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Surendettement - La commission spéciale du Sénat crée un fichier positif et donne une définition juridique au microcrédit

La commission spéciale (rassemblant plusieurs commissions) mise en place par le Sénat a remis son rapport sur le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (voir nos articles ci-contre). Ce dernier, présenté au Conseil des ministres du 22 avril dernier, regroupe un ensemble de mesures destinées à "garantir une commercialisation responsable du crédit à la consommation et une meilleure prévention du surendettement". La ministre de l'Economie s'est toutefois efforcée de trouver un équilibre entre la nécessité du crédit à la consommation et la lutte contre le surendettement. Mais, bien qu'ayant auditionné Christine Lagarde à deux reprises, la commission spéciale du Sénat a vu les choses autrement et a très nettement tiré le texte du côté de la défense des emprunteurs. Il est vrai que le sujet est particulièrement sensible au Parlement. En plus du texte du gouvernement, la commission a en effet examiné cinq propositions de loi sur le même sujet, déposées entre 2008 et 2009 et dont l'une est signée de Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat et... président de la commission spéciale.
La commission a ainsi adopté le principe d'une réforme du taux de l'usure (20,9% actuellement), ce qui vise essentiellement les crédits "revolving", très décriés en matière de surendettement et qui en sont les principaux utilisateurs. Elle a également prévu de fixer les plafonds des taux de crédit à la consommation selon leur montant (sur la base d'un certain nombre de tranches) et non plus - comme aujourd'hui - selon le type de prêt. Malgré les fortes réserves du gouvernement, la commission a surtout adopté le principe de création d'un fichier positif des emprunteurs, recensant l'ensemble des crédits souscrits par des particuliers. Avant d'accorder un prêt, un organisme financier pourrait ainsi s'assurer du niveau d'endettement réel - et non pas déclaratif comme aujourd'hui - de l'emprunteur. En contrepartie, sa responsabilité serait établie s'il lui accordait un crédit malgré un taux d'endettement important. Ce fichier, intitulé "centrale des crédits aux particuliers", remplacerait l'actuel fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), fichier négatif qui ne recense que les "accidents" de crédit. Compte tenu de la complexité d'un tel fichier - et des problèmes déontologiques qu'il pose -, le texte adopté par la commission prévoit que ce fichier ne pourra voir le jour qu'à l'issue des travaux d'une commission réunissant des représentants de l'Etat, du Parlement, des organismes prêteurs et des associations de consommateurs. Cette commission ne remettrait pas ses conclusions avant la fin de 2012.
Plus inattendu, la commission spéciale a introduit un amendement donnant pour la première fois un cadre légal au microcrédit.  Dans son rapport fait au nom de la commission, Philippe Dominati, rappelle que la loi Borloo de 2005, a instauré "un mécanisme de garantie publique des prêts octroyés par les banques, les établissements de crédit et les réseaux associatifs nationaux partenaires", à travers le Fonds de cohésion sociale (FCS), géré par la Caisse des Dépôts et doté par l'Etat, pour la période 2005-2009, de 73 millions d'euros, sachant que "les collectivités territoriales qui le souhaitent peuvent également financer ce fonds". Or, poursuit le sénateur de Paris, "il apparaît que ce dispositif s'est peu développé" : "Selon la Caisse des Dépôts, 6.000 microcrédits personnels garantis ont été octroyés au 31 décembre 2008, pour un montant total d'environ 13,6 millions d'euros, soit un montant moyen par prêt de 2.280 euros". Le "manque d'élan du dispositif" serait lié, d'une part, à "la faible rentabilité des prêts octroyés" - conduisant de nombreux établissements de crédit à ne pas solliciter l'agrément leur permettant de bénéficier de la garantie du fonds - et, d'autre part, à "l'absence de définition juridique du microcrédit personnel". D'où l'amendement proposant de modifier l'article 80 de la loi de cohésion sociale afin d'y introduire une nouvelle définition. Le nouvel article 18 bis du projet de loi réaffirme ainsi que le FCS est chargé de "garantir des prêts à des fins sociales", "dans une perspective d'accès, de maintien ou de retour à un emploi". Ces prêts sont plus précisément destinés "à participer au financement des projets d'insertion accordés à des personnes physiques confrontées à des difficultés de financement, dont les capacités de remboursement de ces prêts sont jugées suffisantes par les prêteurs et qui bénéficient d'un accompagnement social". Le texte indique également que le financement de l'accompagnement des bénéficiaires peut être pris en charge par le FCS et que des prêts peuvent par ailleurs être accordés à "des entreprises durant les cinq premières années suivant leur création ou leur reprise et n'employant pas plus de trois salariés".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (examiné en première lecture au Sénat du 16 au 18 juin 2009).