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La stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 va – enfin – prendre corps

Par circulaire signée la veille du réveillon de Noël, le Premier ministre demande aux préfets de veiller à la mise en œuvre opérationnelle de la tant attendue stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 et d'en assurer une large diffusion. Une fois encore, les élus locaux sont particulièrement sollicités.

"La sécurité est l'une des premières priorités du gouvernement", affirme le Premier ministre Jean Castex dès la première ligne de la circulaire relative à la "mise en œuvre opérationnelle de la stratégie nationale de prévention de la délinquance (SNPD) 2020-2024", qu'il a signée le 23 décembre à l'attention des préfets. Et l'objet de cette SNPD est de "prendre le mal à la racine", précise-t-il.

À suivre les péripéties de cette dernière – sans parler d'un comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) souvent sans tête –, les choses ne sont toutefois guère évidentes. Attendue depuis plus de trois ans, la SNPD avait été subrepticement dévoilée fin janvier 2020 par Frédéric Rose, alors tout nouveau secrétaire général du CIPDR (qu'il a quitté neuf mois après pour diriger le cabinet de Marlène Schiappa), lors d'une audition à l'Assemblée nationale, avant d'être présentée – et immédiatement retirée – le 9 mars 2020 sur le site du CIPDR. Fin août, la nouvelle ministre déléguée chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, annonçait qu'elle serait officiellement adoptée le 9 septembre 2020, en précisant qu'elle avait subi quelques retouches "avec le gouvernement de Jean Castex". Pourtant, c'est bien le même document – dont l'ancien Premier ministre Édouard Philippe signe l'éditorial – qui figure de nouveau sur le site du CIPDR.

Bref, on aura peu ou prou perdu encore un an, puisque ce n'est qu'à compter de cette année que les préfets mettront finalement en œuvre cette mal-nommée stratégie 2020-2024… On relèvera que les représentants de l'État dans les départements sont eux clairement invités à accélérer le tempo, puisque cette circulaire signée la veille du réveillon de Noël leur demandait de réunir dans la semaine ("d'ici la fin de l'année 2020") l'ensemble des partenaires du conseil départemental de prévention de la délinquance et de la radicalisation et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes. Le lièvre relayant la tortue, en somme.

Adaptation aux réalités locales, sollicitation des maires, poussés au recrutement

Via cette circulaire, les préfets sont dans un premier temps invités à mettre en musique la SNPD, dans une orchestration locale. La stratégie laissant "une large place à l'initiative locale et au droit à l'expérimentation" – rappelons qu'aux termes de la loi n° 2007-297, le "maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en œuvre" –, ils doivent, à partir du diagnostic de la délinquance dans leur département, définir "avec l'ensemble des parties prenantes", parmi les 40 mesures proposées par la SNPD "celles qui sont les mieux à même de répondre aux enjeux du département". La réunion du conseil départemental de prévention de la délinquance de décembre devait d'ailleurs être l'occasion de décliner les orientations de la SNPD dans les plans départementaux de prévention de la délinquance, dans la "forme la plus souple et opérationnelle possible".

Les préfets sont également tenus de "mobiliser les instances locales de pilotage" de cette politique, "en particulier les conseils locaux, intercommunaux ou métropolitains de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD, CISPD, SMSPD)". Et de veiller, conformément à la loi, à ce qu'un CLSPD soit bien constitué dans les communes de plus de 10.000 habitants et dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville (ou un CISPD lorsqu'un EPCI à fiscalité propre exerce la compétence).

Ils doivent également "encourager" les maires et présidents d'intercommunalités "à recruter et former un coordonnateur CLSPD/CISPD/CMSPD, qui a vocation à devenir l'interlocuteur de proximité des services de l'État et de l'autorité judiciaire". Et aussi rappeler aux élus locaux qu'ils peuvent "renforcer encore la dimension opérationnelle" de ces instances "en constituant en leur sein un ou plusieurs groupes de travail à vocation territoriale ou thématique, qui permettent l'échange d'informations à caractère confidentiel".

Mégaphone et mallette de VRP

Dans un second temps, les préfets sont appelés, en associant l'autorité judiciaire, à assurer une "large diffusion" des orientations arrêtées auprès : des services de police et des forces de gendarmerie (la SNPD s'inscrivant dans la politique de sécurité intérieure "et ne saurait être mise en œuvre indépendamment des autres politiques qui y concourent, en particulier en matière de police de sécurité du quotidien et de reconquête républicaine"), du président du conseil départemental et du directeur académique des services de l'éducation nationale, de l'ensemble des maires et présidents d'intercommunalités mais aussi du tissu associatif et, plus largement, du grand public.

Ils devront en outre "valoriser les actions et dispositifs mis en œuvre […] ainsi que les financements du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) dont ils bénéficient, par une présence visible du corps préfectoral sur le terrain".

Référence : circulaire n° 6238-SG du 23 décembre 2020 relative à la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024.