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Social - La commission des lois du Sénat durcit le projet de loi sur l'asile

Après avoir tenté de retarder l'avancement du texte (voir notre article ci-contre du 27 avril 2015), la commission des lois du Sénat a finalement examiné le projet de loi relatif à la réforme de l'asile (pour le contenu du texte initial, voir notre article du 23 juillet 2014). Un examen tardif, puisqu'il intervient juste avant la discussion en séance publique, qui devait débuter ce 11 mai et se poursuivre le 18 mai. En sachant que le texte a déjà été adopté - et modifié - en première lecture par l'Assemblée nationale (voir notre article ci-contre du 16 décembre 2014).

Des délais dans la loi pour les procédures de l'Ofpra

Les sénateurs de la commission des lois ont adopté pas moins de 195 amendements, dont 175 à l'initiative du rapporteur. La plupart d'entre eux vont dans le sens d'une accélération des procédures, mais aussi d'un renforcement des mesures d'éloignement des demandeurs déboutés.
Sur l'encadrement des procédures, les sénateurs ont notamment voté un amendement instaurant, pour l'instruction des demandes par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) un délai de trois mois pour la procédure normale, de quinze jours pour la procédure accélérée, et de 96 heures lorsque le demandeur est placé en rétention (articles 7 et 9). Pour mémoire, la rédaction actuelle de l'article L.723-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne fixe pas de délai.
D'autres amendements sur les articles 2 et 3 lient la compétence de l'Ofpra dans la mise en oeuvre des clauses d'exclusion du statut de réfugié ou d'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire, dès lors que les conditions légales sont réunies. Il s'agit en l'occurrence des cas de personnes dont on a des raisons de penser qu'elles ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, un crime grave de droit commun ou des agissements contraires aux buts et principes des Nations unies. La commission des lois y a également ajouté le cas de figure où la présence en France de l'intéressé constituerait une menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.

Un abandon de l'hébergement vaut clôture de la demande

Dans le même esprit, des amendements prévoient une obligation de réexamen par l'Ofpra - tous les trois ans - des protections subsidiaires (article 3), la légalisation de l'usage de la vidéoconférence pour les entretiens des officiers de protection de l'Ofpra (article 7) ou encore une compétence liée de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) pour suspendre, retirer ou refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, dès lors que les circonstances légales sont remplies (article 15).
De même, la commission a rétabli une disposition qui figurait dans le texte initial mais avait été supprimée par l'Assemblée nationale, prévoyant que l'abandon de son hébergement par un demandeur d'asile vaut clôture de sa demande et, par conséquent, fin de son droit au maintien sur le territoire (article 7).
Côté insertion sociale, deux amendements sont à signaler. Le premier insère dans le Code de l'action sociale et des familles (Casf) un article consacré aux missions des centres provisoires d'hébergement qui, outre leur volet logement, assurent "l'accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des personnes qu'ils hébergent, en vue de leur insertion" (article 19 ter). Le second améliore la procédure de regroupement familial, en prévoyant que celle-ci peut débuter dès l'octroi de la protection internationale et non pas à compter de la délivrance du titre de séjour du réfugié, du bénéficiaire de la protection subsidiaire ou de l'apatride (articles 4 bis et 18).

Dispositions plus contraignantes pour les déboutés du droit d'asile

La commission des lois a également introduit dans le projet de loi des dispositions plus contraignantes pour les demandeurs qui se voient définitivement refuser l'asile. Ainsi, un amendement prévoit que la décision définitive de rejet prononcée par l'Ofpra, éventuellement après intervention de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), vaut obligation de quitter le territoire français (article 14). De même, un demandeur débouté ne peut pas solliciter un titre de séjour à un autre titre (article 14). Un amendement crée par ailleurs un article additionnel prévoyant que la personne déboutée du droit d'asile peut être assignée à résidence dans un centre dédié "où il peut lui être proposé une aide au retour" (article 14 bis).
Reprenant une jurisprudence du Conseil d'Etat, les sénateurs ont également adopté un amendement prévoyant que l'article L.345-2-2 du Casf - instaurant une obligation d'accueil en hébergement d'urgence - "n'est applicable à l'étranger dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et qui a fait l'objet d'une demande d'éloignement devenue définitive qu'en cas de circonstances particulières faisant apparaître, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, une situation de détresse suffisamment grave pour faire obstacle à son départ" (article 19 quater).
Enfin, la commission des lois du Sénat a décidé de retirer au juge administratif de droit commun le contentieux des décisions de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile prises sur avis conforme de l'Ofpra, pour le confier à la CNDA (article 8).

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : projet de loi relatif à la réforme de l'asile, adopté, en première lecture, par l'Assemblée nationale le 16 décembre 2014, examiné par le Sénat les 11 et 18 mai 2015.

 

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