La filière Télécom entre gestion des urgences et recherche d’horizons à long terme

L'université THD s’est tenue du 5 au 6 octobre 2022 à Toulouse. Au programme, des sujets d’avenir comme les territoires connectés ou la 5G industrielle. Mais les débats ont une fois de plus été accaparés par les urgences, qualité de la fibre mais aussi l’inflation qui pourrait obérer les ambitions de long terme.

Si l’objectif de ce colloque était de débattre des enjeux de long terme, la filière Télécom était une fois de plus attendue sur des dossiers chauds, à commencer par la qualité de la fibre. D’emblée, le président d’InfraNum, Philippe Le Grand a préféré déminer en déclarant "nous avons conscience du problème et allons le régler". Mais sur un dossier qui a déjà plus de trois ans et lui occasionne de nombreux courriers d’élus mécontents, Jean-Noël Barrot, ministre délégué aux télécommunications s’est contenté de rappeler le calendrier négocié au cours de l’été avec la filière. Ainsi, les opérateurs d’infrastructure ont jusqu’au 20 octobre 2022 pour mettre en œuvre un plan de reprise des points de raccordements identifiés comme défectueux par l’Arcep. Ce point fait partie des quatre engagements pris par la filière avec la labellisation des intervenants, les comptes rendus d’intervention et le contrôle des plannings d’intervention. "Des engagements bienvenus mais qu’il faut opérer très rapidement. Leur suivi doit être trimestriel et associer les élus", a-t-il ajouté.

Juste rémunération des sous-traitants

"Il ne faut pas simplement le dire, il faut le faire et surtout ne pas minimiser la tâche", a laconiquement commenté Patrick Chaize président de l'Avicca dont la proposition de loi entend transformer les promesses des industriels en obligations soumises à de potentielles sanctions. Et de pointer que le pire pour l’avenir serait que "le bon conseil devienne de rester à l’ADSL" au moment même où l’on souhaite arrêter le réseau cuivre. Les problèmes sont par ailleurs encore loin d’être tous réglés par le plan d’InfraNum, à commencer par celui de la juste rémunération des sous-traitants. Pour le ministre délégué aux télécommunications, "le sujet n'est pas sans lien avec celui de la qualité", annonçant un groupe de travail pour plancher sur la répartition de la valeur au sein de la filière. Il devrait rendre ses conclusions d’ici la fin de l’année 2022.

L'inflation pèse sur la filière

Les discussions s’annoncent d’ores et déjà tendues car le monde des télécoms doit désormais compter avec l’inflation, "un véritable péril industriel" pour le président d’InfraNum. Le mètre de câble optique a ainsi augmenté de 15% du fait de la flambée du prix de l’électricité, l’inflation pesant sur les matières premières, les travaux comme les salaires et la sous-traitance. Si ces augmentations font boule de neige, c’est l’équation économique du secteur qui pourrait être menacée, sauf à ce que le consommateur paie l’addition finale. A court terme, InfraNum demande une aide pour "passer l’hiver, voire le printemps". De son côté, l’Arcep a annoncé saisir le médiateur des entreprises sur des questions qui dépendent avant tout de relations contractuelles. A moyen terme, InfraNum apporte un soutien appuyé au projet de la Commission européenne de taxer les principaux consommateurs de bande passante tels que Netflix, Instagram ou YouTube, pour l’usage de réseaux qu’ils n’ont pas contribué à financer.

Le cuivre, chantier titanesque

Concernant le cuivre, le premier lot de communes concernées, sur les deux programmés en 2023, devrait être connu "dans les prochaines semaines", a annoncé la PDG d’Orange, Christel Heydemann (voir encadré).  Un chantier que la dirigeante qualifie de "titanesque" autant que "collectif", mais sur lequel il reste encore à définir la place exacte des collectivités. L'Avicca, une fois de plus, demande des "actes et des données" pour que les collectivités puissent anticiper, suivre le chantier et ne pas supporter seules la communication d’un chantier qui n’est pas le leur (Localtis reviendra sur le sujet). L'association attend par ailleurs toujours des précisions sur le critère de complétude rendant éligible une commune au décommissionnement du cuivre. "Il est hors de question d’accepter un taux de 90% de locaux raccordables comme on l’entend chez certains opérateurs", précise Ariel Turpin, délégué de l’association. En outre, ce taux n’a "aucun sens dans une commune rurale avec quelques dizaines de locaux", ajoute-t-il.

Un plan ou des plans ?

La question des raccordements et du cuivre ne doit cependant pas empêcher la filière de se projeter dans l’avenir. Philippe Le Grand a demandé à l’Etat de "donner de la visibilité aux acteurs de la filière", notamment en mettant en œuvre un plan national de développement des territoires connectés. Jean-Noël Barrot n’a pas saisi la perche, se contentant de rappeler les deux appels à projets en cours sur les territoires durables et connectés et l’objectif de réplicabilité des solutions cofinancées par l'Etat. Le président de l’Avicca insiste pour sa part sur "l’urgence de la création d’un fonds basé sur la solidarité financière" aidant à l’exploitation de réseaux fibre "en début de vie". Patrick Chaize a aussi plaidé pour un plan qui intègre infrastructures, inclusion, développement d’usages vertueux pour l’environnement et cybersécurité. Antoine Darodes, directeur du département investissements transition numérique à la Banque des Territoires a de son côté souligné les convergences possibles entre plusieurs sujets aujourd’hui traités séparément : gestion des raccordements longs, dépose du cuivre, résilience des infrastructures électriques et Télécom, déploiement de la 5G et territoires connectés… "Quels moyens veut-on mettre pour remplir ces engagements ? Tout cela va coûter cher et il y a des choix collectifs à effectuer qui mériteraient un plan global", a souligné celui qui a été l'un des principaux artisans du plan France très haut débit dans ses fonctions antérieures.

Dépose du cuivre : 163 communes sélectionnées

Orange a sélectionné un lot de 163 communes (liste non encore publiée) pour tester l’industrialisation du décommissionnement du cuivre. 181 communes avaient été identifiées mais l’opérateur a tenu compte de l’avis des opérateurs présents, des RIP et des maires. Deux maires ont ainsi refusé alors que leur soutien à la démarche paraît essentiel… Quels ont été les critères de sélection des communes ? Orange reste peu précis sur le sujet même si la complétude des déploiements et le niveau d’abonnement arrivent en tête. Il apparaît également que l’opérateur sélectionne des communes ayant des équipements cuivre en bon état… car les matériels faisant fonctionner le RTC – qui ne s’arrêtera qu’en 2030 – n’est plus fabriqué. Or l’opérateur s’est engagé auprès de l’Arcep a ce que le cuivre fonctionne jusqu’au bout là où il n’y a pas de fibre.