Electricité, gaz, chaleur - La tarification progressive, "première pierre" de la transition énergétique
"Je ferai adopter une nouvelle tarification progressive de l'eau, de l'électricité et du gaz afin de garantir l'accès de tous à ces biens essentiels et d'inciter à une consommation responsable. Elle permettra de faire sortir de la précarité énergétique 8 millions de Français." Cet engagement du projet présidentiel de François Hollande, François Brottes, député PS de l'Isère et président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, entend contribuer à le mettre en œuvre à travers sa proposition de loi déposée ce mercredi 5 septembre. Présenté par son auteur comme une "révolution" écologique et sociale, ce texte, qui sera examiné en commission les 18 et 19 septembre et en séance le 26 septembre, constitue "la première pierre de notre démarche de transition énergétique", a assuré François Brottes. "Il engage la transition énergétique par la réduction de l'énergie consommée par les ménages, en les incitant à la sobriété énergétique et à améliorer l'isolation des logements, et répond à la hausse prévisible des prix de l'énergie et la répartit plus équitablement", a mis en avant le député.
80% des logements concernés
Concrètement, la proposition de loi crée un dispositif "unique au monde" de tarification progressive en fonction des niveaux de consommation d'énergie des logements. Applicable uniquement, dans un premier temps, à l'énergie en réseau (électricité, gaz, chaleur) desservant les résidences principales des particuliers (soit 80% des logements), le tarif progressif consistera à facturer la consommation selon trois paliers et ce, quels que soient le fournisseur et le type d'offre souscrite, en appliquant un système de bonus-malus. Le forfait de base, qui sera personnalisé selon trois critères demandés via la déclaration d'impôt (zone climatique, nombre de personnes occupant le logement et mode de chauffage) permettra de bénéficier d'un tarif de 3 à 10% moins cher que les tarifs actuels, selon François Brottes. Un premier malus serait appliqué pour le deuxième palier correspondant aux consommations "de confort" et un deuxième malus plus élevé pour le troisième palier correspondant à des "consommations de gaspillage". Le malus pourrait ainsi représenter quelques dizaines d'euros, a indiqué le député.
Le niveau des bonus et malus sera arrêté chaque année par le ministre chargé de l'Energie et pourra évoluer. Les fournisseurs d'énergie seront tenus de les appliquer et de les inscrire sur les factures de leurs clients. Les ménages auxquels seront appliqués des malus importants, supposés "sur-consommateurs", seront mis en relation avec un réseau local d'aide aux travaux d'efficacité énergétique selon des modalités qui seront précisées lors du prochain débat sur la transition énergétique, a indiqué François Brottes. Les locataires occupant des logements énergivores pourront quant à eux déduire une partie du malus de leur loyer afin d'inciter les propriétaires à faire des travaux.
Le texte prévoit une extension du dispositif au tertiaire (commerces et bureaux), ainsi qu'aux énergies hors réseau (fioul, propane, bois de chauffage…), ce que réclament des associations de consommateurs comme la CLCV qui considère qu'il y a là "une certaine inégalité" à réparer pour les familles dont le système de chauffage dépend de ces énergies. La discussion au Parlement sera aussi l'occasion d'ouvrir le débat sur la tarification progressive de l'eau qui a déjà été mise en œuvre par certaines collectivités.
Plus de bénéficiaires des tarifs sociaux
Le système de tarification progressive de l'énergie ne pourra pas entrer en vigueur avant fin 2013-début 2014 car il faudra d'abord que le fisc ait collecté les données nécessaires. Pour lutter contre la précarité énergétique, la proposition de loi de François Brottes prévoit donc des mesures applicables dès la promulgation du texte. La première consiste à faire passer le nombre des bénéficiaires des tarifs sociaux de l'énergie de 600.000 aujourd'hui à 4 millions de ménages et la seconde à généraliser l'interdiction de couper l'électricité, le gaz et la fourniture de chaleur pendant les mois d'hiver. D'autres dispositions complémentaires sont prévues en direction des consommateurs : l'élargissement du champ de compétences du médiateur de l'énergie aux artisans et commerçants, l'intégration de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) dans le nouveau dispositif de tarification "afin que la personnalisation de la tarification respecte les libertés individuelles", la réintégration d'un représentant des consommateurs dans le collège de la Commission de régulation de l'électricité. De plus, a insisté François Brottes, le texte va exiger des gestionnaires de réseau de donner la priorité à "l'effacement" de gros consommateurs comme les entreprises en période de pointe et non de déclencher des productions supplémentaires d'électricité car, selon lui, "il y a une complicité des acteurs du marché sur le dos des consommateurs pour faire monter le prix de l'électricité" et "il faut absolument inverser la tendance".