Le nouveau contrat de présence postale mise sur les mutualisations

Le nouveau contrat de présence postale territoriale a été signé par l'Etat, l'Association des maires de France (AMF) et La Poste ce 15 février dans un contexte de forte baisse de la fréquentation des bureaux de poste. L'augmentation du coût de la mission d'aménagement du territoire est aussi un fait majeur alors que les crédits de compensation restent à un niveau proche du précédent contrat. L'AMF, globalement satisfaite, regrette le mode de financement des maisons France Services postales.

L'Etat, l'Association des maires de France (AMF) et La Poste ont signé ce 15 février le contrat de présence postale territoriale pour la période 2023-2025. "On est satisfait, assure Patrick Molinoz, maire de Venarey-Les Laumes et vice-président de l'AMF, quand on signe un document à trois, c'est qu'on est d'accord, même si tous les points ne sont pas totalement satisfaisants". Il s'agit du sixième contrat de ce type depuis 2008, pour un montant total de 2,4 milliards d'euros investis dans les territoires. Mais le contexte a fortement évolué, du fait de la crise covid et du développement du numérique dans le quotidien des Français. "En 2016, le réseau a accueilli environ 403 millions de visites ; en 2022, il comptait environ 195 millions de visites, soit une baisse de 52%", précise le contrat. La baisse de fréquentation s'est accélérée durant la crise sanitaire, le réseau perdant chaque année environ 5% entre 2016 et 2019, contre 26% entre 2019 et 2020. L'érosion s'est poursuivie ensuite : le réseau a continué à perdre environ 22% de fréquentation (près de 55 millions de visites en moins) entre 2021 et 2022. Et La Poste doit aussi faire face au développement des usages numériques avec, d'une part, une demande forte de dématérialisation des procédures et, d'autre part, de nouvelles formes d'exclusion numérique à gérer.

Une "condition de survie"

Pour répondre à ces évolutions, le contrat dresse plusieurs priorités, dont la mutualisation. "Des progrès ont été faits en la matière, qui ont prouvé leur efficacité, insiste le contrat, mais ce qui était une bonne pratique à encourager, devient une condition de survie". Une priorité qui risque d'entrer en contradiction avec l'objectif de rapprocher au maximum la population de ces points de contact. Pour le moment, le contrat ne fournit aucune précision quant à ces "mutualisations". Selon Patrick Molinoz, il s'agirait peut-être, comme dans les maisons France Services, de permettre à un même agent de traiter plusieurs sujets différents. "Dépôts de pain, vente de produits locaux (dans les relais postaux, NDRL), pour créer du flux, on peut admettre que l'agence vende des produits commerciaux", affirme-t-il, précisant que les maires resteront toutefois vigilants.

D'après le dernier rapport d’accessibilité́ présenté devant l’Observatoire national de la présence postale (ONPP) en janvier 2022, 97% de la population se situe pour le moment à moins de 5 kilomètres et à moins de 20 minutes d’un point de contact postal. Il en existe 17.099 : 7.073 bureaux de poste, dont 402 France Services, 1.458 bureaux de facteur-guichetier et 574 bureaux de poste localisés dans les quartiers prioritaires, 6.890 agences communales et intercommunales (LPAC/LPAI), et 3.136 La Poste relais (LPR), contractualisés avec les commerçants, les buralistes ou bien les acteurs de l'économie sociale et solidaire.

58% des points de contact ne sont plus des bureaux de poste

Par rapport au précédent contrat, on s'aperçoit que le nombre de bureaux de plein exercice a encore baissé (de 7.750 à 7.073). Ils ont été essentiellement remplacés par des agences postales communales et des relais commerçants (respectivement au nombre de 6.500 et 2.800 dans le précédent contrat). "Aujourd'hui, on a 58% des points de contact qui ne sont plus des bureaux de poste mais qui sont soit des agences communales soit des relais poste", insiste Patrick Molinoz.

L'AMF s'inquiète surtout du financement des maisons France Services postales. "Elles sont financées à hauteur de 26.000 euros, contre 30.000 pour les maisons classiques, et par le fonds de péréquation, soit de la fiscalité qui revient normalement aux communes ! On nous fait payer le dispositif, alors que les maisons France Services sont financées par l'Etat", s'offusque Patrick Molinoz.

En revanche, la question de la fréquentation des points de contact sera abordée dans un dialogue structuré, selon le maire de Venarey-Les Laumes. "L'Etat a renoncé à fixer un seuil de fréquentation minimum, qui ne voudrait rien dire si on ne tient pas compte des autres paramètres, comme la densité du territoire, explique-t-il, quand une situation de baisse de fréquentation se posera, un dialogue entre le maire, La Poste et la commission départementale devra avoir lieu, soit dans un cadre où on ne laisse pas le maire tout seul".

Un coût en augmentation

La préservation du niveau de financement est aussi considérée comme une priorité, face à une augmentation des coûts : en 2019, le coût de la mission d'aménagement du territoire (c'est-à-dire le maintien des points de contact dans les zones isolées) était estimé par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) à 231 millions d'euros. En 2021, il est passé à 348 millions pour une compensation de 174 millions d'euros. Objectif pour le contrat 2023-2025 : préserver un niveau de compensation au moins équivalent, et cela, malgré l'impact de la suppression de la CVAE (à hauteur de 50% en 2023 et 50% en 2024). "Le fonds postal de péréquation territoriale pourra bénéficier d'un financement national maximal de 531 millions d'euros sur la période du contrat, soit un montant maximal de 177 millions d'euros par an", indique le contrat, soit une compensation qui reste proche du niveau d'avant, malgré l'augmentation du déficit. Le budget total sur les trois ans était de 522 millions d'euros pour la période précédente. Le financement est constitué d'une enveloppe principale de 174 millions d'euros maximum par an (522 millions au total), provenant d'une dotation budgétaire votée annuellement par le Parlement et des abattements appliqués à la fiscalité locale due par La Poste, et une enveloppe complémentaire optionnelle de 3 millions d'euros (9 millions au total), financée par un abattement sur les taxes foncières dues par les filiales directes et indirectes de La Poste.

Ouvrir le samedi les bureaux de poste aujourd'hui fermés

Le contrat mise aussi sur la qualité de service, avec des engagements en matière d'horaires d'ouverture, dans l'objectif d'améliorer l'accessibilité des bureaux. Il s'agit, dans les communes où cela présente un intérêt, d'ouvrir le samedi matin les bureaux de poste aujourd'hui fermés ou d'augmenter la plage horaire d'ouverture du samedi (minimum 3 heures). La Poste s'engage aussi dans un plan de réduction des fermetures inopinées à travers un "pilotage resserré tant au niveau local que national". Elle présentera à l'ONPP chaque année une analyse de l'évolution de ces fermetures.

Le contrat prévoit enfin des mesures pour la période estivale : un maintien de tous les bureaux de poste ouverts pendant la période touristique pour les communes touristiques de moins de 10.000 habitants, et d'au moins 50% pour les communes touristiques de plus de 10.000 habitants. L'inclusion numérique reste l'une des priorités affichées du contrat nouvelle formule. Les commissions départementales de présence postale auront ainsi la possibilité d'investir dans des équipements, des formations et dans l'accompagnement humain, mais pour le moment, pas d'information plus détaillée sur ce que cela représentera concrètement.