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Délinquance - Les parents rappelés à leurs responsabilités

Le rôle des parents est une priorité de la lutte contre la délinquance juvénile, comme l'ont montré les assises organisées sur le sujet par Jean-Marie Bockel, le 14 octobre, à Paris. Le secrétaire d'Etat à la Justice devrait remettre son rapport "dans les prochains jours".

Ceux qui, depuis quelques mois, s’inquiètent d’une pénalisation des parents pourront se rassurer. Les Assises de la prévention de la délinquance juvénile, qui se tenaient à la Cour d’appel de Paris jeudi 14 octobre, ne devraient pas déboucher sur un arsenal de mesures répressives mais plutôt sur un accompagnement plus fort, même si le secrétaire d’Etat à la justice, Jean-Marie Bockel, qui devrait remettre "dans les prochains jours" un rapport sur le sujet au président de la République, a estimé qu'il fallait "marcher sur deux jambes" (prévention et répression). Son rapport s’appuiera sur les recommandations du rapport Ruech, remis en février dernier, mais aussi sur les nombreux auditions et déplacements qu’ils a effectués depuis que cette mission lui a été confiée en août, ainsi que sur les conclusions des présentes assises. Et le rôle des parents devrait apparaître comme l’un des éléments-clés de la prévention de la délinquance juvénile. "50% des faits de délinquance sont dus à des carences éducatives et 30% d’entre eux à de lourdes turbulences familiales", a insisté Nadine Morano, ministre de la Famille.

La peur des maires d’être dans l’arbitraire

Le ton de cette journée, qui a réuni plusieurs ministres et quelque 300 professionnels (magistrats, avocats, élus, éducateurs, etc.), n’était pas aux coups de matraque, plutôt à la main tendue, quitte à évoquer des sujets qui fâchent comme le facteur culturel mis en avant dans le dernier livre d’Hugues Lagrange qui, décidément, suscite beaucoup de débats.
La responsabilité des parents est prévue à l’article 227-17 du Code pénal. Mais à en croire les magistrats, cet article très rarement appliqué n’a pas vocation à l’être, seulement à servir d’épouvantail. "C’est une menace qui doit être utilisée, c’est un échec que de la mettre en oeuvre", a souligné Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Même approche chez Jean-Claude Marin, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris : "C’est notre socle pour faire de l’alternative aux poursuites."
Pour tenter de remettre les parents défaillants en selle, plusieurs dispositifs ont été créés ces dernières années, notamment par la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007 qui fait du maire le pivot de la prévention sur sa commune. Seulement, cette loi n’a jamais vraiment décollé, obligeant même le gouvernement à prendre un plan de prévention de la délinquance l’an dernier. Et cet été, le ministre de l’Intérieur avait adressé une circulaire aux préfets pour voir quels étaient les outils effectivement mis en place dans les communes. Selon Bernard Reynes, député-maire de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône), plusieurs raisons expliquent ce retard à l’allumage : d’abord la complexité de ce texte de 92 articles, mais aussi la "peur des maires d’être dans l’arbitraire". Nadine Morano a une autre interprétation : pour elle, les "nouvelles équipes municipales ne se sont pas emparées" des nouveaux outils mis à leur disposition, à commencer par le conseil des droits et devoirs des familles (CDDF). "C’est le maire qui est en mesure de repérer les familles en difficulté et de mettre en place tous les dispositifs d’accompagnement et d’aide à cette famille", a insisté celle qui a écrit à tous les maires de communes de plus de 10.000 habitants pour les sensibiliser sur l’existence des CDDF. "Rendre le CDDF obligatoire à terme peut être envisagé", a encore précisé la ministre (comme l’avait prévu initialement la loi du 5 mars 2007).

Stages parentaux

Pour sortir le maire de son isolement, la commune de Châteaurenard a créé une sorte "d’état-major" autour de lui : la "cellule de citoyenneté et de responsabilité publique", qui, a expliqué Bernard Reynes, apporte une réponse graduée aux problèmes rencontrés par les familles : mesures d’accompagnement parental, rappels à l’ordre et transactions avec un plafond de 1.333 euros bruts ou mesures de réparation de 30 heures de travail non rémunérées dans les services techniques de la mairie. Dans les Bouches-du-Rhône et le Var, une trentaine de mairies ont mis en place cette cellule, et le Vaucluse commence à s’y mettre. "Si la famille ne suit pas, c’est le parquet qui prend le relais", a déclaré le député-maire. Mais là encore, c’est l’alternative qui est privilégiée, comme l’a expliqué le procureur Jean-Claude Marin qui a mis en place des "stages parentaux". Il s’agit de stages de six séances de deux heures chacune animés par des travailleurs sociaux, des psychologues. En un an, onze stages ont été mis en place, deux le seront d’ici la fin de l’année. "Sur ces onze familles, on n’a pas eu de réitération, aucune garde à vue pendant et après le stage, les parents ont retrouvé le chemin de la responsabilisation", se félicite-t-il.

"Patate chaude"

Pour Jean-Pierre Rosenczveig, "on joue à se renvoyer la patate chaude alors qu'il faudrait valoriser les uns et les autres dans leurs compétences. Il faut des accords entre les services de l'Etat et les collectivités locales mais pas de transferts de compétences". Le magistrat a par ailleurs soulevé la question de l’autorité parentale dans les couples séparés et relancé le débat sur le statut de beau-parent, une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy (un projet de loi de Nadine Morano avait été dévoilé en mars 2009 avant d’être enterré). Le juge propose également de rendre l’assurance parentale obligatoire.
Ces assises ont encore été l’occasion de rappeler le rôle de l’éducation et les mesures prises récemment en matière d’absentéisme scolaire, notamment la proposition du député Eric Ciotti adoptée il y a quelques semaines qui prévoit la suspension des allocations familiales pour absentéisme scolaire. Eric Ciotti devrait déposer une autre proposition de loi prévoyant qu’en cas de condamnation d'un mineur, le magistrat mette en place un plan de probation sous la responsabilité des parents. A défaut, ils encourraient 30.000 euros d’amende et deux ans de prison. Mais là encore, il s'agit avant tout de menace. "Il faut un équilibre entre droits et devoirs, entre incitation et craintes des sanctions", a insisté le député lors d’un message diffusé. Quant à Luc Chatel, ministre de l’Education, il a une solution plus diplomatique : la "mallette des parents", distribuée dans 13.000 collèges. En introduction de ces assises, Jean-Marie Bockel avait tancé "les éparpillements, les doublons". A voir ce foisonnement d'idées, on peut se demander si son rapport y parviendra.
 

Michel Tendil

 

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