux besoins des territoires".

Cet événement de "concertation nationale" sera précédé d’une concertation locale, "menée en étroite collaboration avec les élus locaux, les associations et les habitants", et en partie déjà lancée. La secrétaire d’État a en effet indiqué sur Europe 1 qu’elle avait "demandé à 25 préfets de consulter localement les élus locaux, les associations, les habitants". Et de fixer la marche à suivre : "Je veux que les mesures de bon sens soient mises en haut de la pile. Je ne veux plus – et je ne le ferai pas – de décisions qui viennent de Paris et qui sont complétement déconnectées de la réalité de nos territoires (…). Marseille c’est pas Paris, Paris c’est pas Metz, Metz c’est pas Lyon et Lyon c’est pas Brest (…). Ce Beauvau, ça va être des mesures qui vont remonter". Parmi elles, elle évoque par exemple le désormais très en vogue "tu salis, tu nettoies, tu casses tu répares, tu défies l’autorité, on t’explique comment respecter l’autorité" (voir notre article du 27 novembre 2020).

Cette première étape sera suivie "de rencontres avec des élus et des experts impliqués sur différents champs thématiques tels que les conduites addictives, l’aide aux victimes ou la délinquance juvénile", échanges qui "permettront d'identifier les forces et les faiblesses de la stratégie actuelle et de proposer des pistes d'amélioration". Avant la conclusion lors du "Beauvau" au printemps. 

"Beauvau de la police municipale"

À en croire les organisations syndicales représentatives des polices municipales – en l’espèce, la fédération Interco CFDT et la FA-FPT –, un "Beauvau des polices municipales" serait également en vue. C’est en tout cas ce que leur aurait indiqué la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, lors de leur réunion du 13 février dernier (contacté, le ministère n’a ni infirmé, ni confirmé). D’après la FA-FPT, ce serait toutefois un Beauvau décentralisé, puisqu’il se tiendrait "à travers la France, en quatre lieux". D’après les syndicats, y seraient évoqués les conditions de travail des policiers municipaux et des gardes champêtres, l’attractivité de leur métier et sa "dangerosité croissante" ou encore l’épineux sujet des retraites. "Madame Faure a déclaré avoir pu obtenir le feu vert du gouvernement pour aborder" ce sujet, assure la fédération Interco CFDT. Ce "Beauvau des polices municipales" est d’autant plus attendu que ces dernières avaient été passablement écartées du Beauvau de la sécurité de 2021 (voir nos articles du 20 janvier 2021 et du 14 septembre 2021).

Régime indemnitaire toujours en discussion

La réunion du 13 février visait, elle, à poursuivre les négociations sur le régime indemnitaire des policiers municipaux et gardes champêtres, après le retrait en novembre dernier du projet porté par la ministre (voir notre article du 15 novembre 2023), mais aussi après la mobilisation des policiers municipaux les 24, 31 décembre et 3 février derniers (à l’appel d’une intersyndicale à laquelle FO et la FA-FPT ne participaient pas). "C’est avec une proposition beaucoup plus convenable qu’est revenue Madame la ministre", même s’il "reste beaucoup à faire", estime Serge Haure, secrétaire fédéral de la fédération Interco CFDT.

Le syndicat indique que la ministre proposerait une indemnité spéciale de fonction et d’engagement, qui remplacerait l’indemnité spéciale mensuelle de fonctions de police, indexée "sur le traitement indiciaire brut, avec des pourcentages plafond augmentés à respectivement 33%, 31% et 29% pour les catégories A, B et C pour la partie fonction". Il alerte toutefois : "Rien ne garantit que chaque policier municipal et chaque garde champêtre sortira gagnant en termes de salaire de cette négociation si un montant plancher n’est pas applicable aux collectivités". Il se déclare ainsi "perplexe" à l’égard de la partie "engagement", tant "au niveau des montants, trop importants (plafond maximum de 5.000 euros annuels pour les catégories C ; 7.000 euros pour la B et 9.500 euros pour les A)", qu’"au niveau des critères qui pourraient être retenus et qui pourraient aboutir à des dérives de la part de certains employeurs". La CFDT plaide pour que "ces montants soient revus à la baisse et que le pourcentage de la partie ‘fonctions’ de la prime soit augmenté en contrepartie".

À la demande des syndicats, la prochaine réunion devrait associer les employeurs territoriaux. L’Interco CFDT prévient déjà : "En cas d’enlisement de la situation et de non-aboutissement d’un accord sur le régime indemnitaire et la retraite, avant les Jeux olympiques, [elle] n’exclut pas de procéder à un nouvel appel à mobilisation".