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L'Assemblée adopte le projet de loi pouvoir d'achat

Le projet de loi "pouvoir d'achat" péniblement adopté ce vendredi 22 juillet à l'aube à l'Assemblée comprend notamment, sur son volet social, une revalorisation des allocations familiales et des minima sociaux et des dispositions relatives aux loyers. Sur son volet énergie, on retiendra surtout de vifs débats autour des dérogations au droit de l'environnement pour assurer la mise en service d'un terminal méthanier flottant au Havre en septembre 2023 et des dispositions permettant le redémarrage l'hiver prochain de la centrale à charbon de Saint-Avold. Restait aux députés à s'emparer du projet loi de finances rectificative.

Après quatre jours de discussions et au bout d'une nuit entière de débats houleux, les députés ont adopté en première lecture ce vendredi 22 juillet le projet de loi "d'urgence" pour le pouvoir d'achat, un texte protéiforme destiné à atténuer les effets de l'inflation et de la crise énergétique. Le premier grand texte de la législature a été validé peu avant 6 heures du matin par 341 voix pour, 116 contre et 21 abstentions. Les socialistes se sont majoritairement abstenus, contrairement au reste de la gauche qui s'est prononcée contre.

Les hostilités pourraient reprendre rapidement puisque les députés ont commencé ce vendredi à 15 heures à examiner le projet de loi de finances rectificative qui complète ces mesures et comprend entre autres la poursuite de la remise carburant et du bouclier tarifaire sur l'énergie, la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires et encore la suppression de la redevance audiovisuelle. Les échanges devaient se poursuivre jusqu'à samedi soir voire dimanche, près d'un millier d'amendements ayant été déposés.

Dans le projet de loi "d'urgence" pour le pouvoir d'achat ont déjà été validées les revalorisations des pensions et prestations sociales, la hausse du plafond de la "prime Macron" ou encore la déconjugalisation de l'allocation adultes handicapés (AAH).

Le texte adopté est organisé en cinq titres : "Protection du niveau de vie des Français", qui comprend les chapitres "Valorisation du travail et partage de la valeur" (quatre articles), "Revalorisation anticipée de prestations sociales" (cinq articles dont trois nouveaux) ; "Protection du consommateur" avec les chapitres "Résiliation de contrats" et "Lutte contre les pratiques commerciales illicites" ; le chapitre "Souveraineté énergétique" avec les "Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en gaz" et les "Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en électricité" ; enfin, les titres relatifs au transport routier de marchandises et au carburant.

Les quelques amendements des oppositions ayant reçu le soutien du gouvernement venaient en grande majorité des bancs de LR. Au total, pas plus de 74 amendements ont été adoptés, qu'il s'agisse d'amendements rédactionnels ou d'amendements créant de nouveaux articles.

  • Revalorisation des prestations sociales

Les députés ont voté mercredi soir la revalorisation de 4% des retraites et des prestations sociales. Une revalorisation qui prendra effet dès le 1er juillet 2022, de façon rétroactive, sans attendre la date de revalorisation automatique annuelle. Dans le détail, sont notamment concernées par cette mesure les pensions de retraite et d'invalidité des régimes de base, déjà revalorisées automatiquement de 1,1% en janvier. Egalement bénéficiaires de cette mesure, les allocations familiales et minima sociaux - le revenu de solidarité active (RSA), l'AAH, l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et les bourses sur critères sociaux pour les étudiants. Certaines de ces prestations sociales avaient déjà augmenté de 1,8% en avril. Les groupes de l'alliance de gauche Nupes se sont largement abstenus, sur les revalorisations, qui selon le député LFI Adrien Quatennens "entérinent des baisses de pouvoir d'achat" car "en dessous de l'inflation".

Dans un rare moment de concorde, c'est en revanche à la quasi-unanimité que les députés ont adopté la déconjugalisation de l'AAH – autrement dit le fait de ne plus tenir compte des revenus du conjoint pour le calcul de cette allocation, une mesure réclamée de longue date par les associations mais à laquelle l'exécutif s'était opposé lors de la dernière législature (article 5 bis). Destinée à compenser l'incapacité de travailler, d'un montant maximal de 904 euros mensuels, l'AAH est versée sur critères médicaux et sociaux. Elle compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270.000 en couple.

Enfin, un amendement adopté concerne les élus locaux et, plus précisément, la situation spécifique des élus locaux dans l’éligibilité aux revalorisations de pension agricole : il s'agit de garantir aux élus locaux l’accès aux minima de pension et aux majorations de réversion du régime général et du régime des non-salariés agricoles, de base et complémentaire. Une mesure qui était demandée par l'Association des maires de France et l'Association des maires ruraux.

  • Logement

L'Assemblée a approuvé jeudi le plafonnement de la hausse des loyers  pendant un an ainsi qu'une revalorisation de 3,5% des aides personnalisées au logement, après des échanges musclés entre la majorité et la gauche, qui réclamait un blocage pur et simple des loyers. Il est ainsi prévu un "bouclier loyer" avec un plafonnement de la variation de l'indice de référence des loyers (IRL) à 3,5% de juillet 2022 à juin 2023, afin de limiter l'impact de la forte inflation sur les hausses de loyers et de rendre prévisibles les dépenses que les ménages consacrent à leur logement.
En outre, les APL versées à compter du 1er juillet 2022 seront révisées par anticipation, plutôt que le 1er octobre, comme le prévoit le droit en vigueur.

Via un amendement de Charles de Courson (groupe LIOT) soutenu par la majorité, l'Assemblée nationale a voté un "bouclier loyer" renforcé pour l'outre-mer, afin d'y limiter les hausses de loyers à 2,5% maximum. En Corse, l'augmentation pourra être restreinte à 1,5%.

En outre, les députés d'opposition sont parvenus en se coalisant à faire passer un autre amendement de Charles de Courson, offrant au représentant de l'Etat la possibilité de limiter la possible hausse des loyers en zone de revitalisation rurale (ZRR) à 1,5% : "dans ces zones, où les tensions sur les logements sont très faibles, voire inexistantes, et où la hausse des loyers et des charges est moins élevée que sur le reste du territoire, un plafonnement de la revalorisation des loyers à 1,5% serait légitime. D'autant que dans ces zones, le revenu fiscal par unité de consommation médian est faible", a-t-il été argumenté.

Enfin, un nouvel article concerne l'encadrement des loyers et, plus précisément, les compléments de loyers. Il vient modifier la loi Elan en prévoyant que "aucun complément de loyer ne peut être appliqué" lorsque le logement est "privé de confort" (sanitaires sur le palier, humidité, infiltrations, installation électrique dégradée…).

  • Energie

Le volet énergétique du projet de loi (lire la présentation des mesures dans l'encadré de notre article du 18 juillet 2022) a, lui, essuyé de très sévères critiques de part et d'autre de l'hémicycle. Les députés de gauche de la Nupes ont fait bloc contre plusieurs dispositions du texte facilitant le recours aux énergies fossiles pour parer à de possibles coupures de gaz ou d'électricité du fait de ruptures d'approvisionnement liées à la guerre en Ukraine. Dans leur collimateur : l'instauration de dérogations au droit de l'environnement afin d'accélérer la mise en service en septembre 2023 d'un terminal méthanier flottant au Havre à même d'acheminer du gaz en provenance d'autres pays que la Russie.

Les députés de gauche y voient un moyen masqué d'importer des Etats-Unis du gaz de schiste, dont l'extraction est interdite en France en 2017 en raison des dégâts environnementaux qu'elle provoque. Une telle décision est "suicidaire", a tonné l'écologiste Delphine Batho. "Si la décision c'est de remplacer le gaz de Poutine par du gaz de schiste américain, c'est une pure folie". La stratégie du gouvernement est "d'aller dans le mur", a renchéri l'insoumise Clémentine Autain. De l'autre côté de l'hémicycle, le RN s'en est pris aux "ayatollahs" Verts et à l'exécutif, tenu responsable des sanctions imposées contre la Russie pour son invasion de l'Ukraine. "Ce sont vos sanctions internationales qui ont fait exploser le prix de tous les consommables en France", affirmé le député RN Thibaut François.

L'exécutif a tenté de se défendre. "On parle de remplacer une énergie fossile par une autre énergie fossile. Pas d'émettre plus de CO2", a lancé Agnès Pannier-Runacher. La ministre de la Transition énergétique a également mis en avant que ce terminal, dont la mise en service est prévue pour la fin 2023, ne serait autorisé que pendant cinq ans.

Il en fallait plus pour convaincre les députés de gauche ulcérés par une autre mesure, inscrite à l'article 16 du texte. Celui-ci donne un cadre juridique pour redémarrer l'hiver prochain la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), pourtant fermée en mars. Il permet de relever les plafonds d'émissions de gaz à effet de serre, en cas de "menace sur la sécurité d'approvisionnement en électricité" et à la condition de compenser les émissions. "Je suis atterrée de devoir avec mes collègues nous battre contre la relance des énergies fossiles", a lancé l'insoumise Aurélie Trouvé. Justifié par la mise à l'arrêt forcée d'une partie du parc nucléaire, le recours au plus polluant des combustibles, acté par l'exécutif fin juin, fait tousser jusqu'à la droite et l'extrême-droite. Les députés LR et le RN ont vu dans ce retour au charbon la conséquence "désastreuse" de la politique énergétique du gouvernement, le chef de file des députés LR Olivier Marleix fustigeant une "absurdité", une "aberration". "Serons-nous encore capables cet hiver de fournir de l'électricité aux Français ?", s'est-il interrogé. "Ce retour au charbon n'est pas une bonne nouvelle", a convenu la rapporteure LREM du texte Maud Bregeon, qui a toutefois défendu un recours "temporaire" pour répondre à une "situation exceptionnelle".

Au milieu des tensions, l'examen du texte a réservé une petite surprise : l'autorisation de l'utilisation des huiles usagées comme carburant (art.21). L'homologation de ces huiles comme carburant découle d'un amendement déposé par le député EELV Julien Bayou qui avait reçu l'avis favorable du gouvernement. Selon l'exposé des motifs, 10 litres d'huiles usagées correctement retraitées peuvent donner 8 litres de carburant, qui rejette jusqu'à 90% moins de gaz à effet de serre qu'un diesel classique. "C'est illégal en France mais très répandu en Europe et dans nos régions mais de manière clandestine", a déclaré Julien Bayou dans l'hémicycle, mettant en avant l'intérêt d'un tel carburant pour le climat mais aussi pour le pouvoir d'achat. "Et bien sûr, et ça peut faire sourire, mais c'est un élément d'indépendance énergétique", a poursuivi Julien Bayou. "Il vaut mieux dépendre des baraques à frites du Nord que du pétrole des monarchies pétrolières". "En France, on n'a pas de pétrole mais on a de l'huile de friture", a-t-il plaisanté.

Parmi les autres amendements adoptés sur le volet énergétique, l'un permet de ne pas appeler de manière prioritaire les installations de cogénération qui valorisent également de la chaleur, en cas de besoin de réquisition ou de restriction d'activité des centrales à gaz (art.12). En séance, les députés ont précisé la rédaction pour indiquer que le dispositif était étendu aux installations de cogénération couvertes par un contrat d'obligation d'achat de l'électricité.

Contre l'avis du gouvernement, les députés ont en outre adopté, par 167 voix pour et 136 contre, un amendement de LR relevant le prix régulé auquel EDF est obligé de revendre une part de son électricité nucléaire à ses concurrents dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Ils ont porté ce tarif fixe de 42 euros actuellement à "au moins 49,5 euros" par mégawattheure (MWh) à compter du 1er janvier 2023. En défense de l'amendement de son groupe, le chef des députés LR Olivier Marleix a assuré, dans l'hémicycle, que ce relèvement était dans "l'intérêt de l'entreprise EDF" qui est tenu de revendre à ses concurrents une part de son électricité nucléaire au prix fixe - et bien inférieur au prix du marché – de 42 euros/MWh. Cette obligation de revente a été imposée à EDF depuis 2011 dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité. Maud Bregeon, la rapporteure LREM du projet de loi pouvoir d'achat sur le volet énergie, s'était opposée à cet amendement tout en reconnaissant que ce dispositif devait être revu. L'amendement a finalement été adopté grâce aux voix du RN et de la Nupes, dont plusieurs députés ont dénoncé le coût de ce dispositif pour EDF, obligé de vendre à perte une partie de sa production et dont l'exécutif a annoncé la renationalisation.

 

 

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