Le "Réseau express métropolitain européen" de Strasbourg, un nouveau système de mobilité multimodal

Conçu comme un système de mobilité complet, le "Réseau express métropolitain européen" (REME) déployé à partir du 11 décembre, va proposer beaucoup plus de trains autour de Strasbourg mais aussi des offres de cars express cadencées et une intermodalité facilitée avec les transports en communs urbains et les modes actifs, comme le vélo.

"On l'avait longtemps pensé, le Grand Est et Strasbourg l'ont fait", s'est enflammé le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou lors d'une présentation à Paris ce 7 décembre du premier RER de province, après les récentes annonces d'Emmanuel Macron sur son souhait de développer des RER dans dix métropoles françaises (lire notre article). "Pour moi, entre le mot REME et le mot rêve, il y a juste une lettre de différence", a osé le patron du groupe ferroviaire. Mais le président de la région Grand Est Jean Rottner ne veut, lui, surtout pas parler de RER, comme à Paris. A ses yeux, le REME est un concept "novateur" et même "avant-gardiste dans sa conception, dans sa volonté aujourd'hui d'amener nos concitoyens à utiliser les transports en commun (...), dans une logique de décarbonation".

La construction d'une quatrième voie à la sortie nord de Strasbourg, pour faire circuler davantage de trains, rend possible "le premier saut d'offre", à partir du 11 décembre, date de lancement du nouveau système de transport. Les concepteurs du projet promettent "une fréquence élevée et continue tout au long de la journée (de 05h00 à 23h00), avec une cadence à la demi-heure sur la desserte périurbaine strasbourgeoise".

Un des grands mots de ce projet est la "multimodalité" : l'idée est de connecter le millier de trains supplémentaires injectés sur le réseau alsacien chaque semaine avec des cars express, les tramways strasbourgeois, les bus, les parkings à vélo... Un autre mot-clef est donc "PEM", pour "pôles d'échanges multimodaux", des endroits conçus pour passer d'un mode de transport à un autre. "Nous maillons tout le territoire avec cette stratégie", a souligné Jean Rottner. La région Grand Est et l'Eurométropole de Strasbourg entendent compléter le tableau d'ici à 2030, notamment en connectant le REME au réseau allemand.

La première phase du REME a coûté plus de "700 millions d'euros", a indiqué l'élu (LR), et "dans les cinq ans qui viennent, on a encore du boulot" avec 600 millions d'investissements nécessaires, pour mieux relier le nord de l'Alsace en particulier.

"Ce projet ouvre la voie", a salué le ministre délégué aux Transports Clément Beaune. "Il montre que les RER métropolitains, ça ne n'est pas de la science-fiction, ça n'est pas un slogan !" Récemment mis sur le devant de la scène par le président Emmanuel Macron (lire notre article), le concept de "RER métropolitain" vise à tirer partie des étoiles ferroviaires entourant les grandes villes françaises pour y faire rouler plus de trains. C'est un des sujets de prédilection de la Première ministre Elisabeth Borne qui avait fait plancher SNCF Réseau dessus quand elle était ministre des Transports.

Pour le gestionnaire des voies ferrées, ces RER "devraient proposer une offre de qualité qui correspond à celle d'un transport urbain pour être attractive", avec des trains fréquents toute la journée - toutes les demi-heures, voire tous les quarts d'heure aux heures de pointe -, "des gares et des haltes aménagées et au plus près des besoins locaux" et une bonne articulation avec les autres modes de transports, billet commun à la clé.

Une idée est aussi de "diamétraliser" certaines liaisons, c'est-à-dire de mettre bout à bout des services qui actuellement ont leur terminus dans la gare centrale : de Libourne à Arcachon sans changement à Bordeaux, par exemple. Ou, dans le cas de Strasbourg, de Saverne à Sélestat. Tout cela va sans doute coûter (très) cher. On parle de 7 milliards d'euros à Lyon, 2 milliards à Bordeaux ou Lille...

"Nous aurons à imaginer des modes de financement différents sans doute, il n'y aura pas de projet uniforme", a indiqué Clément Beaune, évoquant "une boîte à outils de financement" et "des projets adaptés aux réalités locales". "L'État sera au rendez-vous et nous aurons à définir dans les premiers mois de 2023 des tracés, des projets précis de financement, des calendriers", a-t-il ajouté.

Dans le Grand Est, Jean Rottner évoque d'autres projets de RER en Lorraine autour de l'axe Nancy-Metz-Thionville-Luxembourg, au sud de l'Alsace entre Mulhouse, Bâle et l'Allemagne, et autour de Reims.

 

Comment va fonctionner le REME strasbourgeois ?

Lancé ce 11 décembre par la région Grand Est et l'Eurométropole de Strasbourg, le Réseau express métropolitain européen (REME) va se traduire sur le réseau ferroviaire par un "choc d'offre" déployé en trois temps : au 11 décembre, 813 trains supplémentaires par semaine circuleront sur le réseau, reliant 95 gares ; à partir du 2 janvier prochain, 67 trains supplémentaires viendront encore s'ajouter chaque semaine, puis encore 192 trains à partir du 21 août 2023. Au total, 1.072 trains seront mis en circulation pour le REME chaque semaine, soit 43% de trains supplémentaires par rapport au service habituel. Ces trains circuleront sur quatre axes principaux autour de Strasbourg, vers le nord, le sud, l'ouest de l'agglomération, et jusqu'au Piémont des Vosges. La cadence des trains est renforcée, passant à la demi-heure pour les liaisons entre Strasbourg et les principales gares du département (Haguenau, Molsheim, Sélestat, Mommenheim). Le samedi, la fréquence des trains sera "proche de celle d'un jour de semaine".
L'amplitude est également étendue, les trains circuleront entre 05H00 et 23H00. Et pour la première fois, des trains permettront de relier le nord et le sud de l'agglomération sans terminus à Strasbourg. L'augmentation du nombre de trains a été rendue possible par la mise en service d'une nouvelle voie au nord de Strasbourg, sur huit kilomètres. La région a également fait l'acquisition de 9 trains Régiolis, un modèle déjà en circulation sur le réseau TER. Un cinquième axe, vers le nord-est, n'est pas encore concerné par l'augmentation du trafic, "compte tenu de son état de dégradation avancée", précise l'Eurométropole, mais un renfort de trains est envisagé dès la fin de "travaux d'urgence". Le développement vers l'Allemagne, interviendra à partir de 2025, dans le cadre d'un appel d'offres transfrontalier lancé par la région.
Le projet de REME comprend également un volet routier, avec la création d'une voie réservée aux transports en commun sur l'autoroute qui traverse Strasbourg du nord au sud. Idem vers l'ouest, sur une zone dépourvue de desserte ferroviaire: des sections de routes départementales sont réservées aux cars interurbains dans les deux sens.
Les coûts d'exploitation du REME ferroviaire sont estimés à 23,7 millions d'euros annuels par les collectivités. Recettes déduites, le coût de revient s'élève à 14,5 millions d'euros pour les collectivités, répartis à égalité entre l'Eurométropole et la région Grand Est.

 

 

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