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Enfance - Le HCF s'interroge sur les finalités de la politique familiale

Dans le cadre de ses travaux sur l'architecture de la politique familiale, le Haut Conseil de la famille (HCF) publie un point sur "les principaux débats relatifs à la politique familiale en France, ses objectifs et ses instruments". Le champ étudié recouvre les prestations familiales, l'action sociale en faveur des familles et les dispositifs fiscaux. L'étude très fouillée (155 pages) et très stimulante du HCF commence par identifier "deux objectifs [qui] font relativement consensus".

Deux objectifs historiques largement partagés

Le premier est consubstantiel à la création de la politique familiale en France, puisqu'il s'agit du soutien à la natalité. Cet objectif affiché dès l'origine est une spécificité française - hérité de la crise démographique de l'entre-deux-guerres - et "n'apparaît que très peu, très récemment ou de façon très indirecte" dans les autres pays développés. Il a toutefois évolué puisque l'objectif nataliste n'est plus ouvertement affiché, au profit de la volonté "d'accompagner les parents dans la réalisation de leur désir d'enfant". Si cet objectif est unanimement partagé, les avis divergent néanmoins sur le rôle et l'efficacité des outils employés. Les divergences portent notamment sur la priorité longtemps donnée aux familles nombreuses (dans l'acception actuelle de ce terme) et qui laisse progressivement la place à des mesures permettant de mieux articuler désir d'enfant et activité professionnelle des femmes. La réponse mise en œuvre passe notamment par l'effort très important en faveur des modes de garde et par la scolarisation gratuite de la quasi-totalité des enfants de trois à six ans.
Le second objectif historique qui fait consensus concerne la compensation des charges de familles. Ce consensus - lui aussi "extrêmement large" - recouvre toutefois plusieurs débats importants. Il s'agit en premier lieu de la prise en compte de la taille de la famille. Cette forte progressivité, répondant à un choix opéré dès 1945, est aujourd'hui parfois remise en cause, même si de nombreux acteurs continuent de plaider pour son maintien. Un autre débat récurrent concerne la condition de ressources, autrement dit le lien avec les revenus de la famille. Ce débat oppose des logiques égalitaire, familialiste et sociale. Il porte sur les prestations familiales, mais aussi sur le mécanisme fiscal du quotient familial. Enfin, le troisième débat sur la compensation des charges familiales porte sur l'ampleur et la nature du soutien spécifique à apporter aux familles monoparentales.

Trois préoccupations sans consensus

L'étude du HCF identifie trois autres préoccupations qui "font l'objet de nombreux débats", mais ne dégagent pas de consensus. Le premier concerne la contribution de la politique familiale à la lutte contre la pauvreté. Les divergences portent à la fois sur les objectifs - par exemple, faut-il cibler la réduction absolue de la pauvreté ou viser plus largement la réduction des inégalités entre familles ? - et sur les moyens, avec le choix à effectuer entre prestations financières, aides au logement ou prestations de service. Autre thème largement débattu : l'amélioration de l'articulation entre vie familiale et la vie professionnelle, la vie personnelle et la vie sociale. Si l'objectif est très largement partagé, il n'en va pas de même pour les moyens de l'atteindre. Le débat oppose notamment les partisans du respect du libre choix et ceux qui préconisent des mesures incitatives au partage des tâches. Cette question se retrouve dans les polémiques autour de la durée et des modalités du congé maternité, des droits familiaux de retraite ou encore de l'individualisation ou de la "conjugalisation" des droits, des transferts et des prélèvements.
Enfin, la troisième préoccupation a connu une forte montée en charge ces dernières années, puisqu'il s'agit de la prise en charge des jeunes adultes. Déjà évoquée lors de la mise en place du RMI - avec, au final, la décision d'en exclure les moins de 25 ans -, la question a néanmoins donné lieu à un certain nombre d'évolutions, comme en attestent le relèvement de l'âge limite de perception des prestations familiales (20 ou 21 ans aujourd'hui, contre 14 ans en 1945) et celui du rattachement au foyer fiscal des parents (20 ans ou 25 ans en cas d'études supérieures). Les différents rapports publiés sur cette question concluent tous à la nécessité d'accentuer l'effort en direction des moins de 25 ans, mais hésitent sur l'ampleur de l'aide à apporter et sur la nature des dispositifs à mettre en place (aides aux familles, aides aux jeunes en fonction des caractéristiques familiales ou aides aux jeunes indépendamment de ces caractéristiques). La récente création du RSA jeunes est une bonne illustration de cette valse-hésitation.

Des enjeux importants, mais peu débattus

Mais l'aspect le plus intéressant de l'étude réside dans le passage en revue d'autres enjeux que le HCF juge "peu débattus, malgré leur importance pour les familles". Il s'agit en l'occurrence d'un certain nombre de thématiques qui ne sortent guère du cercle des experts. C'est le cas de la question de l'évolution de la compensation dans le temps, autrement dit de l'indexation des plafonds et des prestations sur les prix ou sur un index salarial, voir sur une combinaison des deux. Historiquement, plafonds et prestations ont d'abord été indexés sur les salaires, avant de l'être désormais sur les prix. Un autre débat - technique, mais important - concerne le choix entre soutien immédiat aux familles ou droits différés. L'enjeu n'est pas mince lorsque l'on sait que près de 20 milliards d'interventions publiques en direction des familles vont à des ménages qui n'ont plus d'enfants à charge et que la part des droits différés dans les dépenses financées par la branche famille de la sécurité sociale est passée de 3,3% en 1980 à 12,5% en 2008 (essentiellement sous l'effet de l'avantage retraite pour les mères ayant élevé plusieurs enfants). En d'autres termes, vaut-il mieux viser "un objectif de réparation ou de compensation des interruptions de carrières (ex-post) ou de facilitation de leur continuité (ex-ante du point de vue des retraites)" ?
La simplification des prestations sociales et fiscales est un autre sujet de réflexion. Il est cependant assez peu débattu malgré la grande complexité du système, sans doute parce que les coûts de gestion restent mesurés et les taux de fraude limités (0,43% pour les allocations familiales, 1,32% pour les aides au logement et 3,1% pour l'allocation de parent isolé, désormais fusionnée dans le RSA). Dans le même esprit, on peut s'interroger sur la pertinence des différences dans la prise en compte du statut des unions en droit social et fiscal : complètement neutre en matière de droit des prestations familiales, mais traitement différencié en matière fiscale (couple mariés et pacsés d'un côté, concubins de l'autre) et sociale (droit aux pensions de réversion ouvert aux seuls couples mariés ou l'ayant été).
L'hétérogénéité des prises en charge est une autre préoccupation importante, pourtant peu présente dans le débat public. Si les prestations et l'impôt sur le revenu sont quasiment identiques sur tout le territoire, il n'en va pas de même de la couverture en matière de services, tout particulièrement dans les modes de garde (voir notre article ci-contre du 16 décembre 2010). Ce débat renvoie lui-même à un autre, portant sur l'équilibre à trouver entre prestations en espèces (familiales et fiscales) et prestations en nature (services et équipements). Enfin, l'étude du HCF aborde également la question de l'accompagnement des parents, absente lors de la création de la branche famille, mais qui se développe ces dernières années à travers la montée en charge des politiques de soutien à la parentalité.

 

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