Incubateur Legaltech : les clés du succès ?

Un vent de modernité souffle sur le secteur public. L’Etat a d’ailleurs créé Beta.gouv* qui imagine et incube “les services publics numériques de demain”. Cela signifie-t-il que les collectivités et les établissements publics suivent le même mouvement ? 

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Bien évidemment, la réalité est bien plus subtile qu’un simple oui ou non. Tout dépend de la taille de la personne publique, de ses priorités mais aussi des initiatives individuelles prises en son sein. Par ailleurs, toute ambition relative au digital nécessite une analyse à 360°de la situation et une vision sur le long terme.

Concernant le secteur public, il convient de se poser une seule question : les legaltech peuvent-elles répondre aux problématiques des collectivités et des établissements publics ?

Nous pensons que c’est tout à fait possible, à condition d’être vigilant sur la méthode d’implémentation.

 

Le retour d’expérience de l’UGAP** : l’analyse du processus contractuel et le travail collaboratif, les deux clés du succès pour digitaliser les marchés publics

Qui de mieux placé qu’Olivier Giannoni, Directeur Juridique de l’UGAP pour nous parler du sujet ? En effet, avec une activité croissante et complexe qui est passée de 3 à 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 5 ans, il s’est heurté à un problème de productivité. Comment faire plus à effectif constant ?

Pour résoudre cette équation, se doter d’un outil de production assistée des supports contractuels était incontournable. Mais, acheter une technologie ne suffit pas : un projet de numérisation bouleverse non seulement l’organisation existante, mais également les équipes dans leur quotidien.

Pour accompagner ce changement, un groupe projet fut rapidement créé, avec la présence d’un sponsor (Olivier Giannoni), une cheffe de projet (Juriste), un Directeur de Projet et des représentants d’autres Directions dont en particulier la direction des systèmes d’information pour gérer et suivre le projet et motiver l’ensemble des futurs utilisateurs.

Afin d’être aux plus proches des besoins du terrain, plusieurs étapes ont été scrupuleusement suivies :

  • la formalisation méticuleuse - par écrit - du processus de travail existant. Cette première étape s’est avérée très utile afin d’identifier et de partager en interne les points d’amélioration potentiels des pratiques existantes. Pour l’UGAP, cela concernait principalement les erreurs et perte de temps engendrées par des mauvaises clauses copiées-collées ou bien encore le double travail de rédaction contractuelle avec le fournisseur de l’UGAP d’un côté et les conditions générales de ventes du client public de l’UGAP de l’autre ; 
  • le sourcing des solutions logicielles. Cette étape n’est efficace que si l’ensemble des problèmes ont été listés. La Cheffe de projet en lien avec le Directeur de Projet a analysé et sélectionné les offres qui paraissaient les plus adaptées.
  • le POC (Proof of concept). « L’agilité du partenaire et son évolutivité fonctionnelle couplée à la facilité d’usage de l’outil et son intégration à la GED ont été des éléments déterminants dans le choix de la solution Gino » cite Olivier Giannoni. Pour faciliter la réussite du projet, il avait été convenu dès le départ que le périmètre du projet serait la direction juridique avant d’appliquer la solution à d’autres services. Cette phase test était le virage à ne pas louper !
  • le déploiement à grande échelle. Après avoir sélectionné l’éditeur Gino Legaltech, deux grandes questions restaient encore en suspens : est-ce que l’outil était réellement en mesure de s’interfacer rapidement avec les logiciels de l’UGAP et allait-il être utilisé par les équipes ? Le travail de communication et de conviction a montré ici toute son utilité puisque les juristes qui avaient pu tester dès le départ la solution étaient convaincus et que la direction des systèmes d’informations qui avait aussi été associée dès le départ n’a pas rencontré de difficulté dans la création des interfaces nécessaires.
  • Et après ? La réussite d’une transformation passe par la pleine adhésion des parties prenantes. C’est pourquoi il faut absolument identifier un ambassadeur par service, c’est-à-dire une personne enthousiaste, disponible et motivée qui saura prendre le relais sur le terrain. Un engagement constant du sponsor pour intervenir au bon niveau et trouver des solutions est nécessaire car la transformation c’est aussi un sport de combat.

Bilan de la démarche ? La méthode a porté ses fruits. Désormais, l’automatisation des documents et l’interconnexion des outils numériques permettent de supprimer des tâches sans valeur ajoutée, amenant une optimisation du temps de travail : 1h30 pour générer un marché public d’une centaine de pages contre 3 jours auparavant.

 

Le RGPD et les collectivités : exemple de la ville d’Evry-Courcouronnes

Alors que les scandales éclatent sur le traitement des données par les GAFA, on en oublierait presque que toutes les entités juridiques doivent effectuer un travail de mise en conformité. Et, les collectivités ne font pas exception à la règle : il leur appartient désormais d’entrer dans une dynamique de mise en conformité au RGPD des outils, fichiers et processus impliquant des traitements de données personnelles. Le RGPD impose notamment à toutes les structures publiques de désigner un délégué à la protection des données.

Nous avons visualisé un webinaire “Quels cadre juridique et enjeux pour les collectivités territoriales” organisé par Data Legal Drive dans lequel le DPO (délégué à la protection des données) d’Evry-Courcouronnes délivre son retour d’expérience concernant l’adoption d’une plateforme qui digitalise le pilotage de la mise en conformité.

En réalité, au regard d’une part, des nombreuses prescriptions de la CNIL et d’autre part, des multiples données dont dispose une collectivité (logement, habitat, vidéosurveillance, circulation, etc.), un suivi à la main serait chronophage, fastidieux voire impossible. La digitalisation nous semble salutaire d’autant plus que les données constituent un patrimoine stratégique et sont également un sujet politiquement sensible.

Le DPO a dans un premier temps mené une analyse des besoins de la collectivité :

  • la traçabilité du traitement des données. Cet aspect est primordial puisqu’il s’agit de retrouver rapidement les actions mises en œuvre pour garantir la conformité ;
  • la simplicité d’usage. Le traitement des données concerne tous les services qui collectent des informations. De ce fait, n’importe quel agent doit être capable de s’approprier la plateforme afin de produire et mettre à jour une fiche de traitement via Data Legal Drive ;
  • la granularité de l’outil. Le challenge est de trouver un juste équilibre entre les fonctionnalités indispensables, faciles à utiliser par l’ensemble des agents, et celles qui requièrent un niveau d’expertise plus élevé permettant une évaluation fine de la conformité.

Le DPO précise également que le back-office est essentiel pour les collaborateurs. Le S.A.V et plus précisément, l’accompagnement pour la prise en main de l’outil est donc un prérequis pour que l’implémentation en interne fonctionne parfaitement.

Concernant la stratégie de gouvernance, la Ville d’Evry-Courcouronnes a choisi d’utiliser prioritairement 3 fonctionnalités de Data Legal Drive : la PIA (études d’impact basées sur le module de la CNIL), la cartographie des traitements (recensement de l’ensemble des traitements des données personnelles d’un organisme) et bien évidemment, la tenue du registre.

Sur ce dernier point, le DPO insiste sur l’importance d’accompagner chaque agent pour le former sur l’utilisation de l’outil et, ensuite, le sensibiliser à échéance régulière. Data Legal Drive contribue à ces deux objectifs. En effet, la plateforme, de par sa simplicité d’utilisation, désacralise la réglementation et permet à toute personne de remplir une fiche de traitement des données.

 

Les legaltech et le secteur public : les 4 grands principes à respecter

  1. Personne dédiée - Nommer un chef de projet est primordial. En effet, l’achat d’une solution legaltech n’est finalement qu’une partie infime du travail. Le plus délicat ? Séduire les futurs agents pour que la legaltech choisie soit acceptée et surtout utilisée.                                                                                                                                
  2. Audit de l’existant - Il convient avant tout d’identifier quels sont les services qui vont être concernés par l’implémentation de la legaltech. S’il manque une partie prenante, alors vous risquez d’avoir une digitalisation incomplète rendant l’organisation existante davantage complexe.                                           
  3. Choix de la legaltech - La sélection d’une solution doit répondre aux “pain points” : perte de temps, insécurité juridique, tâches répétitives etc. Interroger les acteurs dans leur quotidien est donc essentiel pour choisir l’outil et les fonctionnalités les plus adaptées. Par ailleurs, peu de gens ont finalement une culture 2.0 ! La facilité d’usage et l’accompagnement (d’où l’importance du back-office) seront les deux clés du succès.                                                                                                                                              
  4. Communication - Cet aspect est souvent oublié au détriment de la technologie choisie. Pourtant, la réussite de l’adoption d’une legaltech passe surtout par la capacité du porteur du projet de communiquer sur les bénéfices de l’outil, de former les équipes et de répondre présent à la moindre interrogation.

 

*https://beta.gouv.fr/

**Lauréat du Trophée d’Or 2022 de la meilleure Direction Juridique en projet innovation et Transformation