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Transports - Le projet de liaison ferroviaire CDG Express franchit une nouvelle étape sur fond de controverses

La ministre de l'Environnement et le secrétaire d'Etat chargé des transports ont présenté en conseil des ministres le 6 juillet un projet de loi visant à ratifier l'ordonnance du 18 février dernier confiant à une filiale commune de la SNCF et de Paris Aéroport le soin de mener à bien le CDG Express, une desserte ferroviaire dédiée entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle. D'une longueur de 32 km, dont 8 km de voies nouvelles, ce projet est évalué à 1,6 milliard d'euros.
Dans un communiqué, le gouvernement affirme que le CDG Express - censé entrer en service un an avant les jeux Olympiques de 2024 "constitue un élément important de la candidature de la France pour l'accueil" de ces JO et de l'Exposition universelle de 2025. Moyennant 24 euros, le projet de train doit permettre de rallier le deuxième aéroport européen le plus fréquenté depuis la gare de l'Est plus rapidement que par les autoroutes A1 ou A3 (45 minutes) ou le RER B (entre 30 et 50 minutes depuis gare du Nord).

Un projet "coûteux", "inutile"...

Mais le CDG Express ne fait pas l'unanimité et, à une semaine de la clôture de l'enquête publique, le 12 juillet, la mobilisation des opposants s'amplifie. Les détracteurs de la nouvelle liaison craignent qu'elle se fasse au détriment des 900.000 usagers du RER B, deuxième ligne d'Europe en nombre de passagers. Le 30 juin dernier, des élus, syndicalistes et usagers des transports réunis dans le collectif Stop CDG Express ont tracté dans plusieurs gares des lignes du RER B et du transilien K. Ils dénoncent un projet "coûteux", "inutile" et "néfaste pour le usagers du RER B" par l'utilisation de voies "qui servent normalement à réguler les incidents de trafic".
Pour le maire écologiste de Sevran, Stéphane Gatignon, ce projet met également "en danger la réalisation" de la ligne 17 du futur métro du Grand Paris Express, la "clé du développement de la Seine-Saint-Denis", qui reliera Roissy au carrefour Pleyel à Saint-Denis. En outre, vu le prix du billet, ce train sera "réservé à des hommes d'affaires" qui peuvent se payer le taxi, relève l'édile. "Il ajoute une pierre au mur qui, chaque jour, se dresse entre Paris et sa banlieue, dénonce-t-il. Comme si les habitants de Sevran, d'Aulnay-sous-Bois et de la Seine-Saint-Denis étaient condamnés à regarder passer des trains qui leur seraient interdits".
Le maire (PCF) de Saint-Denis, Didier Paillard, s'inquiète aussi de la hausse de la pollution sonore provoquée par le projet, en particulier dans le quartier de la Plaine, déjà très exposé. Car à raison d'un train toutes les 15 minutes entre 5 heures et minuit, 76 rames supplémentaires chaque jour vont traverser la Seine-Saint-Denis et une partie de la Seine-et-Marne.

... ou "nécessaire" ?

Pour Nicolas Boichon, ingénieur à l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France, "c'est un projet nécessaire pour l'aéroport et Air France" qui leur permettra de "se distinguer de la concurrence en terme de qualité de service et d'image". Le CDG Express fournira en effet à Roissy un avantage compétitif sur la plupart de ses concurrents qui sont dépourvus d'une telle liaison directe, assure l'ingénieur, auteur d'une étude comparative sur les dessertes de 55 aéroports dans le monde. Au terminal 2E, "hub" d'Air France, les voyageurs auront le choix entre le TGV, le RER, la ligne 17 et le CDG Express, sans parler des taxis, bus et navettes. "Arriver à une telle diversité de l'offre, publique de surcroît, est rare". Le risque de "cannibalisation" de la ligne 17 ? "Si les deux se font, au contraire cela permettra de diffuser les flux et de mieux séparer les usagers franciliens, qui vont travailler sur l'aéroport, des usagers touristiques". Cela vaut aussi pour le RER B, souvent bondé aux heures de pointe et encombré par les valises des voyageurs. D'après l'ingénieur, l'amélioration du RER B demeure la "priorité" des pouvoirs publics, bien décidés cependant à ne pas rater le train du CDG Express, dans les cartons depuis 10 ans.