Les festivals ruraux : un monde (un peu) à part

Une étude de France festivals met en lumière les caractéristiques des festivals organisés dans les territoires ruraux. Ils se distinguent par leur temporalité, leur budget mais aussi par les équipes qui les portent et leurs ambitions.

"Les mondes ruraux […] bénéficient plus largement que les mondes urbains de l'essor des festivals dans la période la plus récente", nous enseigne la récente étude de France festivals consacrée aux festivals ruraux. On y apprend également que ces événements "répondent à des caractéristiques qui ne sont pas totalement originales, mais plus prononcées en milieu rural".

Aujourd'hui, un tiers des 7.300 festivals organisés en France se déroulent dans des espaces ruraux, avec une part variable selon les régions. Ainsi, la part des festivals implantés en zone rurale concerne plus de la moitié des festivals en Bourgogne-Franche-Comté. Pour le Centre-Val de Loire, l'Auvergne-Rhône-Alpes, l'Occitanie, les Pays de la Loire, la Bretagne, la Nouvelle-Aquitaine et la Corse, ce sont plus de quatre festivals sur dix qui sont ruraux.

Des festivals plus récents et plus estivaux

Une fois ce regard territorial posé, l'étude analyse les caractéristiques spécifiques des festivals ruraux. La première est leur date de création. Pour beaucoup d'entre eux, les festivals ruraux ont été créés depuis 2010. Cette situation concerne 48% des festivals qui se déroulent dans les bourgs ruraux, 50% des festivals de l'habitat dispersé et 55% du rural à habitat très dispersé, contre 44% des festivals situés en urbain dense. 

La temporalité des festivals ruraux retient également l'attention. Après avoir affirmé de façon surprenante qu'"on pourrait penser que les festivals d'été coïncident avec des espaces très urbanisés", l'étude nous apprend de façon plus attendue que "les départements ruraux et montagnards choisissent l'été pour animer leurs territoires, et le font notamment à travers la présence de festivals". Elle précise même que cette articulation entre festivals et politiques touristiques "demeure l'une des clefs de la dynamique d'ensemble". Cette tendance s'illustre à travers la provenance des publics. Si dans les villes, grandes ou petites, les festivaliers habitent majoritairement dans le département, ils viennent pour les deux tiers d'un autre département pour assister à des festivals ruraux.

Des festivals pour faire vivre le territoire

Autre caractéristique marquante : la prédominance de la musique dans les thèmes des festivals ruraux. Quatre festivals de musique sur dix se déroulent dans des territoires ruraux. "Cette prévalence de la musique, écrivent les auteurs de l'étude, bénéficie d'abord aux musiques actuelles mais ne laisse pas de côté les musiques dites 'de répertoire'." Ce qui permet de d'avancer que "la présence de ces festivals de répertoire prouve que la ruralité est aussi le territoire d'accueil de propositions très exigeantes en termes artistiques". Le spectacle vivant est le deuxième domaine le plus présent dans les festivals ruraux, devant le livre et la littérature. En revanche, les festivals de cinéma et d'audiovisuel, "qui supposent un équipement moins présent dans les communes rurales", sont moins programmés que dans les communes urbaines.

Pour synthétiser ces premiers éléments, l'étude met en lumière les registres de motivation associés à la création des festivals. Si la valorisation d'une discipline artistique est forte dans les territoires urbains (35,3% des réponses) elle est plus faible en ruralité (14,2%). En revanche, la volonté de "revitaliser le territoire par la culture" est beaucoup plus fort à la campagne (28,5%) qu'à la ville (11%).

Un soutien plus amateur et plus local

La singularité des festivals ruraux réside encore dans bien d'autres facteurs. D'une manière générale, l'étude pointe que "le fait festivalier qui se développe dans ce type de territoire répond à des logiques de spécialisation moins intenses que dans les milieux urbains ou intermédiaires". Plusieurs éléments étayent cette thèse : la part des liens professionnels dans les équipes de création diminue à mesure que les communes d'implantation se rapprochent de la ruralité, et à l'inverse, la proportion des liens familiaux augmente en se rapprochant des milieux ruraux, puisqu'elle est de 58,3% pour les festivals implantés dans les communes les plus rurales, contre 21,5% pour ceux des communes les plus urbaines. 

Dans le même ordre d'idées, les bénévoles et les personnes "hors secteurs culturels" représentent respectivement 37,1% et 32,4% des équipes de création des festivals ruraux, contre 18,2% et 14,3% pour les festivals urbains. On note encore la part moins importante des agents publics dans l'équipe initiale (16,7%) en comparaison aux milieux urbains (24%). En effet, dans le cas des communes rurales, le soutien public passe moins par l'implication d'agents que par un appui financier ou matériel. D'ailleurs, 75,4% des responsables de festivals ruraux déclarent que les communes se sont impliquées dans leur manifestation, contre 65,9% en milieu urbain. À l'inverse, l'implication de l'État ne concerne que 7,9% des festivals ruraux, contre 18,5% des festivals urbains.

Des recettes et des dépenses différentes

Sans surprise, les budgets des festivals diffèrent selon les territoires. Les festivals ruraux sont nettement surreprésentés dans la catégorie des budgets inférieurs à 20.000 euros, tandis que les festivals urbains sont beaucoup plus présents parmi ceux des budgets supérieurs à 50.000 euros. Cette différence de moyens s'explique en partie par un moindre niveau de subventions : les aides publiques – et notamment les aides des communes – ne comptent que pour 41% des budgets des festivals ruraux, contre 56% pour des festivals urbains. Pour équilibrer leurs recettes, les festivals ruraux s'appuient davantage sur la billetterie (24% du budget, contre 16% aux festivals urbains) et la restauration/buvette (13% du budget, contre 5% aux festivals urbains).

Côté dépenses, les festivals ruraux consacrent une part légèrement plus importante de leur budget aux postes artistiques et techniques, et un peu moins à l'administration et à la communication que les festivals urbains.

Après avoir souligné que les festivals ruraux se caractérisent par des "liens forts entre sociabilités ordinaires et projets artistiques", identifié "des dynamiques de renouvellement des publics et des programmations" et pointé "les enjeux de mobilité durable des publics", l'étude se demande, en conclusion, si les mondes ruraux, "jadis considérés dans leur retard de développement" [sic], ne sont pas à l'avant-garde de ces nouveaux paradigmes.