Jacqueline Eustache-Brinio : "Le lien maire-police municipale est quelque chose auquel on ne doit pas toucher"
Dans un rapport adopté à l'unanimité le 28 mai, la commission des lois du Sénat propose de renforcer les prérogatives judiciaires et administratives des policiers municipaux. Mais elle s'oppose fermement à la création d'un statut d'officier de police judiciaire. Pour la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, il est impératif de maintenir le lien entre le maire et sa police.

© Capture vidéo Sénat/ Jacqueline Eustache-Brinio
Au moment où le gouvernement parachève le "Beauvau des polices municipales" avec un projet de loi annoncé pour le mois de juin, la commission des lois du Sénat entre de plain-pied dans le débat. Elle a adopté à l’unanimité, mercredi 28 mai, le rapport de mission d’information installée au mois de janvier. "Cela montre que les problématiques de sécurité du quotidien ne font pas débat", s’est félicitée la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio (LR, Val-d’Oise), à l’issue de ce vote, rappelant que la dernière loi d’importance sur les polices municipales remontait à 1999 et qu’il fallait "s’adapter à la réalité", celle d’une montée de la violence sur l’ensemble du territoire. Si l’adoption de nouvelles prérogatives administratives judiciaires est essentiel pour répondre à cette réalité, de même que le besoin d’une meilleure coordination avec les forces de sécurité intérieure, "le lien maire-police municipale est quelque chose auquel on ne doit jamais toucher", a insisté la sénatrice, lors d’une conférence de presse. La police municipale doit rester "sous la responsabilité des maires", a-t-elle insisté, alors que la mission écarte fermement l’idée de conférer à des policiers municipaux le statut d’officier de police judiciaire (OPJ).
Nouvelles prérogatives judiciaires et administratives
Parmi 25 propositions, la mission propose donc une extension limitée des prérogatives des policiers municipaux afin de leur "permettre de mieux réprimer certaines infractions du quotidien particulièrement préjudiciables à la tranquillité publique". Il s’agirait en particulier de leur donner la possibilité de prononcer des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) que ce soit sur les stupéfiants, les squats de halls d’immeubles ou les ventes à la sauvette, vente de "tabac" ou "petits objets au pied de la tour Eiffel" pour lesquels les policiers municipaux doivent appeler un OPJ, laissant le temps aux auteurs de se dissiper dans la nature. "C’est juste du bon sens", a souligné la sénatrice, reconnaissant marcher "sur une ligne de crête". "Il va falloir trouver les outils pour écrire cela, à partir du moment où on ne veut pas de statut d’OPJ, il faut qu’on réfléchisse à la manière de leur donner un certain nombre d’outils."
Il s’agit aussi de leur donner l’accès à certains fichiers : voitures volées, permis de conduire, assurances… En revanche, "on a été très clair sur tous les fichiers qui sont plus secrets (…) nous n’y sommes pas favorables, chacun son métier", a insisté la rapporteure. La mission entend par ailleurs permettre aux policiers municipaux de procéder à des relevés d’identité ou à l’ouverture des coffres de voiture.
Renforcement de la formation
Cette montée en puissance des policiers municipaux doit avoir pour corollaire le renforcement du lien avec la police nationale et la gendarmerie. "Il est extrêmement important que cette espèce de continuum de sécurité soit décrit, soit écrit et soit accepté de tout le monde", souligne la sénatrice. La mission insiste sur le fait que le renforcement des polices municipales doit être complémentaire de "l’objectif posé par la loi d’orientation et de programmation pour le ministère de l’Intérieur (Lopmi), de doublement des effectifs des forces de l’ordre sur le terrain entre 2023 et 2030", et en aucun cas se substituer lui. Une inquiétude accentuée récemment par un rapport de la Cour des comptes demandent de revoir en urgence la carte des forces de police et de gendarmerie, en tenant compte de la présence des polices municipales (voir notre article du 13 janvier).
Ces nouvelles compétences vont nécessiter une mise à niveau des formations, notamment sur l’accès au fichier. Formations qui doivent être prises en charge par le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale). "Pour la commune cela n’impliquera pas de dépenses supplémentaires", assure la sénatrice, qui se montre également favorable à ce que les policiers municipaux puissent utiliser des grenades d’encerclement et donc être formés à cet effet. Si la création d’une école nationale de police n’est plus à l’ordre du jour au regard de l’amélioration des offres du CNFPT et des délais d’entrée en formation, la mission entend alléger les formations au maniement d’armes et les formations requises pour les policiers nationaux et les gendarmes qui intègrent une police municipale. Même s'il leur "faut s’approprier cette emprise locale" et ce lien particulier avec le maire. Pour améliorer la fluidité des carrières, la mission préconise aussi un fichier national des agréments de policiers municipaux qui, en cas de changement de commune, doivent aujourd’hui "repartir de zéro".
Prudence sur les rémunérations
Elle se montre en revanche prudente sur les évolutions de carrières au regard de la situation budgétaire. La priorité, selon Jacqueline Eustache-Brinio, est de s’assurer de la mise en œuvre d’un décret de janvier 2025 qui "valorise vraiment les rémunérations des policiers municipaux". Des rémunérations qui, selon elle, sont de 500 euros supérieures à la moyenne des salaires des autres agents territoriaux. "Voyons concrètement comment cela fonctionne pour ne pas s’engager tout de suite dans des dépenses supplémentaires pour les communes et l’État."
Ces têtes de chapitre correspondent peu ou prou à celles dévoilées par le ministre François-Noël Buffet pour son futur projet de loi (voir notre article du 21 mai). Un texte dont l'examen est prévu à l'automne au Parlement, avec les élections municipales en ligne de mire. Avec l'ex-président de la commission des lois au Sénat, la ligne ne devrait pas être difficile à trouver.