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Transports - Intercités : l'Etat lance le renouvellement du matériel roulant et se désengage des trains de nuit

Lors d'un point d'étape le 19 février sur l'avenir des trains d'équilibre du territoire (TET), plus connus sous le nom d'Intercités, le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, a indiqué que l'Etat allait lancer un appel d'offres pour renouveler le matériel sur au moins trois des quatre lignes jugées "structurantes" et commander 30 rames supplémentaires à Alstom pour les autres. Il a aussi annoncé que l'Etat allait se désengager des lignes de nuit à l'exception de deux d'entre elles, Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol, pour lesquelles il n'existe pas d'offre alternative de transport.

Il faudra encore patienter jusqu'au 1er juillet prochain pour connaître la feuille de route définitive du gouvernement sur les trains Intercités ou trains d'équilibre du territoire (TET). Mais le point d'étape qui a été fait le 19 février a été l'occasion d'acter un certain nombre de décisions qui étaient très attendues par les régions, notamment sur le renouvellement du matériel roulant (lire ci-contre notre article du 19 février).

Enrayer la chute de fréquentation et le déficit

Avant de détailler les mesures qui doivent permettre d'enrayer le déclin des Intercités, essentiels à la desserte de nombreux territoires, Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux Transports, a une nouvelle fois rappelé les enjeux à la clé. "Aujourd'hui, ces trains ne répondent plus de manière satisfaisante aux attentes des voyageurs, en termes de desserte comme de qualité de service, a-t-il souligné. Depuis 2011, la fréquentation a chuté de 20%, rendant l'exploitation de ces lignes financièrement insoutenable". Leur déficit devrait ainsi dépasser 400 millions d'euros cette année, contre 330 millions d'euros en 2014 et 210 millions d'euros en 2011. La feuille de route présentée le 7 juillet 2015, suite au rapport de la commission présidée par le député Philippe Duron, a permis, selon Alain Vidalies, "d’engager une nouvelle dynamique pour faire renaître l’offre TET" qui "repose sur le droit à la mobilité, la solidarité nationale, l’aménagement du territoire et la maîtrise de l’équilibre économique."

Un matériel roulant entièrement renouvelé d'ici 2025

En attendant la réalisation définitive de la feuille de route, annoncée pour le 1er juillet prochain, le gouvernement met l'accent sur le renouvellement du matériel roulant et l'amélioration de la qualité du service. "Le confort et la qualité du service correspondent à des attentes légitimes des voyageurs, estime Alain Vidalies. C’est un facteur majeur de l’attractivité de l’offre. Cet avantage compétitif du train, où le voyage correspond pleinement à un temps pour soi, doit être renforcé."
Aujourd'hui, "avec plus de 35 ans d'âge en moyenne, le matériel roulant n'offre plus le service correspondant aux nouvelles attentes", a déploré le secrétaire d'Etat. Il a donc confirmé que "le parc des lignes TET structurantes sera entièrement renouvelé d’ici 2025, pour un montant d’investissement d’environ 1,5 milliard d’euros". Sur trois de ces lignes, qui imposent notamment des caractéristiques spécifiques de vitesse (Paris-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont Ferrand, Transversale Sud Bordeaux-Toulouse-Marseille), un appel d’offres est lancé par SNCF Mobilités pour disposer de nouvelles rames, offrant des performances et un confort adapté aux longs parcours, et tous les services utiles à bord.
Les premières rames sont attendues à l’horizon 2020. "Les fonctionnalités de ces nouvelles rames feront l’objet d’une concertation avec les acteurs concernés et les collectivités au cours des trois prochains mois, afin de prendre en compte les attentes exprimées par les voyageurs", a assuré le secrétaire d'Etat. Sur la ligne Paris-Caen-Cherbourg, en raison des spécificités techniques de la ligne (longueur des quais à Paris Saint-Lazare), ce renouvellement, en concertation avec la région Normandie, pourrait prendre la forme d’une acquisition dans le cadre du marché existant entre SNCF Mobilités et Bombardier, ou dans le cadre du nouvel appel d’offres.
Le parc de matériel roulant des autres lignes TET va également bénéficier d'"investissements sans précédent", a vanté Alain Vidalies. 34 rames neuves sont d’ores et déjà en cours d’acquisition pour un montant de 510 millions d'euros. Ces rames seront déployées à partir de fin 2016, sur des lignes en partie non électrifiées (Paris-Troyes-Belfort et Amiens-Boulogne). 30 rames neuves supplémentaires, à un niveau, seront acquises dans le cadre du marché existant entre SNCF Mobilités et Alstom et seront déployées à partir de 2018. Cette commande pourra évoluer au résultat de la concertation engagée avec les régions.

Confort et qualité de service à améliorer

L’accès à internet doit aussi être amélioré pour les voyageurs à bord des trains et dans les gares. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) devra établir d’ici mi-2016 un classement des opérateurs mobiles sur chaque ligne TET. "Cette démarche vise à orienter et amplifier le partenariat entre SNCF et les opérateurs mobiles, afin d’améliorer la couverture des trains du quotidien", a commenté Alain Vidalies.
Enfin, l’Etat demande à SNCF Mobilités de "placer davantage le voyageur au cœur de son action." Plusieurs mesures visant à accentuer les efforts en matière de qualité de service doivent aussi être mises en œuvre en 2016 : réduction des dysfonctionnements, amélioration de la propreté à bord des trains (une expérimentation sera menée sur la ligne Paris-Belfort, avant d'être généralisée), politique commerciale plus dynamique - davantage de billets à petits prix seront proposés et le nombre de trains proposant des réductions à tous les voyageurs devrait tripler.

Offre de nuit : une nouvelle donne

Le gouvernement a également engagé "la transition du modèle TET, en tenant compte de l'offre de transports environnante", a indiqué Alain Vidalies. Première visée : l'offre de nuit. "Elle ne répond plus de manière satisfaisante aux besoins des voyageurs et son modèle économique est épuisé", a déclaré le secrétaire d'Etat. "Sa fréquentation est en baisse de 25% depuis 2011. Elle représente 25% du déficit des TET, alors qu’elle ne correspond qu’à 3% des voyageurs transportés. Chaque billet vendu nécessite aujourd'hui plus de 100 euros de subventionnement public en moyenne, a-t-il détaillé. Sur la base des recommandations de la commission Duron, le gouvernement a donc tranché. Les lignes d’aménagement du territoire, indispensables en raison de l’absence d’une offre alternative suffisante pour les territoires concernés, seront donc maintenues : il s'agit des lignes de nuit Paris-Briançon, et Paris-Rodez / Latour de Carol. Par contre, l'Etat ne financera plus l'exploitation des autres lignes de nuit desservant des territoires qui bénéficient d’offres alternatives de mobilité de bon niveau, ou qui vont prochainement s’améliorer avec la mise en service des nouvelles Lignes à Grande Vitesse. "Toutefois, le gouvernement souhaite permettre à tous les opérateurs ferroviaires de proposer, pour leur propre compte, de nouveaux schémas d’exploitation innovants, susceptibles de redonner de l’attractivité aux trains de nuit", a tempéré Alain Vidalies. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) sera donc lancé "prochainement", pour "évaluer toutes les propositions susceptibles d’être formulées sur ces autres lignes, y compris la prise en charge de l’exploitation par une autre collectivité". Le résultat de cet AMI et les décisions prises en conséquence seront aussi annoncés le 1er juillet prochain. "D’ici là, l’exploitation de ces lignes de nuit se poursuivra dans les conditions actuelles", a ajouté le secrétaire d'Etat.

Poursuite de la concertation avec les régions

Enfin, le préfet François Philizot poursuit sa concertation avec les régions, pour faire évoluer l’offre TET de jour, sur la base des préconisations de la commission Duron. "Une articulation optimale de chaque activité et de chaque mode de transport est recherchée avec les élus régionaux, afin d’exploiter au mieux les services existants, a souligné Alain Vidalies. Les discussions sont engagées avec toutes les régions, et sont plus particulièrement avancées avec plusieurs d’entre elles. Le gouvernement tient à examiner toutes les propositions d’évolution formulées. Des décisions seront prises au fur et à mesure d’éventuels accords avec les régions et au plus tard au 1er juillet 2016."
"Il n'est pas exclu que des lignes structurantes comme Paris-Caen-Cherbourg puissent être reprises par la région", a admis Alain Vidalies, au lendemain de sa rencontre avec le président de la Normandie, Hervé Morin. Ce dernier avait proposé dans une lettre à Manuel Valls que sa région, oubliée de la modernisation ferroviaire, puisse se substituer à l'Etat comme autorité organisatrice des trains Intercités, en échange de matériel neuf (lire ci-contre notre article du 19 février 2016). L'idée fait donc son chemin. "On s'est fixé avec Alain Vidalies que l'accord financier soit conclu avant le 31 mars", a précisé Hervé Morin le 18 février.

L'ARF plutôt satisfaite, sauf pour les trains de nuit

Dans un communiqué diffusé juste après les annonces d'Alain Vidalies, les régions "prennent acte d'une reprise partielle de leurs propositions". Le président de l'Association des régions de France (ARF), Philippe Richert, "salue les pistes avancées par l'Etat pour le renouvellement des TET privilégiant les propositions des régions". "Elles prévoient la réutilisation des contrats-cadres existants pour les TER, actuellement produits par Alstom et Bombardier, poursuit-il. Cela permet d'apporter des solutions performantes à moindre coût pour la collectivité publique, Etat et régions, notamment en mutualisant les coûts de développement, d'exploitation et de maintenance des trains."
Les régions "continuent toutefois de s’interroger sur l’introduction d’un nouveau matériel spécifique pour les lignes où les solutions industrielles proposées seraient jugées insatisfaisantes par l’Etat". Elles estiment que les industriels retenus dans les contrats cadres existants "disposent de la capacité d’innovation requise pour adapter à moindre coût leur produit pour qu’ils répondent aux exigences techniques et fonctionnelles des futurs matériels roulants des trains Intercités". Dans ce cadre, Philippe Richert a annoncé son souhait d’organiser des réunions de travail spécifiques entre l’Etat, les régions et les représentants d’Alstom et de Bombardier. "Ainsi, le lancement d’un nouvel appel d’offres coûteux pour les finances publiques et nécessitant un délai de développement de près de trois ans doit être limité aux seuls cas de figure pour lesquels aucune solution actuelle n’est envisageable", a réagi le président de l'ARF. Enfin, les régions "déplorent la décision de l’Etat qui sans aucune concertation a fait le choix de supprimer la majorité des trains de nuit au 1er juillet 2016". Selon elles, "les appels à manifestation d’intérêt proposés ne constituent pas une garantie suffisante pour la pérennité de ces services".