Inclusion scolaire : un rapport du Sénat prône plus d'accessibilité et moins d'AESH

Un rapport du sénateur Cédric Vial sur l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap invite à sortir de la logique quantitative du "tout aide humaine" pour entrer dans une démarche plus qualitative, en commençant par améliorer l'accessibilité des locaux mais surtout des matériels pédagogiques.

Après la Défenseure des droits, les Inspections générales des finances (IGF) et de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) et le président de la République (lire nos articles ici, ici et ), et une semaine après la Conférence nationale du handicap (voir notre article), le sénateur de la Savoie Cédric Vial s'est à son tour interrogé sur la place des AESH (Accompagnants d'élèves en situation de handicap) dans l'inclusion scolaire. Dans son rapport d'information "sur les modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive", présenté le 3 mai 2023 devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, il estime que "la massification de l'accompagnement humain […] a atteint ses limites, et nuit désormais à une politique qualitative et efficiente d'inclusion scolaire". Le rapporteur appelle donc à inverser l'ordre des valeurs, en faisant de l'accessibilité (physique, matérielle et pédagogique) "la priorité qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être".

Une dynamique qui "interpelle"

Les AESH ont connu ces dernières années une très forte croissance : plus de 50% entre 2017 et 2022. On en dénombre aujourd'hui 125.000, pour 80.000 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Ils sont même devenus le second métier de l'Éducation nationale en termes d'effectifs, puisqu'on compte aujourd'hui un AESH pour environ huit enseignants. Pour Cédric Vial, cette "dynamique haussière interpelle". Car si le rythme d'augmentation du nombre d'élèves en situation de handicap, dont la scolarisation en milieu ordinaire est passé de 134.000 à 430.000 entre 2004 et 2022, est de 6% à 7% par an, la croissance du nombre de notifications d'aide humaine atteint 12% à 13% par an, soit le double.

Or pour le rapporteur, la massification de l'aide humaine traduit des "dysfonctionnements d'un système d'inclusion scolaire". Parmi les limites pointées par Cédric Vial, on relève des prescriptions d'accompagnement humain ne reposant pas sur un handicap médicalement reconnu – comme en Seine-Saint-Denis où l'on reconnaît un handicap "social" –, une "externalisation de la mission d'inclusion scolaire de l'enseignant vers l'AESH, qui a parfois tendance à faire écran entre l'enfant et son professeur ou ses camarades", ou encore la "segmentation des temps de l'enfant", un problème bien connu des collectivités locales chargées d'assurer, le cas échéant, l'accompagnement sur le temps périscolaire. In fine, le rapporteur pointe "l'impossibilité de faire face aux besoins générés par cette course en avant", et l'incapacité pour l'Éducation nationale de mettre en œuvre de manière efficiente le flux des prescriptions émanant des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

À l'école de s'adapter

Le rapporteur en appelle donc à inverser l'ordre des priorités, à sortir de la logique quantitative du "tout aide humaine" pour entrer dans une démarche plus qualitative, centrée sur les besoins de l'enfant afin de l'accompagner vers la réussite scolaire et plus d'autonomie. Autrement dit, "il revient d'abord à l'école de s'adapter et la possibilité de recourir à l'aide humaine ne doit pas conduire l'institution scolaire à s'exonérer de sa responsabilité pédagogique".

Dénonçant "le déficit de culture pédagogique sur l'inclusion scolaire" dans l'Éducation nationale, le rapporteur appelle cette dernière "à assumer pleinement son rôle en matière d'accessibilité". Comment ? En développant et systématisant l'accessibilité des matériels pédagogiques, notamment via le cahier des charges s'imposant aux éditeurs, et celle des outils numériques, en adaptant les fournitures scolaires aux élèves en situation de handicap et en mettant en œuvre les adaptations pédagogiques nécessaires.

Dans la logique d'adaptation de l'école, Cédric Vial demande aussi aux collectivités territoriales d'aborder le temps périscolaire sous le prisme de l'accessibilité des bâtiments et du matériel.

Les notifications des MDPH en question

Plus audacieux, le rapporteur propose également d'expérimenter la possibilité pour les équipes de suivi de la scolarisation d'adresser à la MDPH une contre-proposition si les modalités de l'aide ne leur paraissent pas répondre aux besoins de l'élève. En termes de prescription toujours, le rapporteur note qu'il existe "une corrélation forte entre le déficit des capacités d'accueil dans les établissements sociaux et médicosociaux (ESMS) […] et l'augmentation du recours à l'aide humaine en milieu scolaire ordinaire". Il souhaite donc accroître les capacités d'accueil en ESMS et le nombre de professionnels médicosociaux dans les territoires sous-dotés, mais également faire en sorte que les élèves puissent bénéficier d'un accompagnement médicosocial au sein même de l'école.

À l'État la charge du temps méridien

Concernant la continuité des temps de l'enfant, le rapporteur recommande de faire reprendre en charge par l'État, à travers une initiative législative, le financement des dépenses d'accompagnement humain des élèves sur le temps méridien, au titre de la solidarité nationale et au nom du principe, en vigueur jusqu'à une décision du Conseil d'État de 2020, de la responsabilité de l'État en matière d'inclusion scolaire et de tout ce qui y concourt. En attendant une telle évolution, il préconise de "développer les subventions d'ores et déjà accordées par certaines caisses d'allocations familiales (CAF) aux collectivités territoriales pour participer au financement de l'aide humaine sur le temps méridien, comme sur le temps périscolaire". Plus globalement, il invite les MDPH à systématiser la préconisation du besoin ou non d'aide humaine sur le temps méridien, "afin d'éclairer la décision des collectivités territoriales […] et de garantir une continuité de la prise en charge sur les différents temps de la journée de l'enfant".

Enfin, Cédric Vial souhaite acter le principe de la prise en charge par la commune de résidence de l'enfant scolarisé au sein d'une Ulis (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) située dans une autre commune.

Si le rapporteur estime qu'"il ne peut pas y avoir de politique d'inclusion efficace et pérenne sans évolution notable du statut, du temps de travail et donc de la rémunération des AESH", il ne fait ici aucune proposition et invite le ministère de l'Éducation nationale à s'emparer de la question.

Les vingt recommandations du rapport "viennent enrichir les travaux de la récente Conférence nationale du handicap, qui doit ouvrir une nouvelle étape en faveur de l’école inclusive", indique Cédric Vial dans son avant-propos. En sachant que cette conférence a donné lieu à l'annonce par Emmanuel Macron d'une douzaine de mesures dans le champ de l'éducation, dont certaines ne semblent pas très dissonantes par rapport au document sénatorial : "pôles d'appui à la scolarité" pour la mise en place de solutions individualisées (soutien pédagogique, matériel adapté...), création d'un fonds "matériel pédagogique adapté", formation des équipes pédagogiques, réforme des fonctions des AESH, accompagnement médico-social y compris dans les murs de l’école, ESMS appelés à devenir des "plateformes de services coordonnés", création de places ou de "solutions" en ESMS...