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Politique de la ville - La réforme de la géographie prioritaire ne peut se passer de la réforme de la péréquation

"Quand allez-vous mettre en route la grande réforme de la péréquation ?" François Pupponi, député-maire de Sarcelles (SRC), a formulé très clairement ce que d'autres députés avançaient à demi-mots à l'Assemblée nationale, ce 19 mai, lors d'un débat public sur la politique de la ville en présence de la secrétaire d'Etat à la Politique de la ville, Fadela Amara. La réforme de la géographie prioritaire, annoncée par le gouvernement il y a quelques mois et dont les mesures devraient permettre "de mieux cibler les actions en direction des zones urbaines sensibles (ZUS)", inquiète les élus, "tant ses conséquences peuvent être lourdes" pour certains territoires. L'ensemble des députés présents s'accordent pourtant à dire que cette géographie doit être refondée. Et prédisent l'inutilité de cette réforme en l'absence d'une véritable justice des finances locales en faveur des communes concernées. Un propos entendu et soutenu par la secrétaire d'Etat : "La définition d'une géographie plus pertinente ne prendra pleinement son sens que sur la base d’une péréquation plus efficace", a-t-elle convenu.
Les députés de tout bords politiques soulignent d'une même voix le taux de chômage croissant des quartiers appartenant aux ZUS, critiquent l'assouplissement de la carte scolaire et les mesures emploi du plan banlieues (l'échec retentissant des contrats d'autonomie...), souhaitent le retour au droit commun dans les quartiers... Mais disent leur reconnaissance aux élus locaux et associations, qui ont su conserver une sincère motivation dans le marasme ambiant. Pour sa part, Fadela Amara a rappelé le rôle de l'Etat et précisé son engagement à réduire les inégalités. Et de citer, entre autres, la DDU, la dotation de développement urbain créée par la loi de finances pour 2009 au profit des communes percevant la dotation de solidarité urbaine (DSU) qui se retrouvent par ailleurs confrontées à des charges particulièrement lourdes au regard de la politique de la ville. "Pour l'année 2009, 50 millions d'euros ont ainsi été alloués pour que les collectivités bénéficiaires puissent améliorer la qualité des équipements publics et l'offre de services rendus aux habitants", a-t-elle précisé.
La secrétaire d'Etat a repris à son compte les voix qui dans l'hémicycle ont appelé à une solidarité locale, en précisant que celle-ci "ne peut exister qu'à travers une péréquation horizontale, laquelle permettra un transfert entre les collectivités territoriales". Car le problème est aussi là. Certes, l'actuelle répartition de certaines dotations qui,  selon François Pupponi  organise des inégalités connues par "le Comité des finances locales et les grands élus", occupe les esprits. Mais il en va également de la solidarité locale. Et Francis Goulard (UMP) de demander des explications sur la situation de villes comme Paris, "cette collectivité riche qui a à ses portes les communes les plus pauvres de France". François Asensi, député GDR, a quant à lui dénoncé ces communes (comme Boulogne-Billancourt) qui bénéficient des crédits de la politique de la ville alors qu'elles ne respectent pas la loi SRU, appelant la secrétaire d'Etat "à sanctionner ces villes hors-la-loi !". Pour le député Daniel Golberd (SRC), une conception s'est développée ces dernières années, "c'est celle des collectivités locales qui deviennent des collectivités low cost". Tous s'accordent à dire qu'il faut donner plus à ceux qui ont le moins - la secrétaire d'Etat en tête - mais demandent une vraie équité basée sur des critères incontestables tels que listés par Francis Vercamer (NC) : "taux de chômage, nombre de bénéficiaires des minima sociaux, d'élèves en échec scolaire, de jeunes déscolarisés, de parents isolés, de logements sociaux, mais il faudra aussi tenir compte de la capacité financière des communes à faire face à ces défis".
Seul le plan de renouvellement urbain (PNRU) soutenu par l'Anru (Agence nationale de renouvellement urbain) fait l'unanimité dans les rangs. La rénovation des quartiers dégradés, les travaux entrepris, la volonté d'améliorer le cadre de vie... toutes ces données ont été rappelées et applaudies. Et chacun d'appeler à la création d'un Anru 2 sans lequel tout ceci n'aurait servi à rien.
Du côté de la dynamique Espoirs Banlieues, bien qu'ayant pu entendre de fortes critiques liées à ses grandes lignes (internats d'excellence, contrat d'autonomie...), la secrétaire d'Etat affirme "qu'après deux ans de mise en œuvre, nous avons fait plus qu'il n'a jamais été fait pour ces quartiers...". Concluant le débat sur un appel au dépassement des clivages politiques pour réussir les réformes en cours, Fadela Amara aurait pu réaliser que le dépassement nécessaire se situait ailleurs. Car si une chose a pu transpirer de ce débat, c'est bien que les députés ont parlé d'une même voix, sans couleur politique, réclamant unanimement la garantie du soutien du gouvernement dans cette réforme géographique à la fois attendue et redoutée.

 

Sandrine Toussaint