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La commission des affaires sociales de l'Assemblée rejette la proposition de loi pour expérimenter le revenu de base

Réunie le 23 janvier, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à instaurer un revenu de base (sur le contenu du texte, voir notre article ci-dessous du 29 novembre 2018). Celle-ci avait été initiée par 18 départements à majorité socialiste, menés par Jean-Luc Gleyze, le président du conseil départemental de la Gironde. Le dépôt de la proposition de loi couronnait deux années de concertation et de réflexion sur la mise en place, à titre expérimental, d'un revenu de base. Il y a quinze jours, les représentants des 18 départements étaient d'ailleurs venus défendre leur projet devant Christelle Dubos, la secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé (voir notre article ci-dessous du 15 janvier 2019).

"Un contexte particulier"

Devant la commission des affaires sociales, le rapporteur de la proposition de loi - Hervé Saulignac, député (socialiste) de l'Ardèche, l'un des départements porteurs du projet, et conseiller départemental - a fait valoir que la proposition de loi "s'inscrit dans un contexte particulier, celui de la crise sociale que notre pays traverse actuellement", tout en soulignant qu'elle "n'a pas été élaborée pour la circonstance [et] résulte d'un travail approfondi qui a débuté il y a plus de deux ans". Il a souligné notamment les "trois avancées majeures" du revenu de base : l'ouverture aux jeunes de 18 à 24 ans (à la différence du RSA dans l'essentiel des situations), l'automaticité du versement (pour éviter le non-recours) et l'inconditionnalité du revenu de base.

Le rapporteur s'est dit conscient "que l'inconditionnalité ne fait pas l'unanimité et qu'elle risque même de cristalliser nos débats", mais il voit "pourtant au moins trois grands arguments en sa faveur" : le fait que la très grande majorité des individus souhaite accéder à un emploi et le manque d'efficacité de l'actuelle suspension du RSA, la possibilité de créer une "relation nouvelle" entre l'allocataire et son référent (conseiller Pôle emploi notamment) et, enfin, l'opportunité "de valoriser d'autres formes d'engagement, qui peuvent parfois être un premier pas vers l'emploi", comme l'investissement bénévole dans des projets associatifs.

Le point dur de l'inconditionnalité

Sans surprise (voir notre article ci-dessous du 15 janvier 2019), la césure au sein de la commission s'est faite principalement sur cette question de l'inconditionnalité. Monique Iborra, députée (LaREM) de Haute-Garonne, a ainsi rappelé "que les vingt-deux autres départements actuellement à gauche ne soutiennent pas cette initiative" et que "le gouvernement de François Hollande a repoussé à trois reprises la mise en place d'un revenu universel, sous une forme ou sous une autre".

Le groupe LR s'est lui aussi prononcé contre la proposition de loi, de même que le Mouvement Démocrate et le groupe UDI, Agir et Indépendants. A l'inverse, le groupe Socialiste et apparentés s'est évidemment prononcé en faveur du texte, de même que la France insoumise - tout en précisant qu'elle "ne défend pas l'idée d'un revenu de base"- et la Gauche démocrate et républicaine (PC). Plusieurs groupes parlementaires ont profité de la discussion générale pour avancer leurs propres propositions, comme l'expérimentation d'une "prestation sociale unique automatique, qui aurait pu être dénommée 'revenu universel d'activité' (RUA)" pour le groupe LR (ce qui ressemble fortement à la piste retenue par l'exécutif), une expérimentation spécifique centrée sur les 18-25 ans pour le Modem, ou encore "une garantie de dignité inconditionnelle, dont le montant serait supérieur au seuil de pauvreté" pour La France insoumise.

En attendant le revenu universel d'activité...

A l'issue de la discussion par article, toutes les dispositions de la proposition de loi ont été écartées et le texte est donc considéré comme rejeté par la commission. Hervé Saulignac a "fait part de [sa] déception, même si je l'avais un peu prévue, sinon intériorisée [...]". Evoquant à son tour le revenu universel d'activité préparé par le gouvernement, il s'est dit persuadé que celui-ci ne sera ni ouvert aux jeunes, ni automatique, ni dégressif au regard des autres revenus perçus. La proposition de loi doit maintenant être discutée en séance publique le 31 janvier. Si l'issue ne fait désormais guère de doute, Agnès Buzyn ou Christelle Dubos pourraient en revanche être amenées à donner des précisions attendues sur le futur revenu universel d'activité.

 

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