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Environnement / Sécurité - Le gouvernement lance un audit sur la sûreté des sites industriels sensibles

Quatre jours après la double explosion survenue sur le site pétrochimique de Berre-l'Etang (Bouches-du-Rhône), la ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Ségolène Royal, a annoncé le 17 juillet des mesures pour renforcer la prévention contre des actes criminels ou terroristes, à l'issue d'une table-ronde au ministère de l'Energie à laquelle participaient les industriels concernés ainsi que des représentants des ministères de l'Intérieur, de la Défense et de l'Economie.
L'ensemble des 1.171 installations classées Seveso pour leur caractère sensible seront inspectées d'ici la fin de l'année et elles devront répondre d'ici la fin septembre à "un questionnaire précis sur les mesures de sécurité et de vigilance qu'elles sont censées mettre en place", a annoncé la ministre. L'objectif est que "l'ensemble des sites industriels aient vérifié si la liste des points sensibles, des points vulnérables, avaient été correctement traités et ces mesures de prévention correctement mises en place", a-t-elle précisé. Cet inventaire sera fondé sur le "Guide d’analyse de la vulnérabilité des sites industriels chimiques face aux menaces de malveillance et de terrorisme", coélaboré par l'Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), qui a fait l'objet d'une nouvelle édition datée de juillet 2015.

Accélération des PPRT

Un audit interministériel plus approfondi, auprès d'entreprises volontaires, sera également mené dans les prochains mois, comme des exercices de prévention par zone de défense à travers le territoire. Autre mesure mise en avant : l'accélération des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) sur tous les sites Seveso "seuil haut" (656 établissements au total) et la publication d'une ordonnance simplifiant leur application à l'automne 2015. 85% des plans ont été approuvés et la ministre de l'Ecologie a demandé aux préfets de porter le taux d'élaboration à 100% "au plus vite".
Par ailleurs, la collaboration entre pouvoirs publics et industriels sera améliorée comme l'avaient demandé les industriels participants, selon ce que plusieurs d'entre eux ont affirmé à l'AFP à l'issue de la réunion. "C'est quelque chose d'extrêmement positif", s'est félicité  Joel Pedessac, directeur général du Comité français du butane et du propane (CFBP), qui regroupe environ 70 sites classés Seveso. "Jusqu'à il y a quelques semaines les sites industriels n'avaient souvent pas de numéro direct pour accéder rapidement à la police ou la gendarmerie en cas d'incident", a-t-il ajouté, les situations étant toutefois très variables d'une région à l'autre. La double explosion sur le site pétrochimique de LyondellBasell, comme l'attentat de l'usine Air Products de Saint-Quentin-Falavier (Isère), ont ainsi mis en évidence les difficultés des industriels pour sécuriser les sites contre toute attaque extérieure.
Les points les plus sensibles concernent le contrôle des accès, notamment des entreprises sous-traitantes, ou encore la surveillance extérieure, même si les installations Seveso obéissent déjà à des exigences très strictes. "Depuis relativement peu de temps, nous faisons face à deux nouveaux risques : les attentats et les cyber-risques. Et face à cela nous ne sommes peut-être pas complètement équipés", a reconnu Jean Pelin, directeur général de l'Union des industries chimiques (UIC) qui concentre la moitié des sites classés Seveso en France. L'UIC, comme l'Union française des industries pétrolières (Ufip), ont souligné que les discussions avec les pouvoirs publics avaient été "constructives" et qu'elles allaient s'impliquer dans les actions proposées. "Le gouvernement n'impose pas de nouvelle règlementation, ne stigmatise pas les industriels", s'est félicité Jean Pelin.

Comment concilier transparence de l'information sur les risques et sécurité ?

Toutefois, ils ont aussi pointé certains problèmes liés aux exigences de transparence sur les sites Seveso et qui n'ont pas totalement trouvé de réponse durant cette réunion. La dernière version de la réglementation, entrée en vigueur en juin, oblige ces sites à rendre disponible au public de nombreuses informations sur leur activité. "Nous souhaitons que ce ne soit que les informations génériques qui soient communiquées au public (...), comme cela existe pour les secteurs de l'eau, du nucléaire ou de la défense", a insisté Jean Pelin.
Cela doit être mis en place "très rapidement", a-t-il ajouté. Le ministère a pour le moment annoncé qu'une inspection générale sera diligentée pour définir concrètement les bonnes pratiques permettant de concilier les exigences de transparence vis-à-vis des riverains et des travailleurs en matière de risque et la protection contre la malveillance. Car, souligne-t-il, si la loi permet la diffusion des documents établis pour assurer la maîtrise de ces risques et notamment les études de dangers, elle précise que les données susceptibles de favoriser la malveillance restent secrètes.
Autre difficulté, le "criblage" des personnels, autrement dit l'accès à des informations personnelles sur les personnes susceptibles de rentrer sur les sites. "Notre problématique ce sont les flux entrants: les camions, les sociétés de services, etc. Comment savoir qui sont les personnes qui rentrent chez nous?", affirme Joel Pedessac, ajoutant "c'est un point sur lequel nous n'avons pas encore de solution". "C'est un sujet très difficile", notamment en matière de droit, reconnait Jean Pelin de l'UIC, mais "il faudra qu'il y ait un couplage des systèmes entre les fichiers du ministère de l'Intérieur et les fichiers des entreprises intervenantes", pour déterminer si une personne est autorisée à pénétrer sur un site ou non.