Geste salarial : les employeurs territoriaux critiquent la méthode et le calendrier

S'ils estiment légitime le geste pour le pouvoir d'achat des agents publics annoncé ce 12 juin, les employeurs territoriaux pointent plusieurs défauts. À commencer par une mise en œuvre, selon eux, trop rapide.

La hausse du point d'indice de la fonction publique de 1,5% au 1er juillet prochain (voir notre article du 12 juin 2023) est "modérée", estime Philippe Laurent, porte-parole de la coordination des employeurs territoriaux (CET), que Localtis a interrogé ce 12 juin.

"Nous avons dit que nous comprenons" ce geste, a déclaré le maire de Sceaux à l'issue d'une réunion des employeurs publics avec Stanislas Guerini, ministre en charge de la fonction publique, et Dominique Faure, ministre déléguée aux collectivités territoriales. "Nous connaissons nos agents", a-t-il souligné, faisant allusion au fait que les trois quarts des agents territoriaux relèvent de la catégorie C, la plus faiblement rémunérée.

"Négociation annuelle"

Depuis quelques semaines, la CET demandait que la revalorisation de la rémunération des agents publics soit contenue, afin de tenir compte des effets d'une telle décision sur les budgets des collectivités locales. Le message a été "plutôt entendu", s'est félicité le maire de Sceaux. En revanche, il n'en va pas de même concernant la date d'entrée en vigueur du relèvement du point d'indice, à savoir donc le 1er juillet prochain. La CET réclamait, en effet, que la mesure soit appliquée en respectant un délai de quelques mois. Une hausse des rémunérations qui "se passe au 1er juillet" et "n'est pas prévue totalement dans les budgets" pose des difficultés aux collectivités locales, a pointé Philippe Laurent. Interpellé de nouveau lundi sur ce sujet, le ministre en charge de la fonction publique aurait fait remarquer aux représentants des employeurs publics qu'il procède à un étalement des mesures, en choisissant d'attribuer 5 points d'indice (soit en moyenne 25 euros bruts par mois) aux agents publics seulement au 1er janvier 2024.

Avant le dégel du point d'indice du 1er juillet 2022, la Cour des comptes estimait qu'une augmentation de 1% de la valeur du point d'indice se traduirait par un surcoût total de 2,070 milliards d’euros, dont 640 millions d'euros pour la fonction publique territoriale. Un impact conséquent qui conduit le président du conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) à plaider pour la mise en place d'une négociation annuelle, dont les décisions s'appliquent au 1er janvier suivant, comme cela existe dans le secteur privé. Ce serait "un système de management serein et apaisé", selon lui.

La CET indique aussi que le gouvernement ne peut pas faire l'impasse sur la question des ressources financières des collectivités, en particulier concernant l'autonomie fiscale – qui s'est fortement érodée ces dernières années – et l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Les 320 millions d'euros supplémentaires attribués à la dotation pour 2023 "n'étaient pas suffisants", pointe Philippe Laurent.

"Le gouvernement demande en parallèle de baisser les dépenses"

L'annonce "précipitée" d'une hausse du point d'indice dès le 1er juillet "aurait dû être anticipée", a de son côté critiqué l'Association des maires de France (AMF), tout en soulignant ne pas remettre en cause "le principe et le montant" de cette augmentation. "Les collectivités ont besoin d’anticipation et de visibilité sur leurs dépenses de fonctionnement", a fait valoir l'association dans un communiqué. En clair : "une autre méthode de travail" serait nécessaire. De plus, l'AMF s'est étonnée que la hausse de la rémunération des agents "soit actée sans prise en compte de l’impact financier pour les collectivités, alors que le gouvernement demande en parallèle aux collectivités de baisser leurs dépenses".

Tant l'AMF que la coordination ont par ailleurs rappelé que l’engagement pris par la Première ministre d'une compensation par l'État de la hausse du taux de cotisation sur les retraites n'est pour le moment pas effectif. "Les collectivités locales ont tendance à croire ce qu'elles voient", souligne l'entourage du porte-parole de la CET.

 

Autre association d'élus à avoir réagi : Départements de France, qui déplore elle aussi l'absence de concertation en amont, d'autant plus que "cette hausse intervient en milieu d’année, après le vote des budgets", conduisant les départements à devoir "revoir [leurs] financements prévus." La hausse devrait représenter "près de 150 millions d’euros sur 2023 et 300 millions en année pleine pour les départements".

  • Un train de textes réglementaires en vue

L'exécutif compte aller vite dans la préparation des textes de mise en œuvre des mesures salariales annoncées ce 12 juin.

Le chantier réglementaire est enclenché. Pour la période "juin-juillet", plusieurs textes sont attendus, selon le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. À commencer par le décret prévoyant le relèvement de la valeur du point d'indice et l'attribution de 5 points d'indice, qui sera examiné en conseil des ministres. Sont aussi annoncés : le décret attribuant entre 1 et 9 points pour "les bas de grille" (catégories B et C), le décret instaurant une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et les textes réglementaires de reconduction de la garantie individuelle du pouvoir d'achat (Gipa).

Pour la période de "juillet à septembre", les textes des autres mesures complémentaires en faveur du pouvoir d'achat des agents sont annoncés, à savoir les "décrets et arrêtés" pour l’extension de la prise en charge des transports collectifs, la revalorisation des frais de mission, et des montants forfaitaires de CET.

Pour rappel, la hausse de 1,5% de la valeur du point d'indice et l'attribution de 1 à 9 points d'indice pour donner de l'air aux débuts de carrière en catégories B et C seront applicables au 1er juillet 2023. La prise en charge augmentée des frais liés aux transports collectifs, elle, sera relevée à compter de septembre 2023. Quant à la prime dégressive (de 800 à 300 euros brut) réservée aux agents percevant une rémunération mensuelle brute ne dépassant pas 3.250 euros par mois, elle sera versée "avant fin 2023" (seulement sur délibération dans les collectivités). Enfin, l'attribution de 5 points d'indice (un peu plus de 20 euros nets par mois) à tous les agents publics n'entrera en revanche qu'au 1er janvier 2024.

Le ministère détaille ce calendrier, les mesures salariales et leurs modalités de mise en œuvre dans un document qu'il a transmis, lundi, aux représentants des organisations syndicales. L'intégralité de ce dernier est à télécharger ci-dessous.