Mobilités - Le plan du gouvernement pour aider les collectivités à innover entre dans le concret

Née dans le sillage des Assises de la mobilité et pensée en lien avec le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) attendu en conseil des ministres, la démarche French Mobility vise à faciliter l'innovation dans les collectivités et débouche sur des outils qui ont été présentés, ce 26 septembre à Paris.

L'anglicisme est-il du goût de toutes les collectivités ? "En tout cas, c'est bien à elles que s'adresse French Mobility : les territoires sont en première ligne de la transformation des mobilités", a souligné Fabrice Boissier, directeur général de l'Ademe, lors d'un point ce 26 septembre sur cette initiative du ministère chargé des Transports.

Pluridisciplinarité et solutions concrètes

Conçue comme le pendant opérationnel de la loi d'orientation des mobilités (LOM) - laquelle se fait toujours attendre -, cette initiative portée par des équipes pluridisciplinaires (État, collectivités, entreprises, start-up, associations, experts, incubateurs et bientôt d'autres profils tels que des pôles de compétitivité) vise à répondre aux besoins des porteurs de projets. Elle a débouché cet été sur un plan d'action en sept mesures. "Notre établissement est actif dans trois d'entre elles dont celle visant à soutenir les territoires peu denses en termes d'ingénierie. Via de l'animation territoriale, des ateliers, de l'appui à la rédaction de dossier, une cinquantaine ont candidaté à l'appel à manifestation d'intérêts soutenant l'expérimentation dans les territoires peu denses et dépourvus d'offres de transports" (AMI Tenmod)", indique-t-on au Cerema.

Appui financier à l'innovation

Les 26 lauréats de cet AMI lancé sous le label French Mobility sont des communautés de communes ou d'agglomération, une communauté territoriale (Sud Luberon), des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR Ternois 7 Vallées, dans le Pas-de-Calais), des parcs naturels régionaux (PNR Haut-Jura, PNR du Pilat, syndicat mixte du PNR des Grands Causses), une commune rurale nouvelle (Vire Normandie, dans le Calvados), deux conseils départementaux (l'Isère et l'Hérault, ce dernier étant par ailleurs à l'initiative d'un partenariat original avec un réseau d'auto-stop), un syndicat mixte de transports (celui du bassin d'Alès, dans le Gard), un groupe d'acteurs locaux (programme "Mieux bouger en Haute Mayenne"), etc.
L'aide oscille entre 40.000 et 100.000 euros. Plusieurs projets portent sur du covoiturage de proximité, de la mobilité inclusive (flux domicile-travail, accès à l'emploi, par exemple dans le cœur de Beauce), de l'autopartage "intergénérationnel" en milieu rural, la création d'itinéraires cyclables ou d'applications recensant des modes de déplacements, etc. Suite au succès de cet AMI un second relevé est acté avec une clôture à fin octobre.
"Nous lançons d'autres appels budgétés pour chacun à environ deux millions d'euros afin d'accompagner des territoires dans leur politique cyclable, avec là aussi du soutien à l'ingénierie territoriale, ou dans le déploiement de zones à faibles émissions (voir ici)", ajoute Marie-Christine Premartin, directrice exécutive programmes de l'Ademe.

Outiller les petites AOM

Pour aider des petites autorités organisatrices ou villes moyennes, le déploiement de réseaux régionaux d'expertise technique, administrative et financière est prévu début 2019. "Faire mûrir de bons projets prend du temps. Il y a pour cela un besoin d'expertise, de diagnostic, de ressources locales", justifie un intervenant. "Face au foisonnement d'expériences et d'appels à projets, les élus sont un peu perdus. Il faut mieux valoriser les premières et évaluer les seconds", insiste un autre. D'où l'idée, pour briser l'isolement et multiplier les synergies, de lancer début 2019 une "plateforme collaborative" recensant des expérimentations pertinentes et aidant les collectivités à se rapprocher et mieux partager.
Côté start-ups, un service d'accompagnement avec numéro de téléphone dédié (01 40 81 87 79) est lancé pour faciliter leurs démarches administratives. Ce "facilitateur" créé au sein du ministère des Transports, en coopération avec le ministère de l'Intérieur, sert de point d'entrée unique pour faciliter le parcours de porteurs de projets innovants qui peuvent rencontrer des difficultés réglementaires, techniques ou de connaissance du secteur. Il est ouvert aux demandes d'élus locaux qui, "au lieu d'être ballottés seront aidés pour résoudre ces obstacles ou mieux orientés qu'auparavant dans la jungle des services ministériels".

Réveiller le partenariat d'innovation

Coup de pouce déjà annoncé à l'achat innovant : le relèvement à 100.000 euros (contre 25.000 euros aujourd'hui) du seuil permettant de recourir à un marché public sans publicité ni appel d'offres pour acquérir des services innovants auprès de PME et start-ups. Le projet de décret l'autorisera "à titre expérimental et pour trois ans". Quant au partenariat d'innovation, dispositif qui peine à décoller malgré ses quatre ans et de premiers retours d'expérience positifs dans des collectivités et établissements publics, il va faire l'objet d'un benchmark en vue de produire cet automne un vade mecum.
Ce mode d'emploi conclura certainement à la nécessité, dans ce domaine peu connu par les collectivités, de bien se faire accompagner pour clairement définir dans le contrat les risques juridiques liés à la propriété industrielle et intellectuelle. Le partenariat d'innovation leur permet en effet de développer avec des industriels des produits, services ou travaux innovants.
Ce partenariat couvre la R & D puis l'achat, sans remise en concurrence. Attention cependant, l'acheteur doit s'assurer préalablement que son besoin n'est pas satisfait par une solution disponible sur le marché. Au terme d'une procédure très encadrée, Rennes Métropole en a usé pour expérimenter avec Bluebus (Bolloré) - seul candidat admis à présenter une offre après de nombreux échanges et huit candidatures préalablement retenues - des bus standards et articulés 100% électriques. Une spécificité, ici : l'industriel en conserve la propriété industrielle. Les premiers véhicules, en version non articulée, ont été dévoilés en début d'année lors d'un événement soutenu par la Caisse des Dépôts. Encore au stade du développement, le bus articulé de 18 mètres devra attendre pour sortir de l'usine.
Deux syndicats franciliens de déchets et d'assainissement, le Syctom et le Siaap, testent aussi la formule dans le cadre d'un projet de cométhanisation, présenté ce 21 septembre lors d'une matinée technique. Le pilote industriel était à l'origine attendu pour cet automne.