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Social - Un nouveau rapport parlementaire sur l'asile, mais la réforme attend toujours

Le rapport des députés Jeanine Dubié et Arnaud Richard rappelle les chiffres sur la hausse de la demande d'asile, apporte des précisions intéressantes sur les coûts et sur le sort des déboutés... et formule des propositions devant, comme les contributions précédentes, nourrir la préparation d'un projet de loi qui n'a eu de cesse de s'éloigner.

Jeanine Dubié, députée (Parti radical) des Hautes-Pyrénées, et Arnaud Richard, député (UDI) des Yvelines, publient un rapport d'information consacré à l'évaluation de la politique d'accueil des demandeurs d'asile. Celui-ci est très loin d'être le premier du genre sur la question. Pour s'en tenir aux six derniers mois, un rapport conjoint de l'Igas, de l'IGF et de l'IGA (voir notre article ci-contre du 13 septembre 2013), le rapport de Valérie Létard et Jean-Louis Touraine sur la réforme du droit d'asile remis à Manuel Valls (voir notre article ci-contre du 2 décembre 2013) ainsi qu'un rapport d'information du Sénat consacré à l'allocation temporaire d'attente (voir notre article ci-contre du 5 novembre 2013) se sont déjà penchés sur le sujet.

Un afflux de demandeurs d'asile à relativiser

Pour sa part, le rapport de Jeanine Dubié et Arnaud Richard, rendu au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), rappelle à nouveau les chiffres - largement connus - de la hausse de la demande d'asile : 65.000 demandeurs en 2013 en France, soit 15% du nombre total en Europe. Il relativise toutefois le phénomène, en faisant remarquer que la France a déjà connu des chiffres plus élevés dans un passé récent et qu'elle n'est plus le pays d'Europe le plus concerné (voir notre article ci-contre du 25 mars 2013). Longtemps première destination des demandeurs, la France est aujourd'hui largement dépassée par l'Allemagne, qui compte désormais deux fois plus de demandeurs d'asile, tandis que d'autre pays, comme la Suède (54.000 demandeurs), assurent un effort beaucoup plus important au regard de leur population.
D'autres éléments évoqués par le rapport ont déjà fait l'objet de nombreuses analyses : le fait que les origines des demandeurs d'asile "ne reflètent pas la carte des conflits les plus récents", les procédures "qui échappent au contrôle des pouvoirs publics" avec des délais de traitement "beaucoup trop longs" et "un encadrement juridique européen de plus en plus contraignant", qui risque de "faire imploser totalement notre système de traitement de la demande d'asile".

Un coût de 666 millions d'euros pour la demande d'asile

Le rapport est plus original sur la question des coûts budgétaires. Si la sous-évaluation budgétaire systématique des crédits affectés aux demandeurs d'asile est déjà bien connue depuis plusieurs années (voir notre article ci-contre du 26 novembre 2013), les deux rapporteurs se livrent à un intéressant exercice de consolidation des coûts. Ils estiment ainsi que "l'on peut [...] estimer le coût total de l'asile en 2014 à un montant de 666 millions d'euros". Et encore ce chiffre ne prend-il pas en compte toutes les dépenses liées à la demande d'asile.
Autre sujet rarement abordé, dans la mesure où il ne fait pas officiellement partie de la politique de l'asile  : le sort des personnes déboutées de leur demande d'asile, ce que le rapport appelle "les zones d'ombre de l'après-demande d'asile". Il pointe ainsi le faible taux (17%) d'exécution des OQTF (obligation de quitter le territoire français). Ainsi, sur les 89.000 OQTF prononcées en 2013 (qui ne concernent pas seulement des demandeurs d'asile déboutés), seuls 15.200 éloignements ont été effectivement réalisés.
Face à ces différents constats, les propositions du rapport restent assez classiques : lieu d'accueil unique régional, amélioration des délais de traitement, renforcement de la capacité des centres d'accueil des demandeurs d'asile (Cada), rationalisation du recours à l'hébergement d'urgence, amélioration de la gestion de l'allocation temporaire d'attente (ATA), "professionnalisation" de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA)...

Pas de réforme avant 2015 ?

Si les propositions de réforme se multiplient à travers les nombreux rapports sur le sujet, la réforme, elle, se fait toujours attendre. Il est vrai que le sujet est politiquement très sensible, comme l'a rappelé l'affaire Leonarda.
Lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, Manuel Valls s'était prononcé en faveur d'une réforme du droit d'asile. Le rapport Létard-Touraine était précisément destiné à en esquisser le contenu (voir notre article ci-contre du 2 décembre 2013). Lors de la réception de ce rapport, le 28 novembre dernier, Manuel Valls avait d'ailleurs fixé cinq objectifs à cette réforme : réduire "très significativement" les délais d'instruction, améliorer l'accueil et l'accompagnement en offrant de nouvelles garanties, "piloter de manière plus directive" les hébergements des demandeurs d'asile, territorialiser les procédures en impliquant les élus et, enfin, éloigner les déboutés du droit d'asile. Il était alors envisagé de présenter le texte à la fin du moins d'avril 2014.
Cette hypothèse est aujourd'hui écartée, même si un projet de loi est bien en cours de rédaction. En tout état de cause, il ne devrait pas être présenté avant les élections européennes du 25 mai. Le sujet a en effet une forte connotation européenne et risque de peser sur une élection que la majorité aborde en mauvaise posture. Mais, sauf session extraordinaire cet été, une présentation du projet de loi en juin rend peu probable une adoption avant le premier semestre 2015, compte tenu de l'encombrement traditionnel du dernier trimestre parlementaire (PLF et PLFSS), probablement aggravé cette année par les textes de mise en oeuvre du pacte de solidarité.

 

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