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Inégalités, services publics… Les mises en garde du Défenseur des droits

Le nombre des réclamations adressées au Défenseur des droits a été en hausse l'an dernier. L'enjeu des "inégalités territoriales" et de l'accès aux services publics fait selon lui partie des enjeux prioritaires. Avec des problèmes que la crise sanitaire serait venue exacerber cette année.

Répondre aux inégalités renforcées par le confinement, à l'effacement des services publics, à la "crise de confiance" vis-à-vis des forces de l'ordre… Le Défenseur des droits a livré ses préconisations lundi 8 juin en présentant le rapport annuel de son institution. "Les inégalités sociales et territoriales, les reculs des services publics déjà à l'oeuvre ont été exacerbés" avec l'épidémie, a ainsi estimé auprès de l'AFP Jacques Toubon, qui s'apprête à quitter l'autorité indépendante après six années à sa tête.

En 2019, le Défenseur des droits a été toujours plus sollicité : il a reçu 103.000 réclamations, soit 7,5% de plus que l'année précédente. Depuis 2014, les demandes ont bondi de 40,3%. Elles concernent majoritairement les relations avec les services publics - plus de 60.000 réclamations, en hausse de 10,4% sur un an. Le rapport dépeint ainsi une fois de plus une France minée par "les inégalités territoriales", mais aussi le "sentiment d'abandon" provoqué par "la fracture numérique et la dématérialisation à marche forcée" des services publics. Faute de moyens, ceux-ci ont "des difficultés croissantes à répondre aux demandes" : "Les 61.596 réclamations liées aux relations avec les services publics reçues par l’institution cette année confirment l’ampleur des effets délétères de l’évanescence des services publics sur les droits des usagers", peut-on ainsi lire dans le rapport, qui évoque notamment "le recul de la présence humaine aux guichets". Est citée en exemple la dématérialisation des prises de rendez-vous en préfecture, qui "empêche de nombreux étrangers de déposer une demande de titre de séjour". Le rapport évoque par ailleurs le fait que certaines démarches administratives aient été déléguées à des sociétés privées. L'exemple pris est celui de la gestion du stationnement payant sur voirie : selon le Défenseur, "cette réforme engendre des inégalités de traitement en fonction de la collectivité et du gestionnaire délégataire, parfois privé".

Après une année 2019 marquée notamment par les manifestations de "gilets jaunes", son institution a par ailleurs enregistré un bond de quasiment 29% des dossiers liés à la "déontologie de la sécurité", dont la majorité concerne l'action des forces de l'ordre. Sur les presque 2.000 contestations reçues, le Défenseur des droits a conclu à un "manquement" des agents dans seulement 10,7% des cas. Mais il pointe "une crise de confiance des citoyens à l'égard des forces de sécurité" et appelle à "une prise de conscience des autorités" pour sortir des "logiques 'guerrières'".

Les réclamations sur les autres champs de compétences du Défenseur restent stables. Le Défenseur a en tout cas listé ce qui a constitué pour lui les "10 combats de l’année 2019". Outre l'enjeu de l'accès aux services publics et celui du respect des libertés dans le champ de la sécurité, il s'agit des discriminations, de la lutte contre les violences faites aux enfants, des droits des ultra-marins, de l’accès à la formation (Parcoursup notamment), de l’accès aux soins des plus vulnérables (AME, CMU-C, refus de soins...), des lanceurs d’alerte et du droit de l’enfant à l’éducation (accès à la cantine, refus de scolarisation, enfants handicapés...).

L'ancien ministre de Jacques Chirac assortit son dernier rapport, initialement consacré uniquement à l'année 2019, d'une synthèse sur son action depuis le début du confinement. Malgré une activité réduite de moitié, le Défenseur des droits a joué son rôle de "démineur des discriminations de la vie quotidienne" au plus fort de l'épidémie, assure Jacques Toubon, évoquant les appels à rouvrir les bureaux de poste, à adapter l'attestation de sortie aux handicapés ou à désengorger les prisons face au virus. L'état d'urgence sanitaire a toutefois été mis en place "avec discernement", juge-t-il, tout en insistant sur le caractère nécessairement "temporaire" de ces mesures. "Garantir la sécurité sanitaire du plus grand nombre ne doit pas conduire à insérer ce régime de façon pérenne dans le droit commun à l'issue du déconfinement", avertit-il, toujours échaudé par la transposition dans la loi de mesures de l'état d'urgence post-attentats de 2015. Jacques Toubon espère aussi que la crise sanitaire, après avoir rendu les inégalités "encore plus criantes", conduira à un meilleur accès aux droits". Dans l'immédiat, il faut selon lui trouver un moyen d'accélérer le retour à l'école. "Une sorte de sélection a été faite" car "sur le quart des enfants qui sont revenus, il n'y a pas ceux qui devraient le plus bénéficier de l'école et en particulier de la restauration collective", a-t-il déploré sur France Inter.

 

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