Le Sénat inscrit les exigences de qualité des réseaux de fibre optique dans la loi

Le Sénat a adopté le 2 mai 2023 à une large majorité la proposition de loi sur la qualité et la pérennité des raccordements à la fibre. La loi encadre, contre l'avis du gouvernement, le mode Stoc. Elle renforce les pouvoirs de contrôle des collectivités et les droits des consommateurs. Elle missionne officiellement l'Arcep sur la qualité des réseaux, les opérateurs défaillants risquant de lourdes sanctions.

Le ministre des Télécommunications, Jean-Noël Barrot, n'aura pas réussi à convaincre la représentation nationale des territoires sur le caractère limité des désordres dans la fibre optique. Le ministre a tenté de faire valoir que "90% des problèmes étaient à rechercher du côté des opérateurs d'infrastructures", avec quelques réseaux particulièrement "accidentogènes" où 400.000 prises sont en cours de traitement, à peine 10% étant imputables selon lui aux opérateurs commerciaux et au fameux mode Stoc. Si cette sous-traitance aux opérateurs commerciaux est loin d'être "parfaite", le ministre a réaffirmé sa préférence pour une négociation avec la filière pour l'améliorer, n'apportant son soutien qu'au renforcement des pouvoirs de l'Arcep et des droits des consommateurs.

Encadrement du mode Stoc

Des arguments balayés par Patrick Chaize, à l'initiative de la proposition de loi. Le sénateur de l'Ain a dénoncé un recours au mode Stoc "mal maitrisé" et "dépourvu de base législative". Il a également pointé les engagements non respectés de la filière, certains contrats Stoc, dont la première révision date de 2020, n'étant par exemple toujours pas signés par l'ensemble des acteurs. Il a cependant réfuté l'idée de remettre totalement en cause le mode Stoc. Il s'agit de "guider et d'accompagner les démarches actuelles autour du mode Stoc", a-t-il justifié, s'étonnant que les acteurs privés n'aient transmis "aucune proposition d'amendement" au texte. Patricia Demas, rapporteure au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, a abondé en ce sens en pointant un dispositif "dépourvu de possibilité de recours pour les usagers". Elle a défendu des amendements de "clarification", sans toucher à l'esprit du texte.

Guichet pour traiter les désordres

La proposition de loi confie donc à l'opérateur d'infrastructure la responsabilité du choix du mode de raccordement. Et le raccordement des abonnés est désormais encadré par un décret, pris après avis de l'Arcep, définissant "des exigences de qualité minimales" que devront respecter les intervenants. La loi prévoit surtout la création d'un "guichet unique" assurant la prise en charge des difficultés de raccordement, pouvant être saisi par l'utilisateur, une collectivité ou toute personne y ayant intérêt. L'intervenant incriminé a 10 jours pour remédier aux désordres. Ces derniers sont répertoriés par le guichet et remontés à l'Arcep. Toutes les interventions sur les installations optiques font l'objet d'un "registre unique" pour en assurer la traçabilité. Tout raccordement doit être réalisé par une personne "labellisée" et fait l'objet d'un "certificat de conformité" remis à l'utilisateur final.

Conditionnement du paiement des prestataires

Au nom de la "bonne utilisation des deniers publics", le paiement des prestataires de raccordement par le gestionnaire du réseau d'initiative publique est conditionné par la remise desdits certificats de conformité. Les collectivités gagnent également la possibilité d'accéder au calendrier hebdomadaire des raccordements et peuvent se rendre sur place pour en contrôler la qualité. Le recours au mode Stoc fait ensuite l'objet d'interdictions ponctuelles. Aux quelque 300 "zones fibrées" – statut accordé par l'Arcep à partir d'un certain seuil de couverture – prévues par la proposition de loi initiale, le Sénat a ajouté les zones concernées par l'arrêt technique du cuivre à une échéance de 18 mois. Cette interdiction est cependant limitée aux raccordements "longs et complexes", notion devant faire l'objet d'une définition règlementaire.

L'Arcep officiellement en charge de la qualité

L'Arcep voit ensuite ses pouvoirs de contrôles étendus à "la qualité, la pérennité, l'intégrité et la sécurité des raccordements" à la fibre. Elle doit également publier tous les trimestres des "indicateurs permettant d'évaluer les niveaux de qualité de service". Un opérateur ne respectant pas les normes de qualité réglementaires pourra se voir infliger une astreinte pouvant aller jusqu'à 100.000 euros par jour. Le consommateur voit pour sa part ses droits renforcés. Il peut ainsi résilier son contrat, sans aucun frais, en cas d'interruption de son accès à internet plus de 20 jours consécutifs. Et une perte d'accès à internet plus de 10 jours lui ouvre droit à une suspension du paiement de l'abonnement.

Le texte est désormais sur le bureau de l'Assemblée nationale et pourrait encore sensiblement évoluer dans le cadre de la navette parlementaire.