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Energie - Le Sénat a achevé l'examen du projet de loi sur la transition énergétique

En attendant le vote solennel sur l'ensemble du texte prévu le 3 mars, les sénateurs ont terminé le 19 février la lecture des articles du projet de loi sur la transition énergétique. Parmi les dernières modifications votées : la limitation du délai de raccordement au réseau des installations d'énergies renouvelables, de nouvelles mesures concernant les éoliennes, le plafonnement du montant de la CSPE à 7,7 milliards d'euros pour 2016, dans l'attente des conclusions d'une mission d'inspection réclamée par Ségolène Royal sur ce thème, ou encore le recentrage de l'interdiction des coupures d'eau sur les consommateurs en situation de précarité.

Le Sénat a achevé le 19 février dans la soirée l'examen des articles du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. La veille, il avait adopté les volets énergies renouvelables, sûreté nucléaire et simplification du texte. Les sénateurs ont ainsi voté contre l'avis du gouvernement et du rapporteur un amendement de Ronan Dantec (EELV, Loire-Atlantique) limitant à 18 mois le délai de raccordement au réseau des installations d'énergies renouvelables. Selon l'exposé des motifs de l'amendement, le délai moyen était de 30 mois en 2014. Un autre amendement de Ronan Dantec, voté avec l'accord de la ministre mais contre celui du rapporteur, oblige les sociétés porteuses d'un projet d'énergie renouvelable, lors de la constitution de leur capital, à en "proposer une part, dans des délais acceptables pour la viabilité du projet, aux collectivités territoriales sur le territoire desquelles est implanté le projet et une part aux habitants résidant habituellement à proximité du projet". "Un décret établit les modalités d'application de cette mesure", est-il précisé.

Regroupement des concessions hydrauliques

Le regroupement des concessions hydrauliques de certains territoires n'est plus seulement motivé "par une optimisation de la production des concessions, et plus largement par l'atteinte des objectifs du projet de loi de transition énergétique", mais "apparaît tout autant justifié par la prise en compte des enjeux environnementaux", selon un amendement gouvernemental à l'article 28 du texte. "Certaines contraintes environnementales comme la limitation des éclusées (volume d'eau relâché en aval des centrales hydroélectriques) ou la tenue de la cote d'un lac ou d'un fleuve peuvent nécessiter une gestion coordonnée précise de plusieurs aménagements, afin d'optimiser l'exploitation dans un équilibre entre l'énergie et la prise en compte des impacts sur les milieux aquatiques", selon l'exposé des motifs. Un amendement de Chantal Jouanno (UDI, Paris) à l'article 29 n'autorise plus les sociétés publiques locales (SPL) à participer à une SEM hydroélectrique, ce qui aurait été "contraire au droit", selon la sénatrice. Le capital doit désormais être détenu "majoritairement" par des personnes morales de droit public, ce qui exclut les SPL. En matière de sûreté nucléaire et d'information des citoyens, un amendement de Ronan Dantec à l'article 31 donne un pouvoir supplémentaire aux commissions locales d'information (CLI). "Toute modification du plan particulier d'intervention […] défini pour une installation nucléaire de base fait l'objet d'une consultation de la commission locale d'information", est-il prévu.

Nouvelles règles pour l'éolien

Sur le volet simplification, outre le doublement de la distance d'installation d'une éolienne de 500 à 1.000 mètres d'une habitation, un amendement de Pierre Jarlier (UDI, Cantal) adopté contre l'avis du gouvernement prévoit que l'implantation des éoliennes soit soumise à la collectivité qui l'accueillera "durant la phase d'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal ou du plan local d'urbanisme". "L'amendement bloquerait toute implantation dans un tiers des communes françaises, sauf délibération de la commune ou de l'EPCI", a affirmé la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal.
Un amendement d'Hervé Maurey (UDI, Eure) a remplacé la règle des cinq mâts et des zones de développement de l'éolien (ZDE), réintroduite par la commission du développement durable du Sénat qu'il préside, par la nécessité de valider les schémas régionaux éoliens par "une majorité qualifiée de trois cinquièmes des EPCI représentant la moitié de la population" de la région concernée. Dans les communes de moins de 3.500 habitants, les conseillers municipaux disposeront à l'avance, sous forme écrite, de tout projet de délibération portant sur une installation classée pour la protection de l'environnement, prévoit en outre un amendement de Jean Germain (PS, Indre-et-Loire). La part de l'Ifer (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux) perçue par les communes passera de 20% à 30% selon un amendement de Rémy Pointereau (UMP, Cher) et sera "répartie à parts égales entre la commune d'implantation de l'installation et les communes situées à moins de 500 mètres de l'installation" éolienne, selon un amendement de Hervé Maurey. Le gouvernement a pour sa part fait ratifier par amendement l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement. "Cet amendement devrait mettre fin à un contentieux en généralisant le permis unique pour les éoliennes et la méthanisation", a justifié Ségolène Royal. "Cela réduira les délais sans en rabattre sur la protection de l'environnement." "Cet amendement généralise aussi l'autorisation unique pour les installations hydroélectriques."
Un amendement de Jean-Claude Requier (PRG, Lot) assouplit par ailleurs la consultation des riverains d'une installation géothermique à basse température. Il remplace "l'exigence du consentement des propriétaires riverains, par l'invitation systématique de ces derniers à participer à l'enquête publique, au cours de laquelle leurs avis seront pris en compte", selon l'exposé des motifs.

Réforme de la CSPE

Le Sénat a terminé l'examen du texte par le volet gouvernance. Il a créé un "bonus investissement climat" dans le cadre de la stratégie bas-carbone en votant un amendement de Franck Montaugé (PS, Gers) afin d'intégrer un critère de contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans "le niveau de soutien financier des projets publics". "Les principes et modalités de calcul des émissions de gaz à effet de serre des projets publics sont définis par décret", est-il précisé. Le Sénat a également limité le montant de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) pour 2016 à 7,7 milliards d'euros, par un amendement, plusieurs fois modifié, du rapporteur Ladislas Poniatowski (UMP, Eure) qui a reçu le soutien du gouvernement. La CSPE ne sera consacrée qu'aux énergies renouvelables, et plus aux tarifs sociaux ni à la péréquation tarifaire, suscitant l'inquiétude des élus ultramarins, dont les territoires en sont les principaux bénéficiaires. Pour y remédier, "le 2 février dernier, j'ai signé une lettre d'instruction avec les ministres des Finances et du Budget pour diligenter une mission d'inspection devant nous faire des propositions de réforme de la CSPE", a annoncé Ségolène Royal. "J'ai demandé à cette mission un bilan coût/bénéfice au regard de trois scénarios, selon les critères suivants : la capacité à minimiser le risque financier ; les transferts induits ; l'impact sur la contribution financière des fournisseurs d'électricité ; la contribution aux objectifs du présent projet de loi."
Le Sénat a en outre rejeté les amendements de Ronan Dantec et du gouvernement visant à réduire de 64,85 à 63,2 gigawatts la capacité de production nucléaire française, comme prévu initialement par le projet de loi (art. 55). La commission des affaires économiques a revu ce plafond à la hausse, pour ne pas avoir à fermer deux réacteurs nucléaires lors de la mise en service de l'EPR de Flamanville. Ces deux amendements ont reçu 216 voix contre et 120 pour, celles-ci émanant toutes des groupes socialiste et écologiste.
A l'article 56 du texte, le programme régional pour l'efficacité énergétique devra désormais "définir les modalités d'accompagnement nécessaires à la prise en main, par les consommateurs […] des données de consommations d'énergie mises à leur disposition", selon un amendement de Ronan Dantec (EELV, Loire-Atlantique). "Une concertation est menée en amont avec les collectivités territoriales et leurs groupements", en plus de la soumission pour approbation, par le président du conseil régional, d'une proposition de programme régional pour l'efficacité énergétique au représentant de l'Etat dans la région, prévoit un amendement du rapporteur Louis Nègre (UMP, Alpes-Maritimes).
Un amendement de Chantal Jouanno crée un nouvel article selon lequel "les nouvelles installations d'éclairage public sous maîtrise d'ouvrage de l'Etat et de ses établissements publics et des collectivités territoriales font preuve d'exemplarité énergétique et environnementale." Un autre amendement de Ronan Dantec demande à l'Etat de définir "les modalités de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre du territoire sur lequel est établi le plan climat-air-énergie territorial". "La méthode de comptabilisation est définie par voie réglementaire, de manière à être facilement applicable, vérifiable et comparable entre territoires", précise-t-il. Selon le sénateur, "c'est véritablement une mesure de simplification qui réduira les dépenses dans les territoires, lesquels faisaient appel à des ingénieurs, des cabinets". Le gouvernement a en outre créé un amendement pour rendre les établissements publics d'aménagement "compétents pour assurer un service de distribution de chaleur et de froid. Cette compétence est exercée à titre transitoire, dans une durée compatible avec celle des opérations d'aménagement, et dans la perspective d'un transfert du réseau à une autre entité compétente".
Les occupants des résidences sociales seront aussi concernés par le chèque énergie créé par l'article 60 du projet de loi, après le vote d'un amendement du gouvernement. Ces résidents "bénéficient, lorsqu'ils n'ont pas la disposition privative, au sens de la taxe d'habitation, de la chambre ou du logement qu'ils occupent, d'une aide spécifique. Cette aide est versée par l'organisme habilité [par l'Etat, selon ce même article] au gestionnaire de la résidence sociale, à sa demande, lequel la déduit, sous réserve des frais de gestion, du montant des redevances quittancées".

Coupures d'eau

Un amendement de Christian Cambon (UMP, Val-de-Marne) "corrige une erreur" issue de la loi Brottes du 15 avril 2013, avec l'avis favorable du rapporteur et de la ministre. Alors que cette loi entendait "étendre la trêve hivernale en matière de coupure de gaz naturel, d'électricité et de chaleur à l'ensemble des consommateurs", elle a "conduit à interdire les coupures d'eau toute l'année pour l'ensemble des résidences principales, alors que cette interdiction était jusque-là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficié du FSL", écrit l'élu dans son exposé des motifs. "Il n'est donc désormais plus possible d'établir une différence de traitement entre les mauvais payeurs et ceux qui ne payent pas parce qu'ils n'en ont pas les moyens, ce qui pourrait encourager des comportements non-citoyens." L'article 60 bis A ainsi créé évite "un effet contre-productif de l'interdiction des coupures sur l'accès à l'eau, tout en prévoyant d'interdire les coupures d'eau pour les familles en difficulté tout au long de l'année". Le groupe CRC, hostile à cette disposition, a demandé un scrutin public. L'amendement a eu 196 voix pour et 138 contre, presque toutes issues des groupes écologiste, socialiste et communiste. "Il y a d'autres moyens de lutter contre les impayés que la coupure d'eau. Par exemple, des poursuites", selon Eliane Assassi (PC, Seine-Saint-Denis) qui a déploré l'"avis favorable" de la ministre à l'amendement.

Alternatives pour l'approvisionnement électrique des petites îles métropolitaines

Un amendement de Ronan Dantec a créé un nouvel article (art. 63 quinquies A) donnant la possibilité aux zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain (ZNI) de moins de 2.000 habitants, d'opter pour un autre opérateur qu'EDF. Cinq îles métropolitaines (Glenan, Ouessant, Molène, Sein, de Chausey) sont concernées. Cette alternative permettrait "de pouvoir y mener des expériences alternatives à la production coûteuse et polluante du fioul, justifie l'exposé des motifs. Désigné par le ministre chargé de l'Energie après avis de la CRE, cet opérateur devrait accepter les contraintes du service public, mais bénéficierait en contrepartie de la CSPE. Un tel opérateur s'affranchirait des limites d'intervention de l'opérateur historique (électricité) et pourrait aborder techniquement toutes les évolutions en rapport avec l'énergie (chauffage, mobilité terrestre et maritime, électricité, production d'eau potable)". L'amendement a recueilli l'avis favorable du rapporteur et de la ministre Ségolène Royal : "Cela enverra un signal à ERDF, face à leur inertie", a-t-elle déclaré. Enfin, "une stratégie nationale de développement de la filière géothermie dans les départements d'outre-mer est élaborée intégrant un volet export", selon un amendement de Jacques Cornano (PS, Guadeloupe).
Le projet de loi, déjà adopté par l'Assemblée en octobre dernier, fera l'objet d'un vote solennel le 3 mars. Le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée (une lecture par chambre), une commission mixte paritaire (7 sénateurs, 7 députés) devra ensuite trouver une version commune. En cas d'échec, l'Assemblée, aura le dernier mot.