Groupes de besoins au collège : un premier bilan négatif

Le rapport intermédiaire de l'inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche sur les groupes de besoins au collège pointe le risque de voir les écarts de compétences se creuser entre les élèves et ne relève pas de bénéfice pour les élèves les plus fragiles.

Une mesure qui n'a "clairement pas bénéficié" aux élèves les plus fragiles et un risque de "dérive programmée des continents", tel est le jugement d'un rapport intermédiaire de l'inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche (IGESR) sur la mise en place des "groupes de besoins" au collège.

Leur annonce, fin 2023, par Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation nationale, dans le cadre de son "choc des savoirs", avait suscité une forte opposition des syndicats d'enseignants. Leur mise en œuvre avait toutefois été actée pour la rentrée de septembre 2024 dans les classes de 6e et 5e pour lesquelles l'organisation des enseignements de français et de mathématiques a été redéfinie sur l'ensemble des horaires, pour tous les élèves.

La mission d'inspection, qui s'est déroulée tout au long de l'année scolaire en cours et a porté sur trente-neuf collèges aux caractéristiques diversifiées dans huit académies différentes, relève d'abord qu'"un temps considérable a été consacré aux modalités organisationnelles de la mesure sans pour autant générer partout une réflexion pédagogique à la hauteur des attendus".

Une mise en œuvre très hétérogène

Le rapport note par ailleurs "la très forte diversité de mise en œuvre de la mesure". Alors que tous les collèges ne l'ont pas mise en place, une majorité d'établissements a opté pour des groupes de niveaux. Plusieurs collèges ont construit des groupes hétérogènes en réduisant simplement les effectifs, d'autres encore ont opté pour des groupes hétérogènes excepté pour un groupe constitué des élèves les plus faibles à effectif sensiblement réduit. Finalement, une "infime minorité" d'établissements a réellement opté pour des groupes de besoins se référant aux acquis des élèves sur des compétences précises.

À propos des groupes toujours, la mission relève – contrairement à ce qui avait été envisagé – "une quasi-absence de mobilité des élèves entre les groupes au cours de l'année", et note que cet immobilisme est plutôt bien accueilli tant par les élèves, "au nom d'une recherche de stabilité relationnelle et émotionnelle", que par les enseignants pour des raisons organisationnelles et de préservation du lien construit avec les élèves.

À cette absence d'évolution dans la composition des groupes s'ajoute le non-recours aux temps de regroupements dans la classe de référence, prévu initialement pour une période allant jusqu'à dix semaines. Là encore, la mission souligne que "mobiliser l'option de remettre les élèves en classe de référence ne [...] semble pas utile, voire [...] semble dommageable en termes d'organisation, d'efficacité des apprentissages et de lien pédagogique". Plus largement, le rapport souligne que la mise en place des groupes de besoins s'est traduite par de nombreuses tensions dans le fonctionnement des établissements.

"Baisse des exigences"

Côté résultats, la mission note que si les effets s'avèrent "contrastés" en ce qui concerne les élèves à faibles besoins ou à besoins modérés, les élèves "à forts besoins" n'ont, quant à eux "clairement pas bénéficié des avancées attendues de la mesure". Le rapport estime alors que "le risque est majeur de voir les écarts de compétences se creuser entre les élèves et ainsi fragiliser fortement le retour en classe entière en début de 4e". En cause notamment, "la difficulté rencontrée par les professeurs pour adapter véritablement et de manière efficace leurs pratiques professionnelles aux publics accueillis notamment lorsqu'il s'agit des élèves les plus fragiles". Conséquence : "Pour une majorité des enseignants entendus par la mission ou observés lors de séances de mathématiques ou de français, le seul geste didactique identifié en réponse aux difficultés des élèves semble être une baisse des exigences et une réduction ou un allègement des contenus d'enseignement." Pour les élèves les plus en difficulté, les groupes de besoins ne semblent finalement avoir qu'une vertu : ils ont "offert une réelle visibilité à la grande difficulté scolaire", mais "sans parvenir à la résorber". 

Ce sont, à l'opposé de l'objectif initial affiché, les groupes "très majoritairement composés d'élèves à faibles besoins", même à effectif non réduit, qui semblent avoir le plus profité de la mesure. Des  professeurs ont ainsi expliqué à la mission "combien il est possible et plaisant d'aller plus loin, de faire des choses plus intéressantes voire de bénéficier de conditions de travail très favorables". "Les élèves ayant des compétences affirmées peuvent donc tirer parti de ces contenus dits d'excellence", pointe encore le rapport.

Maintien à la rentrée 2025

Après un tel bilan, c'est sans surprise que la mission "recommande une évolution de la démarche et en premier lieu un abandon du modèle actuel consistant à proposer une mise en œuvre uniforme des enseignements en groupes pour tous les élèves de 6e et 5e sur l'ensemble des horaires disciplinaires de français et de mathématiques".

Elle demande que l'on redonne de l'autonomie aux chefs d'établissement dans les choix à opérer localement, et que chaque collège arrête une stratégie de réussite des élèves révisée annuellement selon les avancées constatées. Pour accompagner cette "démarche systémique", elle juge indispensable une "modification substantielle" de la formation initiale et continue des professeurs du second degré en portant une attention spécifique aux questions relevant de la gestion de l'hétérogénéité et du traitement de la grande difficulté scolaire.

Alors qu'une plus large évaluation, portant sur 1.500 collèges, est attendue pour l'automne, le ministère de l'Éducation nationale a d'ores et déjà annoncé, lors d'une présentation de ce rapport intermédiaire à la presse, le maintien "avec des ajustements" des groupes de besoins en 6e et 5e à la rentrée de septembre 2025.

 

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