Les centres de gestion se penchent sur leur avenir et celui de la fonction publique territoriale

Plus de 400 élus, agents territoriaux et représentants des partenaires des collectivités sont attendus du 4 au 6 juin à Lille pour le congrès de la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale (FNCDG). Evolution du service public, protection sociale complémentaire des agents, attractivité de la fonction publique territoriale, prévention de l'usure professionnelle… Dans un entretien accordé à Localtis, Michel Hiriart, président de la fédération, dévoile les enjeux qui seront abordés lors de cette rencontre. Et le sens des propositions qui y seront présentées. 

Localtis - Quels thèmes les participants au congrès vont-ils aborder à travers les tables-rondes et ateliers ? Quels enjeux seront au cœur des échanges ? 

Michel Hiriart - Notre congrès, qui est organisé tous les trois ans, permet de rassembler de nombreux acteurs du monde territorial autour de différentes thématiques d’actualité. Cette année seront évoquées les problématiques de l'évolution du service public et des impacts des transitions (climatique, énergétique, démographique) ainsi que de l'intelligence artificielle. Les échanges porteront aussi sur l'attractivité, l'emploi et les carrières dans la fonction publique territoriale, en se demandant quels sont les outils à apporter aux maires et aux agents pour donner davantage de perspectives de carrière et comment renforcer l'attractivité des collectivités. La santé et la sécurité au travail seront également abordées, avec entre autres les questions de la prise en charge du handicap, de l'usure professionnelle et de l'entrée en vigueur de la réforme des retraites. Également au programme : la négociation collective et la protection sociale complémentaire après l'accord national signé le 11 juillet 2023.

Les centres de gestion se sont-ils emparés de la réforme de la protection sociale complémentaire ? 

L’ordonnance du 17 février 2021 a confié une compétence aux centres de gestion en matière de protection sociale complémentaire. Les centres de gestion concluent, pour le compte des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, des conventions de participation à un niveau régional ou interrégional - selon les modalités déterminées par le schéma régional ou interrégional de coordination, de mutualisation et de spécialisation. Avant même l’entrée en vigueur de cette réforme, plus de 51% des centres de gestion accompagnaient déjà les collectivités et les établissements de leur ressort pour la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire au moyen d’une convention cadre. 

Sur ce sujet, l'absence de traduction législative de certaines mesures de l'accord national de juillet 2023 entre les représentants des syndicats et des employeurs gêne-t-elle l'action des centres de gestion ?

L’absence de transposition de l’accord national pose question et complexifie la signature des conventions de participation. Mais il apparaît que les centres de gestion se sont emparés de la possibilité de mutualiser cette protection sociale complémentaire. Je citerai les exemples des conventions mises en œuvre respectivement par les centres de gestion de la région Pays de la Loire, le centre de gestion de la Marne et celui de la Saône-et-Loire. La mutualisation des risques, organisée par les centres de gestion, permet notamment de garantir aux agents et aux employeurs publics territoriaux un niveau de couverture adéquat reposant sur les garanties les plus pertinentes compte-tenu des besoins sociaux et des contraintes économiques des employeurs publics concernés. De surcroît, les agents et leurs employeurs bénéficient de taux de cotisations négociés.

Les tensions de recrutement demeurent-elles élevées sur certains postes de la fonction publique territoriale ? 

Les collectivités locales font face à des difficultés croissantes pour recruter et fidéliser leurs agents, même si, cette année, les perspectives de recrutement régressent pour la première fois depuis 2018. Alors que les centres de gestion avaient enregistré une augmentation constante des offres d’emploi entre 2015 et 2023, le baromètre HoRHizons 2025 pointe une régression dans les intentions de recrutement. Mais l’attractivité de l’emploi public territorial reste une priorité. Aujourd’hui, plus de 52% des collectivités déclarent rencontrer des difficultés à recruter et fidéliser leurs agents. Dans certaines d’entre elles, 10 à 15% des postes restent non pourvus. 

Tandis que la pression s'accroît sur les budgets locaux, la fédération a-t-elle des propositions concernant la capacité de la fonction publique territoriale à demeurer attractive ?

Les employeurs territoriaux ont mis en place plusieurs leviers : revalorisation du régime indemnitaire, protection sociale complémentaire, amélioration de la qualité de vie au travail, télétravail, action sociale… Au-delà, la fonction publique dispose d’atouts qu’il est possible de renforcer et de mobiliser. Il s’agit de définir une stratégie globale d’attractivité s’appuyant sur plusieurs leviers : image, reconnaissance, évolutions de carrière, rémunérations, qualité de l’emploi et des conditions d’exercice du travail. Pour répondre efficacement à ces enjeux d’attractivité, la coordination des employeurs territoriaux (CET) avait transmis plusieurs propositions au ministre Stanislas Guerini. Elles restent d’actualité. La CET propose ainsi de refondre les concours, de promouvoir les concours sur titres et de mettre en place une voie d’accès dédiée aux apprentis de la fonction publique territoriale. Elle met en avant également l'idée de mettre en œuvre des comités de sélection chargés de vérifier l’aptitude d’un agent contractuel à devenir fonctionnaire. Le contrat deviendrait une modalité transitoire d’accès à la titularisation dans un cadre d’emplois. La CET recommande par ailleurs une meilleures information et une meilleure visibilité quant aux postes vacants et à la réalité de leur ouverture vers l’extérieur. Enfin, en matière de rémunération, elle appelle à un meilleur équilibre entre le socle indiciaire et la composante indemnitaire, en rééchelonnant les grilles et en redéfinissant les rôles de chacune de ces composantes.

Lors du Roquelaure de la simplification qui s'est tenu le 28 avril, le gouvernement a présenté des mesures de simplification de la gestion des ressources humaines. Est-il selon vous souhaitable et possible d'aller sur ce terrain, pour permettre aux collectivités territoriales de parvenir à des économies ?

Il convient d’aller vers plus de simplification. Certaines normes sont trop contraignantes et ne correspondent pas à la réalité du terrain dans nos collectivités ou nos centres de gestion. L’allongement de la périodicité des visites médicales, la réduction de la période nécessaire pour bénéficier d’un CDI, la mise en œuvre de recrutements sur titre, ou encore la simplification des déclarations de vacance d'emploi sont quelques exemples de cette nécessaire simplification. 

Le ministre de la Fonction publique, Laurent Marcangeli, sera attentif aux travaux du congrès et s'exprimera en vidéo. Quels messages comptez-vous lui adresser ?

Plusieurs points devraient être mis en avant à l'attention du ministre. D'abord, la protection sociale complémentaire des agents territoriaux, avec l’urgence de l’examen de la proposition de loi déposée en février par la sénatrice Isabelle Florennes. La CNRACL également, parce que la hausse de la contribution employeur (+38% en 4 ans) est insoutenable financièrement pour les collectivités et risque de favoriser encore davantage la substitution de l’emploi fonctionnaire par l’emploi contractuel. La création d’un fonds de prévention de l’usure professionnelle doit aussi être évoquée. En effet, chaque année, plus de 52.000 agents territoriaux, tous statuts, catégories et filières confondus, sont concernés par des procédures liées à l’inaptitude ou l’invalidité et l’absentéisme pour raison de santé progresse avec l’âge. Les risques financiers liés aux nombreuses inaptitudes pèsent aujourd’hui lourdement sur la CNRACL - celle-ci versant les pensions pour invalidité aux fonctionnaires en relevant -, les collectivités et France travail - pour les versements des allocations de chômage en cas de licenciement pour inaptitude. Pour rappel, la prévention de l’usure professionnelle et l’accompagnement des deuxièmes parties de carrière étaient au cœur de la réforme des retraites. Nous aborderons aussi bien entendu la question de l’attractivité de la fonction publique territoriale : les difficultés de recrutement et fidélisation, la rémunération, les contractuels… Et nous porterons les propositions de la FNCDG pour l’évolution de la fonction publique territoriale et des centres de gestion.

Une motion sera-t-elle adoptée lors du congrès ?

Une motion sera en effet présentée lors de notre Assemblée générale, le 5 juin. Cette motion comportera 35 propositions principales et 11 autres propositions relatives à la santé et à la sécurité au travail. Elles rejoignent nombre des propositions émises par la CET. Cette série de propositions inscrites dans notre motion a été élaborée autour de sept thématiques : les modes de recrutement, l’évolution des carrières et des rémunérations, l’emploi, le temps de travail, la santé au travail, la fin d’emploi ou de carrière et l’évolution des centres de gestion. Le ministre de la Fonction publique en sera destinataire, mais également les parlementaires, la CET et la presse.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis