Instruments financiers de la politique de cohésion : la Cour des comptes européenne déplore une réutilisation limitée des fonds

Si les fonds de la politique de cohésion sont principalement octroyés sous forme de subventions, le recours aux instruments financiers est également possible. Ces derniers présentent en théorie l’avantage de pouvoir être réutilisés, permettant de soutenir plusieurs bénéficiaires avec une même enveloppe. Dans un nouveau rapport, la Cour des comptes européenne observe toutefois que cette réutilisation reste limitée dans les faits.

Le constat d’un trop faible recours aux instruments financiers - prêts, financement en fonds propres ou quasi-fonds propres, garanties - proposés par l’Union européenne n’est pas nouveau (lire notre article du 15 mai 2024). Dans un rapport publié ce 3 décembre, la Cour des comptes européenne vient à nouveau de le déplorer. 

Une réutilisation des fonds possible à moyen et long terme…

En l’espèce, la Cour se concentre, dans le seul cadre de la politique de cohésion, sur l’insuffisant réemploi des fonds prêtés, puis remboursés, que doit précisément permettre ces instruments, limitant ainsi d’autant l’effet de levier attendu. 

Pour mémoire, les textes disposent que cette réutilisation des fonds prêtés peut intervenir pendant la période d’admissibilité ou ultérieurement : 
- pour ceux prêtés sur la programmation 2007-2013, ils peuvent être réutilisés pour le même type de mesures jusqu’à épuisement ; 
- pour ceux prêtés lors des programmations 2014-2020 et 2021-2027, ils peuvent être réutilisés conformément aux objectifs des programmes / objectifs stratégiques de programmes de ces périodes jusqu’à la fin de la huitième année suivant la fin de la période d’admissibilité. 

Mais dans les deux cas, le bât blesse.

… dans les faits limitée pendant la période d’admissibilité…

Pendant la période d’admissibilité, la Cour constate que la réutilisation des fonds est limitée. "À peine 12 des 61 instruments financiers audités (en Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie et Slovaquie) ont fait un certain usage des remboursements pour soutenir de nouveaux investissements", recense-t-elle. En cause, différents facteurs, parmi lesquels vient en tête "la pression exercée sur les autorités de gestion pour qu’elles absorbent d’abord l’intégralité des dotations des programmes […] afin d’éviter de perdre des fonds". S’y ajoute la mise en place tardive de certains de ces instruments financiers, la longue durée des investissements soutenus ou le fait que les autorités de gestion attendent d’avoir accumulés des remboursements avant de décider de leur réutilisation. La Cour pointe encore le dépôt des fonds remboursés sur des comptes de trésorerie "qui empêche évidemment leur réutilisation", le "évidemment" ne manquant pas d’étonner.

… et qui prend fin parfois trop rapidement

Après la période d’admissibilité, la Cour observe que certaines autorités de gestion réutilisent les fonds remboursés sous forme de subventions, mettant ainsi fin au cercle vertueux. 

La Cour concède par ailleurs que si près de 5% du budget de la cohésion ont été dépensés via des instruments financiers au cours des trois dernières programmations (la France n’étant pas en pointe, figurant en neuvième place pour le recours à ces instruments), "la part des fonds remboursés effectivement réutilisée demeure inconnue".

Pour des clauses de réutilisation automatique des fonds

Afin de "mieux exploiter le potentiel de ces instruments", la Cour plaide notamment pour revoir un cadre juridique jugé "pas suffisamment clair et univoque". Elle suggère en particulier aux autorités de gestion de prévoir, dans leurs accords de financement passés avec les gestionnaires de fonds (que sont par exemple la Banque européenne d’investissement ou la Caisse des Dépôts), des clauses de réutilisation automatique et immédiate des fonds remboursés (seulement prévues par 5 des 61 instruments audités) évitant de repasser par une décision spécifique de l'autorité. L'enjeu n'est pas neutre, puisque la Cour indique que, depuis 2014, les instruments financiers ont principalement servi à soutenir la compétitivité des PME (près des deux tiers des dotations), la transition climatique (8%) et la recherche et l’innovation (8%), qui sont autant de priorités de l'Union.

 

› Politique de cohésion : des corrections financières insuffisantes

Dans un autre rapport publié le 20 novembre, la Cour des comptes européenne déplore que la Commission européenne "n’applique pas les corrections financières comme elle le devrait pour protéger le budget de l’UE contre les dépenses irrégulières dans le domaine de la cohésion". "Malgré le nombre considérable d’erreurs relevées chaque année dans les dépenses de cohésion, il a fallu attendre septembre 2025, soit plus d’une décennie, pour voir la Commission européenne adopter sa première décision de correction financière concernant la période 2014-2020", dénonce-t-elle ainsi. Les auteurs observent que même dans le cas où "les propres critères de la Commission indiquent la présence d'insuffisances graves", cette dernière "en a conclu autrement". Et de prendre l'exemple d'un programme français pour lequel "la Commission a relevé des erreurs quantifiables supplémentaires dans quatre opérations sur huit, avec un taux d’erreur total de 44% après recalcul. Elle a toutefois conclu à l’absence d’insuffisance grave, étant donné que deux opérations frauduleuses n’auraient pas pu être décelées par l’autorité d’audit et que le taux d’erreur élevé était principalement dû à une seule opération". Or, pointe la Cour, "le contrôle portait sur un échantillon représentatif, ce qui implique un problème systématique plus large"

 

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